Je ne suis pas à l’aube de mon existence et je m’approche précipitamment de son crépuscule. Je n’ai donc pas de temps. Pas de temps à perdre dans l’inutile, pas de temps à consacrer à des chemins stériles, et encore moins à ceux qui n’ont que l’insulte à la bouche. Ces artisans de la vacuité verbale, sont les ombres inutiles d’un monde en quête de lumière. Ils n’ajoutent aucune valeur à l’exercice exigeant et fastidieux de la pensée. Leur vacarme stérile est comme une pluie sans eau, un mouvement sans vie, une érosion lente de la dignité intellectuelle.
Je n’ai pas de temps pour ceux dont la seule ambition est de nourrir leur ego. Le temps est une ressource trop précieuse pour être dilapidée dans des futilités ou des distractions vaines. Chaque instant que je consacre à réfléchir, à écrire, à agir, est un acte de résistance contre la fuite inexorable de ce qui est éphémère. Chaque minute que je dérobe au superflu, je l’investis dans l’essentiel.
Je dois dévorer des livres pour nourrir mon esprit, écrire pour donner corps à mes idées, apprendre sans relâche pour élargir mes horizons et approfondir ma compréhension du monde. Je dois plonger dans la recherche, explorer des territoires inconnus de la pensée pour mieux éclairer mes convictions. Je dois guider mes enfants, leur transmettre des valeurs, éveiller leur curiosité, les armer pour affronter un avenir incertain. Je dois subvenir aux besoins de ma famille, veiller à ce qu’il ne leur manque rien, leur offrir un foyer chaleureux et stable, un refuge dans le tumulte de la vie. Et au-delà de ces devoirs essentiels, je dois aussi aimer profondément ceux qui me sont chers, leur accorder du temps, leur témoigner de l’attention, être présent dans leurs joies comme dans leurs peines, parce qu’ils sont la lumière qui éclaire mes journées. Mais cela ne suffit jamais. Car il y a, au-delà de ces devoirs immédiats, un appel plus grand, plus profond : celui de mon pays. Le Sénégal est ma passion, et cette passion est vorace. Elle réclame de moi tout ce que je suis, tout ce que je peux offrir, et plus encore.
La catégorie des insulteurs ne m’interpelle pas, car elle est un désert de sens, une absence d’idées, un néant où rien ne pousse. Dans le vaste champ de la pensée humaine, ils ne cultivent rien, ils n’ensemencent rien, et ils ne récoltent rien. Leur existence se réduit à l’érosion des valeurs et à la stérilité de l’esprit. Ils ne sont ni les bâtisseurs d’un avenir ni les gardiens du présent. Ils ne sont que des pierres d’achoppement sur le chemin de ceux qui cherchent à comprendre, à créer, à transformer.
À côté de cette insignifiance bruyante, il y a ceux qui prétendent être des intellectuels. Ces derniers, parés de leurs titres comme d’une armure rouillée, ne sont en réalité que des distributeurs automatiques de la pensée des autres. Ils se hâtent de publier, non pas pour éclairer, mais pour être vus. Leur savoir est infinitésimal, réduit à des clichés appris par cœur, et ne dépasse pas la taille d’un nain intellectuel. Ils se glorifient dans la répétition servile, flattent le prince du moment, et prennent des positions indéfendables pour satisfaire leurs désirs vils de possessions matérielles. Leur quête de reconnaissance n’est qu’une fuite vers l’abîme, un spectacle désolant de médiocrité érigée en système.
Mais il existe une autre catégorie, celle des véritables intellectuels, des porteurs de lumière et d’espérance. Ceux-là ne se perdent pas dans les titres ou les fonctions. Ils ne cherchent ni l’approbation des puissants ni les faveurs du pouvoir. Leur quête est plus noble, plus élevée : ils veulent apporter leur pierre, la tailler avec soin et l’ajuster avec un certain art à l’édifice commun. Leur engagement dépasse leur propre personne. Ils construisent, ils transmettent, ils innovent. Ils ne cherchent pas à dominer ou à briller, mais à servir une cause qui transcende leur existence. Ce sont eux les véritables bâtisseurs du Sénégal, les artisans d’un futur où la pensée n’est pas un luxe, mais une nécessité vitale.
L’intellectuel est une bougie qui se consume généreusement pour apporter de la lumière aux esprits obscurs. Cette image n’est pas qu’une métaphore ; elle est une vérité existentielle. Chaque pensée, chaque mot, chaque geste d’un intellectuel est une flamme offerte, une part de soi donnée pour éclairer un monde trop souvent englué dans les ténèbres de l’ignorance, de la haine ou de l’indifférence. Mais cette lumière a un coût. Elle exige une énergie constante, une capacité à se sacrifier pour des idéaux plus grands que soi. Mon engagement politique, malgré ses exigences dévorantes, n’est pas une charge que je subis ; c’est une expression de ma liberté. C’est le lieu où ma passion pour le Sénégal rencontre ma volonté d’agir pour transformer ce qui peut l’être. La politique, pour moi, n’est pas un espace de pouvoir, mais un espace de service. C’est une manière de donner un sens à ma vie, d’habiter pleinement le temps qui m’est donné, d’exister pour quelque chose qui me dépasse.
Ainsi, le temps ne me fuit pas ; il se transforme. Il devient un espace d’action, un moyen de transcender l’éphémère pour toucher à l’éternel. Et si ma passion pour le Sénégal me consume parfois, elle est aussi ce qui me nourrit, ce qui donne un sens à mes nuits sans sommeil, à mes journées trop courtes. Car en fin de compte, ce n’est pas le temps que je possède qui importe, mais ce que je décide d’en faire. Et je choisis de faire de chaque instant une déclaration d’amour à mon pays, une promesse silencieuse que, malgré tout, je continuerai à me battre, à penser, à rêver. Pour le Sénégal, pour l’idée qu’il représente, pour l’avenir qu’il mérite. Parce que le Sénégal est le temps de ma passion.