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SONKO ET LE MFDC: LE VRAI DU FAUX.

Selon Le Journal du Pays1, le 12 février 2025, une embuscade tendue par le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) a coûté la vie à six soldats sénégalais dans la forêt d’Emaye, au sud-ouest de la Casamance. Cette attaque, d’une violence inouïe, s’est soldée par la capture d’un important arsenal militaire par les combattants indépendantistes. D’après les informations du journal, le MFDC a récupéré huit fusils d’assaut, une mitrailleuse ainsi que quatre caisses de munitions, renforçant ainsi son potentiel offensif face aux forces gouvernementales.

Cette attaque intervient près d’un an après l’accession au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, qui avaient fait de la résolution du conflit en Casamance une priorité de leur programme politique. Pourtant, force est de constater que la situation sécuritaire n’a cessé de se détériorer. Loin de se résorber, la menace rebelle s’est intensifiée, rendant l’inaction des nouvelles autorités encore plus flagrante. Alors que de nombreuses voix appelaient à une initiative politique forte, articulant à la fois des négociations de paix et une reprise en main sécuritaire de la région, le gouvernement semble osciller entre immobilisme et indécision.

Les populations locales, qui nourrissaient l’espoir d’une résolution rapide du conflit sous l’administration actuelle, commencent à exprimer une profonde désillusion. À Ziguinchor, comme dans plusieurs villages touchés par l’instabilité, la peur d’un retour aux violences massives ressurgit. Ce climat d’insécurité alimente la méfiance envers l’État et favorise le discours des factions indépendantistes, qui continuent de rallier des sympathisants sous prétexte d’une autonomie nécessaire pour garantir la sécurité et le développement de la région.

Les commentaires publiés sous l’article du Journal du Pays révèlent une fracture inquiétante au sein de l’opinion publique sénégalaise. Certains internautes ne cachent pas leur sympathie pour le MFDC, qualifiant cette attaque de «victoire sur l’oppression», tandis que d’autres dénoncent avec véhémence cette violence, appelant à une répression sévère contre les rebelles. Cette polarisation de l’opinion est le signe que, malgré des décennies de conflit, l’idée d’une Casamance indépendante reste vivace chez une partie de la population, y compris chez des individus vivant loin du terrain des combats.

Le danger d’une telle division dépasse largement le cadre du conflit casamançais. Une partie des Sénégalais semble désormais accepter, voire encourager, une remise en cause de l’unité nationale. Cette évolution des mentalités, largement alimentée par l’absence d’une réponse ferme de l’État, pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la cohésion du pays. Plus la situation s’éternise, plus le risque est grand de voir émerger d’autres poches de contestation, notamment dans des régions où l’État est peu présent et où la population se sent marginalisée.

L’attaque du 12 février et la capture d’armes par le MFDC montrent que le mouvement séparatiste est loin d’être affaibli. Son aptitude à tendre des embuscades meurtrières et à s’emparer d’équipements militaires prouve qu’il conserve une capacité de nuisance redoutable. Cette montée en puissance met en lumière l’échec de la stratégie sécuritaire actuelle, qui peine à contenir la menace et à garantir la protection des soldats engagés dans cette région instable.

Le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko ne peut plus se contenter d’observer passivement l’évolution du conflit. Des décisions fermes doivent être prises immédiatement pour éviter une aggravation de la crise. Il ne s’agit pas seulement de relancer des négociations de paix, mais aussi de revoir entièrement la stratégie militaire en Casamance. La sécurisation des zones les plus exposées, le renforcement du renseignement et une réévaluation des forces en présence sont impératifs pour éviter de nouvelles pertes et empêcher le MFDC de continuer à s’armer.

L’inaction actuelle constitue une faille qui risque de coûter cher au pays. Chaque attaque réussie par le MFDC renforce son influence et alimente l’idée que l’État sénégalais est incapable d’assurer sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Cette perception affaiblit non seulement l’autorité du gouvernement, mais encourage également d’autres mouvements contestataires à adopter des stratégies similaires.

Il est urgent que les autorités assument pleinement leurs responsabilités et mettent en œuvre une politique claire et efficace pour rétablir l’ordre en Casamance. La paix ne se décrète pas, elle se construit avec des actions concrètes. Sans une intervention décisive, le Sénégal court le risque de voir le conflit casamançais se transformer en une crise sécuritaire d’ampleur nationale, avec des conséquences désastreuses pour l’ensemble du pays.

Pierre Hamet BA.

Source : Le Journal du Pays consulté le 23 février 2025 à 1h 14mn du matin:

https://www.journaldupays.com/2025/casamance-le-mfdc-revendique-une-embuscade-meurtriere-contre-larmee-senegalaise-six-soldats-tues/).

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LA FRACTURE DE CONFIANCE

Au cœur du Sénégal, une fissure invisible grandit, séparant chaque jour un peu plus les dirigeants de ceux qu’ils sont censés représenter. Cette fracture, bien plus profonde qu’un simple désaccord, touche l’essence même du lien qui unit un peuple à ses institutions. C’est le contrat social, ce pacte tacite qui repose sur une confiance réciproque, qui se désagrège sous le poids des promesses non tenues, des injustices accumulées, et d’une indifférence devenue insoutenable.

Le contrat social est un fil fragile, tissé de devoirs et de droits, d’espérances et de responsabilités. Pourtant, au Sénégal, ce fil semble rompu. Les dirigeants, en quête de pouvoir et d’influence, semblent avoir oublié la raison d’être de leur mandat : servir le peuple. Chaque promesse brisée, chaque scandale de corruption, chaque décision prise dans l’opacité érode un peu plus cette confiance. À mesure que les élites s’éloignent de la réalité du peuple, une colère sourde monte des rues, des champs et des foyers.

Cette colère n’est pas sans raison. Elle est nourrie par des inégalités qui se creusent, par une gouvernance qui semble sourde aux urgences du quotidien. Les citoyens regardent les institutions censées les protéger se transformer en outils de domination et de privilège. La justice, au lieu d’être un rempart contre l’arbitraire, devient une arme aux mains des puissants. Les voix qui osent dénoncer ces dérives sont réduites au silence, non par le dialogue, mais par la répression.

Face à cette fracture, le ressentiment populaire grandit. Dans les marchés, dans les bus, dans les places publiques, les conversations tournent souvent autour de cette trahison ressentie. Ce n’est plus seulement une désillusion politique, mais une crise existentielle : comment croire en un avenir meilleur lorsque ceux qui détiennent les clés du changement semblent travailler contre le peuple? Cette méfiance généralisée engendre un désintérêt pour la politique, mais aussi une montée des tensions sociales, prêtes à exploser à tout moment.

Pourtant, cette fracture n’est pas irréversible. Elle peut devenir une opportunité de reconstruction, si seulement les dirigeants acceptent de changer de cap. Restaurer la confiance ne peut se faire sans une transparence totale. Chaque décision, chaque dépense, chaque loi doit être soumise au regard du peuple. Il ne s’agit pas de simples gestes symboliques, mais d’un engagement sincère à rendre des comptes.

Il faut aussi responsabiliser les dirigeants, en renforçant les mécanismes de contrôle démocratique. Les institutions doivent être au service du peuple, non des ambitions personnelles. Les citoyens doivent retrouver leur place au centre des priorités nationales, non comme des spectateurs impuissants, mais comme des acteurs du changement.

La réconciliation entre le peuple et ses dirigeants passe par un retour aux fondamentaux : une gouvernance éthique, une justice indépendante, et une écoute réelle des besoins et des aspirations des Sénégalais. Sans cela, la fracture de confiance continuera de s’élargir, menaçant non seulement la stabilité politique, mais aussi l’avenir même du pays.

Le contrat social n’est pas un luxe. Il est le fondement de toute société. Si le Sénégal veut se relever, il doit cesser de construire des murs entre les dirigeants et les citoyens, et commencer à bâtir des ponts. Car au-delà des divisions, il y a une nation qui aspire à une chose simple mais essentielle : être entendue, respectée, et servie.

Pierre Hamet BA.

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LE SOURD-MUET, LE BONIMENTEUR ET LA PÉNITENCE

Dans ce pays où l’histoire semble se noyer dans les eaux troubles du désespoir, deux figures règnent en maîtres paradoxaux. L’un, le Sourd-Muet, demeure impassible devant les cris du peuple. Il est sourd aux revendications légitimes, aux alertes désespérées, aux exigences d’une nation qui souffre. Il est muet face aux urgences, aux dérives, et aux désastres qu’il laisse proliférer. L’autre, le Bonimenteur, hurle à tout vent, emplissant l’air de mots creux et de vacarme stérile. Ensemble, ils incarnent la désillusion d’une nation qui ploie sous le poids d’une pénitence imposée.

Le Sourd-Muet est figé sur son trône de pouvoir comme un sphinx de marbre. Son mutisme n’est pas absence de parole, mais absence d’âme. Chaque silence qu’il impose résonne comme une absence de cœur, une indifférence calculée face à l’effondrement d’une nation. Il regarde les murs de la prison s’élever plus haut sans un mot, sans un geste. Pour lui, la souffrance du peuple n’est qu’un murmure lointain, un bruit de fond qu’il choisit d’ignorer. Tels les gardiens impassibles d’une prison, il observe, immobile, l’enfermement d’un peuple pris au piège de promesses non tenues et d’un avenir sans horizon.

Face à lui, le Bonimenteur occupe l’espace sonore, non pour éclairer, mais pour asservir. Sa voix tonne, ses mots résonnent, mais ils ne portent rien d’autre que l’écho de sa propre vacuité. Il hurle pour dominer, parle pour couvrir, crie pour imposer. Ses phrases, bien qu’abondantes, sont dépourvues de sens. Comme le garde autoritaire d’une geôle, il utilise sa volubilité pour maintenir l’ordre dans un chaos qu’il a contribué à créer. Là où le Sourd-Muet règne par l’absence, le Bonimenteur règne par l’excès.

Et entre ces deux pôles, le pays vacille. Le silence du Muet est une trahison : il refuse de nommer les maux, de désigner les coupables, de tendre une main secourable. Le vacarme du Bonimenteur est une mascarade : il promet l’abondance là où il n’y a que sécheresse, il crie victoire là où il n’y a que défaites. Ensemble, ils ne construisent rien, mais démolissent tout. Cette dualité illustre une vérité tragique : un pouvoir sans direction est plus destructeur qu’une tempête.

Mais au-delà des figures, il y a un peuple. Un peuple qui ne peut se permettre de sombrer dans le silence de la résignation ou le vacarme stérile des promesses vides. Car si le Muet se tait et si le Bavard hurle, qui donc portera la voix des sans-voix ? Qui articulera l’avenir d’une nation qui mérite mieux que d’être l’otage de ces paradoxes?

Dans cette métaphore carcérale, la pénitence dépasse la simple douleur collective : elle est devenue une habitude. Chaque Sénégalais, en silence ou en colère, porte les chaînes invisibles de cette grande prison. Le Sourd-Muet et le Bonimenteur, loin de chercher à briser ces chaînes, s’assurent qu’elles restent solidement attachées. Ils ne gouvernent pas, ils gardent. Ils ne libèrent pas, ils enferment.

Ainsi , le peuple ploie sous le poids de la pénitence. Cette prison qu’est devenu le Sénégal n’a pas de murs physiques, mais ses chaînes sont bien réelles : le chômage rampant, l’éducation moribonde, les injustices quotidiennes. Chaque Sénégalais est contraint de porter le fardeau de cette captivité silencieuse. Le Sourd-Muet, insensible à cette souffrance, ne fait rien pour desserrer l’étau. Le Bonimenteur, de son côté, hurle ses ordres, pliant les populations à une volonté qui n’a pour but que de masquer son propre vide.

Philosophiquement, cette dualité est fascinante dans sa tragédie. L’un agit par inaction, l’autre par agitation. L’un incarne le mépris glacial, l’autre l’autoritarisme bruyant. Ensemble, ils symbolisent un pouvoir sans direction, un leadership qui n’en est pas un. Le silence du Sourd-Muet est une trahison, un abandon des responsabilités. Le vacarme du Bonimenteur est une mascarade, une diversion destinée à étouffer les vérités que personne n’ose affronter.

La pénitence n’est pas seulement un état imposé, mais une condition acceptée. Le peuple endure, non par faiblesse, mais par habitude, résignation ou peur. Pourtant, chaque prison a ses failles, et chaque peuple a ses limites. La solution ne viendra ni du mutisme calculé du Sourd-Muet, ni du vacarme stérile du Perroquet. Elle résidera dans une révolte des consciences, une insurrection des âmes, une action collective pour briser les chaînes invisibles de cette captivité.

Alors, peut-être, le silence cessera d’être une arme et le bruit, une farce. Peut-être, le Sénégal pourra enfin se libérer de ses geôliers et retrouver sa dignité perdue. Et dans cette renaissance, la parole juste, celle qui éclaire sans aveugler, qui mobilise sans manipuler, pourra enfin faire entendre la voix d’un peuple qui ne veut plus ployer sous le poids de sa propre pénitence.

Pierre Hamet BA.

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VISION 2050: SERAIT-CE UN FEU DE PAILLE?

"Vision 2050" devait être le cadre stratégique qui propulserait le Sénégal vers une prospérité inclusive, où croissance économique et développement social se conjugueraient harmonieusement. Pourtant, à peine ce plan amorcé, il s’effondre déjà sous le poids des réalités imposées par la sortie récente du Sénégal de la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA). Ce changement de statut, annoncé le 19 décembre 2024, n’est pas un détail administratif : il bouleverse les fondations mêmes de l’économie sénégalaise et expose de manière flagrante le manque de prospective et de rigueur des dirigeants actuels.

Le Sénégal sort des PMA sans filet de sécurité. Jusque-là, le pays bénéficiait de conditions financières avantageuses : crédits concessionnels à faibles taux d’intérêt, subventions directes et accès prioritaire à certaines aides internationales. Désormais, ces privilèges s’éteignent, et le pays est propulsé sur les marchés financiers internationaux, où il devra rivaliser avec des économies émergentes plus robustes. Les coûts d’emprunt y sont bien plus élevés, et les exigences de performance, de transparence et de rentabilité sont nettement accrues.

Cette transition aurait pu être une opportunité pour revoir le modèle économique, affiner les priorités et préparer une stratégie réaliste. Mais rien de tel n’a été fait. Le gouvernement a continué à élaborer "Vision 2050" comme si le Sénégal demeurait un PMA, ignorant ainsi les implications structurelles et financières de ce changement de statut. L’un des aspects les plus préoccupants est la gestion de la dette publique. En 2024, le Sénégal a contracté 4 491,4 milliards de francs CFA de dettes, dont 1 113 milliards destinés à des projets spécifiques, 81,8 milliards pour des programmes ciblés, et **3 296,7 milliards regroupés sous une catégorie floue intitulée "autres emprunts."

Ces chiffres posent des questions fondamentales : quels projets spécifiques justifient ces 1 113 milliards ? Quels programmes sont financés par les 81,8 milliards, et surtout, quels sont leurs impacts mesurables ? Mais le point le plus opaque reste cette enveloppe de 3 296,7 milliards de francs CFA, regroupée sous la catégorie "autres emprunts." À quoi servent ces fonds ? Quels secteurs en bénéficient ? Pourquoi aucune ventilation détaillée n’est-elle disponible dans la Loi de Finances Rectificative (LFR2024) ? Ce manque de transparence alimente la méfiance et expose une gouvernance financière qui semble naviguer à vue.

L’opacité dans la gestion des finances publiques n’est pas un simple défaut administratif : elle reflète une incapacité à établir des priorités claires et mesurables. Sans transparence, il est impossible d’évaluer l’efficacité des dépenses ou de s’assurer que les emprunts massifs profitent réellement à la population. Pendant ce temps, les marges de manœuvre budgétaires se réduisent, et le poids croissant de la dette compromet la capacité du Sénégal à investir dans des secteurs essentiels comme l’éducation, la santé ou l’agriculture.

Les priorités affichées par "Vision 2050" semblent largement déconnectées des réalités locales. Les fonds publics continuent d’être orientés vers des projets de prestige – autoroutes, ponts monumentaux, bâtiments administratifs ultramodernes – qui brillent sur la scène internationale mais laissent les populations rurales et les quartiers défavorisés dans un état de dénuement. Les écoles manquent de matériel de base, les hôpitaux peinent à fournir des soins adéquats, et les routes secondaires restent impraticables.

Pendant ce temps, les jeunes diplômés peinent à trouver un emploi, les agriculteurs reçoivent des rémunérations dérisoires pour leurs récoltes, et les pêcheurs voient leurs eaux pillées par des flottes étrangères. Ces inégalités flagrantes ne font que s’aggraver, et le plan "Vision 2050" tel qu’il est conçu ne semble pas avoir les moyens d’y remédier.

D’autres pays sortis des PMA, comme le Botswana ou le Cap-Vert, ont montré qu’il était possible de transformer cette transition en tremplin de développement. Cependant, ces réussites reposaient sur une planification rigoureuse, une gestion financière transparente et des investissements stratégiques dans les secteurs essentiels. À l’inverse, le Sénégal semble avoir abordé cette étape cruciale avec une impréparation alarmante. La demande tardive de moratoire jusqu’en décembre 2024 pour retarder la sortie des PMA illustre cette prise de conscience tardive et une gestion réactive plutôt qu’anticipative.

Ce manque de prospective des dirigeants actuels est d’autant plus inquiétant que cette transition était prévisible depuis plusieurs années. L’incapacité à ajuster le plan "Vision 2050" à cette nouvelle réalité reflète une déconnexion entre les ambitions affichées et les défis concrets auxquels le pays doit faire face.

Si rien n’est fait pour corriger le tir, les conséquences pourraient être désastreuses. L’augmentation de la dette publique, combinée à une diminution des marges de manœuvre budgétaires, risque de freiner la croissance et de compromettre la stabilité économique et sociale du pays. Pour éviter un naufrage, "Vision 2050" doit être repensée de fond en comble. Ce plan ne peut plus se permettre d’être une vitrine internationale déconnectée des besoins réels des Sénégalais.

La transparence totale dans la gestion des finances publiques, la priorisation des investissements dans les secteurs à fort impact social, et une stratégie rigoureuse pour attirer des capitaux étrangers tout en limitant la dépendance à l’endettement sont indispensables. Le Sénégal est à un tournant décisif. Si les ajustements nécessaires ne sont pas faits, "Vision 2050" deviendra le symbole d’un échec collectif, où ambitions mal placées et promesses non tenues auront détruit les rêves d’un peuple. Mais avec une gouvernance éclairée et des choix stratégiques audacieux, il est encore possible de transformer cette vision en une opportunité réelle pour tous.

Le temps n’est plus aux slogans vides. Le temps est à l’action. Faute de quoi, le Sénégal risque de devenir la parfaite illustration de ce que signifie bâtir sur des illusions.

Pierre Hamet BA.

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LE TORCHON BRÛLE

L’analyste, par essence, se positionne là où les regards ordinaires ne se posent pas. Son rôle est de voir ce qui n’apparaît pas, d’entendre ce qui ne se dit pas et de lire ce qui ne s’écrit pas. C’est dans cet exercice, dans cet entrelacement de lumière et d’ombre, qu’il devient possible de démêler le vrai du faux, de percer les voiles des intentions dissimulées, et de décrypter les sens cachés des déclarations officielles. Cette posture n’est pas un luxe, mais une nécessité pour saisir la trame complexe d’une compétition qui, bien qu’invisible à l’œil nu, brûle avec une intensité menaçante entre le président de la République et son Premier ministre. Leurs discours, leurs projets, leurs gestes – tout, absolument tout – porte l’empreinte de cette confrontation larvée, un duel où chaque mot, chaque silence même, résonne comme un écho de défiance et d’ambition inavouée. Loin des apparences de collaboration affichée, le torchon brûle dans le silence feutré des salons républicains, et ce feu, si on n’y prend garde, pourrait consumer les fondements mêmes de l’unité nationale.

Dans ce jeu d’apparences et de dissimulations, où les mots sont porteurs de bien plus que ce qu’ils expriment, se dessine une réalité politique complexe. Sous ce regard analytique, l’année 2024, comme une étoffe tissée de promesses et de contradictions, s’est refermée sur une note dissonante pour le Sénégal. Deux discours majeurs, celui du Premier ministre lors de sa Déclaration de politique générale le 27 décembre et celui du président de la République dans son allocution du 31 décembre, exposent les contours d’une rivalité implicite qui dépasse les mots pour s’enraciner dans les actes. Ces paroles, portées par des voix censées incarner l’unité et la cohésion, transpirent une vérité inquiétante : une compétition sous-jacente qui fragmente les ressources et les projets, érigeant chacun en figure solitaire de pouvoir. Loin de témoigner d’un destin partagé, ces discours tracent des lignes de fracture où s’entrelacent ambition personnelle et quête de suprématie.

Le Premier ministre, dans une démarche orchestrée avec précision, a dévoilé un arsenal de projets visant à redessiner les rapports de pouvoir au sein de l’exécutif. La création de la Haute Autorité des Domaines et de l’Agence des Territoires, deux structures essentielles au contrôle et à la gestion des ressources nationales et des espaces territoriaux, placées sous son contrôle direct, illustre une volonté manifeste de centraliser les leviers stratégiques au niveau de la Primature. Ces initiatives, habilement drapées dans le langage technocratique, trahissent une ambition de s’ériger en architecte principal du développement territorial. Chaque détail témoigne d’un calcul méticuleux, une tentative de gravir l’échelle institutionnelle en revendiquant le contrôle d’enjeux cruciaux pour l’avenir du pays. En inscrivant ces entités sous sa supervision directe, il s’arroge un contrôle inédit sur des secteurs stratégiques, érodant implicitement les prérogatives traditionnelles de la présidence.

Mais à cette symphonie solitaire du Premier ministre répond une autre mélodie, celle du président de la République, tout aussi soigneusement composée. Le Plan Diomaye pour la Casamance, révélé dans son discours, se présente comme une œuvre personnelle, une initiative qui porte son empreinte jusque dans son nom. Ce projet, conçu pour accompagner le retour des populations déplacées et consolider le processus de paix, résonne comme une déclaration d’autorité dans une région historiquement sensible. En choisissant de l’associer à son propre héritage, le président s’assure une place au cœur des mémoires nationales, inscrivant son nom dans l’histoire de cette région charnière, berceau de son premier ministre.

Ces rivalités s’accentuent encore lorsqu’il s’agit des ressources naturelles. Le président, dans un geste perçu comme une ouverture vers la transparence, a annoncé la refonte du Comité d’Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz (COS-PETROGAZ), intégrant davantage de voix issues de l’opposition, de la société civile et des syndicats. Cette décision, si elle semble inclusive, révèle une volonté de recentrer la gouvernance de ces ressources sous l’égide présidentielle. Pendant ce temps, le Premier ministre, dans sa Déclaration, a aussi présenté des initiatives pour encadrer l’utilisation des richesses nationales, notamment à travers des mécanismes locaux de développement. Ces visions parallèles, plutôt que de converger, dessinent une scission où chaque camp cherche à capter l’aura de la gestion vertueuse.

À cette danse des initiatives s’ajoute la plateforme Ligeeyal sa reew, conçue par le président pour ouvrir les portes de la participation citoyenne. Présentée comme une innovation démocratique, cette plateforme incarne un autre jalon de sa stratégie d’expansion de l’influence. Pourtant, en créant un canal qui semble contourner les structures institutionnelles supervisées par la Primature, le président exacerbe davantage la compétition. En miroir, la Haute Autorité des Domaines et l’Agence des Territoires du Premier ministre paraissent presque répondre à cette tentative, marquant une volonté de garder le contrôle de domaines similaires. Ces projets s’inscrivent dans un jeu subtil où les égos s’affrontent sous des masques de collaboration.

À la veille des élections législatives, j’avais affirmé que le Premier ministre aspirait à devenir président de l’Assemblée nationale, position qui lui aurait permis d’échapper à la dépendance de la signature présidentielle. Après les élections, il a suspendu son mandat de député pour conserver son poste de Premier ministre, une décision qui a suscité critiques et insultes à mon endroit. Mais cette stratégie, loin d’être anodine, est une clé pour comprendre ses ambitions. Pourquoi suspendre son mandat plutôt que démissionner ? Qui peut croire qu’un homme de sa stature retournerait à l’Assemblée pour y siéger comme simple député ? Non, si jamais il y retourne, ce sera pour présider l’hémicycle, non pour y jouer les seconds rôles. Cette suspension révèle une double intention : se prémunir d’un limogeage en s’assurant une immunité parlementaire et, en filigrane, exprimer un manque de confiance envers le président, malgré les éloges publiques de ce dernier.

Ce tableau, où se croisent méfiance et ambition, s’apparente à une partie d’échecs dont l’issue pourrait fragiliser l’État. Le Premier ministre, en embrassant le président avec ferveur, semble calculer chaque mouvement, tandis que le président, conscient de l’étreinte, élabore des contre-mesures pour garder l’ascendant. Cette dynamique alimente une confrontation larvée où les initiatives, plutôt que de converger, s’annulent et se divisent.

Dans cette compétition, le Sénégal se trouve réduit au rôle de spectateur et d’otage. La gouvernance, au lieu de s’élever au-dessus des rivalités, s’enfonce dans une guerre d’égo où chaque discours, chaque projet, chaque geste, semble répondre à l’autre dans une logique de surenchère. Le peuple, qui a confié son avenir à ces deux figures, pourrait bien payer le prix de cette désunion.

Pourtant, il est encore temps de transformer cette rivalité en complémentarité, de cesser de superposer des ambitions individuelles pour enfin harmoniser une vision commune. Le Sénégal, riche de son histoire et de ses ressources, mérite une gouvernance unifiée, libérée des affrontements stériles. Car si le président et son premier ministre continuent de jouer à ce jeu dangereux, c’est l’unité même de la République qui risque de vaciller, laissant place à un chaos dont personne ne sortirait vainqueur.

Pierre Hamet BA.

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L’ENVERS DU DISCOURS DE DIOMAYE

Le discours du président Bassirou Diomaye Faye, prononcé le soir du 31 décembre 2024, est une nouvelle tentative désespérée de maquiller les échecs d’un régime qui, en moins d’un an, a plongé le Sénégal dans une crise profonde. Derrière ses mots soigneusement choisis et ses promesses irréalistes, la réalité vécue par les Sénégalais est brutale : une économie en chute libre, des institutions gangrenées par la corruption, et une répression implacable contre toute voix discordante.

Depuis son arrivée au pouvoir en mars 2024, le président Bassirou Diomaye Faye a multiplié les annonces spectaculaires, mais sans résultats concrets. Prenons l’exemple de son fameux Plan Diomaye pour la Casamance, censé garantir la paix et le développement dans une région trop longtemps marginalisée. Qu’avons-nous vu depuis ? Rien. Aucun projet d’envergure n’a été lancé, les populations déplacées attendent toujours un soutien réel, et la région continue de souffrir d’un sous-développement chronique. Les promesses restent des mots creux, alors que la Casamance mériterait des actes concrets pour tourner enfin la page des décennies de conflit.

Sur le front économique, la situation est encore plus alarmante. La dette publique a explosé, atteignant 72,5% du PIB en décembre 2024, contre 65% un an plus tôt. En seulement neuf mois, le régime a contracté des emprunts massifs, dont 500 millions de dollars en mai 2024, pour financer des projets dont l’impact reste invisible. Où sont passés ces fonds ? Alors que le peuple peine à joindre les deux bouts, le gouvernement dilapide les ressources publiques dans une opacité totale. La Cour des comptes elle-même a pointé des irrégularités dans la gestion des fonds publics, notamment dans le secteur pétrolier et gazier, mais aucune poursuite sérieuse n’a été engagée.

Pendant ce temps, les Sénégalais font face à une crise du pouvoir d’achat sans précédent. Les prix des denrées de base, comme le riz, l’huile et le sucre, ont augmenté de plus de 30% depuis mars. Les subventions sur les produits essentiels, qui étaient un filet de sécurité pour les ménages les plus vulnérables, ont été réduites sous prétexte d’assainir les finances publiques. Résultat : des millions de familles s’enfoncent dans la précarité, tandis que le régime parle de transformations imaginaires qui ne touchent jamais le quotidien des citoyens.

Et que dire de son engagement pour la transparence ? Bassirou Diomaye Faye a promis une réforme du Comité d’Orientation stratégique du Pétrole et du Gaz (COS-PETROGAZ) pour inclure l’opposition et la société civile. Mais cette initiative, largement symbolique, ne masque pas les scandales qui éclaboussent son administration. En octobre, un rapport explosif a révélé que des contrats pétroliers avaient été attribués dans des conditions douteuses, au profit d’intérêts privés proches du pouvoir. Les Sénégalais ont le droit de demander des comptes, mais ce régime continue de protéger ses alliés au lieu de défendre l’intérêt général.

Sur le plan politique, la situation est tout aussi inquiétante. Depuis mars 2024, le régime a montré qu’il n’a aucune tolérance pour la contestation. Des manifestations pacifiques, organisées pour dénoncer la cherté de la vie et l’absence de réformes concrètes, ont été violemment réprimées. Des dizaines de manifestants ont été arrêtés, et les vidéos de violences policières circulent largement sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas ainsi que l’on gouverne un pays qui se veut démocratique. Bassirou Diomaye Faye s’inscrit dans une continuité de répression et d’intimidation qui rappelle les heures sombres de notre histoire récente.

La décision du président de mettre fin à la présence militaire étrangère d’ici 2025 est un autre exemple de déconnexion avec les réalités stratégiques du pays. En théorie, cette mesure pourrait renforcer notre souveraineté. En pratique, elle risque de compromettre des partenariats essentiels avec des puissances comme la France et les États-Unis, alors même que la menace terroriste s’intensifie dans la région sahélienne. Le Sénégal ne peut pas se permettre d’affaiblir ses capacités de défense à un moment aussi critique.

Enfin, l’évocation par le président de moments historiques comme le massacre de Thiaroye est une tentative maladroite de détourner l’attention de ses propres échecs. Comment peut-on rendre hommage aux victimes du passé tout en ignorant les souffrances actuelles des Sénégalais ? Les familles des victimes des répressions récentes, y compris sous son mandat, continuent d’attendre justice. Parler de mémoire sans agir sur le présent, c’est trahir les principes mêmes de justice et de responsabilité.

Le Sénégal mérite mieux que des promesses vides et des politiques cosmétiques. Il mérite un leadership qui écoute son peuple, qui agit avec courage et qui apporte des solutions concrètes aux problèmes urgents que nous affrontons. En 2025, les Sénégalais auront l’occasion de choisir un autre chemin. Un chemin de vérité, de justice et de prospérité partagée. Il est temps pour Bassirou Diomaye Faye de comprendre que gouverner, ce n’est pas parler, c’est agir. Et si lui et son régime ne peuvent pas répondre aux attentes légitimes du peuple, alors qu’ils cèdent leur place à ceux qui en sont capables. Le Sénégal n’a plus de temps à perdre.

Pierre Hamet BA.

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UNE ANNÉE SÈCHE MAIS PAS BLANCHE

Certaines années ne se mesurent pas par leur éclat mais par la profondeur du sillon qu’elles tracent. 2024 fut, pour moi, une de ces années. Peu de publications visibles, mais une année où les bases essentielles de deux décennies de recherche ont enfin trouvé leur aboutissement. Ce fut une année de consolidation, où chaque question laissée en suspens, chaque réflexion amorcée dans les années précédentes, a été rassemblée et tissée en une œuvre cohérente et complète.

J’ai plongé au cœur des mystères qui m’animent depuis toujours : l’origine de Dieu, la condition de l’homme contemporain, les séquelles du postcolonialisme, les racines de l’humanité et la quête d’une doctrine politique propre à l’Afrique. Ces deux décennies de réflexion se sont cristallisées cette année, dans des travaux qui interrogent le rapport entre l’homme et le divin, mais aussi entre l’homme et son propre avenir. Ces ouvrages, qui verront le jour en 2025, sont le fruit d’une lente gestation, une traversée intellectuelle marquée par la patience et la passion.

À travers ces recherches, j’ai exploré comment l’homme, dans son besoin de transcendance, a créé le divin tout en se laissant transformer par lui. J’ai interrogé l’unidimensionnalité de l’homme moderne, son aliénation face aux systèmes qui le broient, tout en revenant aux récits fondateurs des premières civilisations, ces mythes et ces structures sociales primitives qui continuent de façonner nos sociétés. J’ai aussi revisité l’héritage colonial et proposé des perspectives d’émancipation pour l’Afrique, avec l’ambition de tracer les contours d’une pensée politique enracinée dans nos réalités et tournée vers un avenir authentiquement africain.

2024 fut aussi l’année de l’engagement politique. À la suite des élections présidentielles, j’ai choisi d’agir, de donner un visage concret à mes convictions. En seulement deux mois, notre coalition a rassemblé près de 16 000 voix aux législatives, un effort collectif qui a culminé avec la création d’un parti politique, dont j’ai eu l’honneur d’être élu président.

Mais au-delà de l’action et de l’écriture, cette année fut celle du temps : le temps de finaliser, d’approfondir, de mettre un point d’orgue à deux décennies de quête intellectuelle. Elle fut une année de silence fertile, une année où chaque réflexion portait en elle une promesse pour demain.

2025 sera celle des moissons. Les idées semées dans le secret des années passées, les engagements pris avec détermination, tout cela portera ses fruits. 2024 fut une année de racines profondes. 2025 sera celle des branches et des récoltes abondantes.

Meilleurs Vœux.

Pierre Hamet BA.

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SENEGAL 2024 : L’ILLUSION DU RENOUVEAU ET LA DESCENTE AUX ENFERS

Le Sénégal, en cette fin d’année 2024, porte les stigmates d’une gouvernance qui semble avoir échappé à toute cohérence, où les promesses électorales ont laissé place à une réalité marquée par l’inertie et la désillusion. Neuf mois après l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, le pays traverse une crise qui, loin de s’atténuer, s’aggrave à mesure que le temps passe, exposant les carences et contradictions d’un régime qui peine à répondre aux aspirations de son peuple.

Tout a commencé avec une loi d’amnistie controversée, permettant aux actuels dirigeants de sortir de prison pour participer aux élections, malgré des accusations graves, incluant des manœuvres de déstabilisation de l’État, de diffamation et de vol. Cette décision a marqué un premier coup porté à la crédibilité des institutions judiciaires, ouvrant une brèche dans l’intégrité de l’État de droit. Ces personnages, autrefois décriés, ont non seulement été réhabilités, mais élevés aux plus hautes fonctions de l’État, jetant ainsi un voile d’opacité sur la justice sénégalaise.

La gestion des élections présidentielles et législatives n’a fait que confirmer la défiance générale. Des accusations de manipulation et de corruption visant les juges constitutionnels ont ébranlé la confiance des citoyens dans le processus électoral. L’ancien Premier ministre Amadou Ba, accusé de corruption pour l’approbation de candidatures controversées, a symbolisé une politisation rampante des institutions. Ces élections, loin d’être un moment de renouveau démocratique, ont laissé un goût amer, renforçant la perception d’une gouvernance basée sur les privilèges et non sur la volonté populaire.

Au lendemain de leur victoire, l’intégration au sein du gouvernement de figures controversées, bien que certaines ne fassent pas partie de l’équipe dirigeante actuelle, a confirmé l’incapacité du nouveau pouvoir à incarner la rupture qu’il prétendait incarner. Aminata Touré, autrefois ministre de la Justice et Premier ministre sous Macky Sall, demeure une alliée politique influente. Bien qu’en dehors du gouvernement, sa proximité avec le régime nourrit les soupçons d’une continuité tacite avec les pratiques passées.

Le scandale de l’Aser-gate, symbole éclatant de la mauvaise gestion et de l’opacité, a révélé des détournements massifs dans la gestion des fonds publics destinés à l’Agence sénégalaise d’électrification rurale. Ce scandale, qui éclabousse des figures proches du pouvoir, a mis en lumière un système gangrené par la corruption, où les ressources publiques sont utilisées à des fins personnelles au détriment des populations les plus vulnérables.

L’instabilité institutionnelle s’est également manifestée par la dissolution brutale de l’Assemblée nationale et l’organisation précipitée d’élections législatives. Ce passage en force a permis au parti au pouvoir de s’assurer une majorité parlementaire dans des conditions qui ont soulevé des interrogations sur la transparence et l’équité du processus.

Sur le plan économique, le tableau est tout aussi sombre. Le Premier ministre a accusé l’ancien régime d’avoir maquillé les chiffres économiques, sans apporter la moindre preuve tangible. Ces accusations, en plus de ternir l’image du pays, ont entraîné une double dégradation de la note souveraine du Sénégal, rendant les emprunts quasi impossibles et érodant la confiance des investisseurs et bailleurs de fonds. Les conséquences sont palpables : des tensions budgétaires croissantes, l’arrêt de nombreux chantiers publics et privés, et une crise profonde dans le secteur du BTP, générant un chômage massif et une désillusion collective.

Dans ce contexte, le projet initialement connu sous le nom de PASTEF s’est transformé en un ambitieux plan intitulé Vision Sénégal 2050. Présenté comme une feuille de route pour le développement à long terme, ce document n’est en réalité qu’un chapelet de promesses intenables. Les projections financières irréalistes, les engagements grandiloquents et l’absence de mécanismes concrets de mise en œuvre témoignent d’un exercice de communication davantage orienté vers l’illusion que vers des résultats tangibles. Ce plan, censé répondre aux aspirations des citoyens, se heurte déjà à des contraintes budgétaires, des défaillances structurelles et une confiance érodée des partenaires internationaux.

Les engagements du régime en matière de lutte contre l’émigration clandestine se sont révélés tout aussi vides. Malgré les discours, les vagues de départs vers l’Europe n’ont pas cessé, témoignant de l’absence de perspectives pour une jeunesse désabusée. Le gouvernement, incapable de contenir ce phénomène, reflète l’échec de ses politiques économiques et sociales.

Sur le plan agricole, les résultats sont tout aussi catastrophiques. La campagne de cette année a été marquée par l’utilisation de semences de mauvaise qualité, aggravant l’insécurité alimentaire et exposant des millions de Sénégalais à des conditions de vie précaires. La mauvaise gestion des inondations, avec l’absence de déclenchement du plan ORSEC, a laissé des populations entières dans le dénuement, révélant l’inaptitude totale du régime à gérer les crises climatiques.

Les scandales financiers, quant à eux, continuent de hanter ce gouvernement. L’affaire des 100 millions, partagés entre les partisans du pouvoir, a non seulement révélé des pratiques douteuses, mais posé des questions sur l’origine de ces fonds. Cette opacité financière a été exacerbée par la session budgétaire chaotique à l’Assemblée nationale, où des lois de finances rectificatives ont été votées pour régulariser des dépenses effectuées sans cadre légal, confirmant une gestion irresponsable des deniers publics.

Dans un contexte de répression politique, l’exclusion de Barthélémy Dias de l’Assemblée nationale a constitué un nouvel épisode inquiétant. Figure de l’opposition, sa radiation et les tentatives persistantes de le démettre de son poste de maire illustrent la volonté manifeste du régime d’affaiblir toute voix critique. Cette décision, perçue comme une instrumentalisation des institutions à des fins partisanes, renforce le sentiment d’une dérive autoritaire.

Neuf mois après leur arrivée au pouvoir, les annonces de changement se heurtent à une réalité stagnante. Aucun des grands engagements n’a été mis en œuvre, laissant le pays dans un immobilisme inquiétant. Le désespoir gagne les populations, tandis que le régime semble s’enfermer dans une logique d’auto-préservation, ignorant les souffrances croissantes de ses citoyens.

Si 2024 s’achève sur un constat accablant, l’année 2025 s’annonce comme une période de tous les dangers pour le Sénégal. Avec un tissu social déjà fragilisé par les tensions économiques, les scandales politiques et la désillusion généralisée, l’avenir du pays pourrait être marqué par une amplification des crises existantes. L’incapacité du gouvernement à honorer ses engagements, combinée à une perte de confiance des investisseurs et partenaires internationaux, laisse présager une année de tensions budgétaires croissantes, où la précarité économique pourrait s’intensifier. La spirale de l’endettement, exacerbée par la dégradation de la note souveraine, risque de réduire encore davantage les marges de manœuvre de l’État, compromettant des secteurs clés comme la santé, l’éducation et l’agriculture.

Sur le plan politique, les fractures observées en 2024 pourraient s’aggraver. La mainmise du parti au pouvoir sur les institutions, couplée à une opposition galvanisée par l’échec manifeste du gouvernement, annonce une année de confrontation politique exacerbée. Si le régime continue de privilégier l’autoritarisme et la répression au dialogue et à la transparence, des mouvements sociaux plus intenses pourraient émerger. Les jeunes, en particulier, lassés par l’absence de perspectives et les promesses vaines, pourraient être le fer de lance de revendications plus radicales, exacerbant les tensions sociales.

Enfin, 2025 pourrait marquer une année de rupture ou de stagnation prolongée. Le régime aura l’obligation de présenter des résultats tangibles pour inverser la perception d’immobilisme qui l’entoure. Cependant, sans réformes structurelles profondes et une volonté politique réelle de s’attaquer aux racines des problèmes, le risque est grand que les promesses de Vision Sénégal 2050 ne demeurent qu’un mirage, condamnant le pays à naviguer dans une mer d’incertitudes, entre désillusion et désespoir.

Face à ce tableau sombre, il est légitime de se demander si le Sénégal pourra trouver dans sa société civile, ses élites intellectuelles ou même sa diaspora les ressources nécessaires pour inciter à un sursaut national. 2025 ne sera pas seulement une année de défis : elle sera une année décisive où se jouera la capacité du pays à sortir d’un cycle de crise prolongée et à renouer avec les aspirations profondes de son peuple pour une gouvernance juste, équitable et réellement orientée vers le bien commun.

Pierre Hamet BA.

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LE SUPPLICE DE L’EXIL INTÉRIEUR

Dans un Sénégal où les horizons semblent se refermer, une forme d’exil silencieux s’installe. Cet exil n’est pas celui de ceux qui franchissent les frontières en quête d’un ailleurs, mais celui de ceux qui, tout en restant sur leur terre natale, s’en trouvent déconnectés. C’est l’exil intérieur, un exil psychologique, social et économique, qui enferme les Sénégalais dans un sentiment d’impuissance face à une gouvernance sans boussole et un système politique qui semble s’évertuer à creuser le fossé entre le rêve et la réalité.

Cet exil commence là où l’espoir s’éteint. Dans les quartiers populaires, dans les campagnes oubliées, et jusque dans les villes où l’activité économique devrait foisonner, un désenchantement gagne les cœurs. L’exil intérieur se manifeste par la résignation, ce moment où les voix qui s’élevaient jadis pour réclamer justice deviennent des murmures, où les regards se détournent, où l’on cesse d’espérer un changement. C’est le paradoxe d’un peuple ancré dans sa terre, mais étranger à sa destinée.

Le sentiment de n’être qu’un spectateur impuissant de l’effondrement de son propre pays pousse les Sénégalais à se réfugier dans des mondes intérieurs. Face à des institutions défaillantes et à une absence de perspective, beaucoup choisissent de se retirer du débat public, préférant l’isolement au combat. Le Sénégal devient alors une prison à ciel ouvert, où chaque citoyen est enfermé dans le carcan de ses frustrations.

Ceux qui en ont les moyens rêvent d’évasion, non par dédain de leur pays, mais par désespoir. Le Sénégal voit ses forces vives, ses intellectuels, ses jeunes talentueux, choisir l’exil à l’étranger, emportant avec eux l’énergie et les idées nécessaires à la construction d’un avenir collectif. Ceux qui restent vivent l’exil différemment : ils voient leur potentiel bridé par un environnement qui ne leur offre aucune opportunité.

Cet exil intérieur n’est pas seulement individuel, il est collectif. Le peuple tout entier semble paralysé, enchaîné par un système qui l’étouffe. Les revendications sociales et politiques, bien que légitimes, peinent à trouver des échos dans un contexte où l’autorité préfère le silence ou le vacarme des slogans creux. Dans ce climat, l’unité nationale se délite, et chaque Sénégalais devient l’otage d’un statu quo imposé par l’indifférence et l’inaction.

Mais cet exil intérieur peut devenir le point de départ d’une renaissance. Si l’impuissance collective est le problème, l’éveil collectif en est la solution. Il ne s’agit pas seulement de dénoncer, mais de construire : reconstruire la confiance, réinventer les institutions, et replacer l’individu au centre de la destinée nationale. Cet éveil nécessite de redonner une voix aux sans-voix, de réinventer un espace public où le débat est possible, et d’offrir des perspectives qui dépassent la survie.

En fin de compte, l’exil intérieur des Sénégalais n’est pas une fatalité. C’est une réalité douloureuse, mais qui peut devenir une opportunité de transformation si elle est affrontée avec courage et lucidité. Car au-delà des murs invisibles de cet exil, il y a une nation qui attend de renaître, non pas sous l’impulsion de figures déconnectées, mais par la volonté d’un peuple déterminé à briser ses chaînes.

Pierre Hamet BA.

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LE MARIAGE D’OUSSEYNOU

Le mariage d’Ousseynou, jeune homme de 24 ans, avec Aissatou, femme de 53 ans, a provoqué une onde de choc dans la société sénégalaise. Ce qui aurait pu rester une affaire privée s’est rapidement mué en un débat public, révélant des tensions profondes entre tradition et modernité, entre aspirations individuelles et attentes collectives. À travers cette union, bien au-delà de l’anecdote, se dessinent des enjeux fondamentaux liés à la place de l’individu dans la communauté, aux dynamiques économiques, aux normes genrées et à la symbolique de l’amour dans une société où les relations humaines restent largement encadrées par des normes tacites.

À première vue, le choix d’Ousseynou pourrait être perçu comme une transgression individuelle, une rébellion face aux normes établies. Mais en réalité, il s’inscrit dans un contexte économique et social marqué par des inégalités structurelles. À 24 ans, un jeune homme sénégalais issu d’un milieu modeste se trouve souvent en quête de stabilité : encore étudiant, à la recherche d’un emploi ou engagé dans l’économie informelle, comme c’est probablement le cas d’Ousseynou. Cette précarité économique, qui affecte particulièrement les jeunes des milieux défavorisés, limite considérablement leurs horizons. Dans cette perspective, le mariage d’Ousseynou avec Aissatou peut être interprété comme une stratégie, consciente ou inconsciente, pour pallier cette précarité. Plus qu’un choix d’amour ou d’affinité, il devient une réponse contrainte aux lacunes d’un système où la jeunesse est laissée à elle-même.

Cette situation reflète également une fragilité familiale. Dans la tradition sénégalaise, les parents jouent un rôle central dans l’éducation, l’intégration sociale et l’orientation matrimoniale de leurs enfants. La demande de main, par laquelle la famille de l’homme sollicite celle de la femme, symbolise non seulement une validation sociale, mais aussi l’autorité parentale sur les choix individuels. En agissant sans consulter ses parents, Ousseynou brise ce cadre. Ce geste marque une rupture profonde avec l’autorité familiale, que l’on peut interpréter de deux manières. D’un côté, il peut être vu comme une affirmation d’autonomie dans une société où le conformisme demeure dominant. De l’autre, il peut refléter une incapacité des parents à jouer leur rôle traditionnel, souvent liée à leur précarité économique. En effet, lorsque des parents ne peuvent subvenir aux besoins essentiels de leurs enfants, leur autorité s’en trouve affaiblie, ouvrant la voie à des décisions individuelles échappant au cadre communautaire.

Mais ce mariage soulève aussi la question de la capacité d’Ousseynou à remplir son rôle d’homme tel que défini par les normes sociales sénégalaises. Traditionnellement, l’homme est perçu comme le pourvoyeur, celui qui assure la sécurité financière et la stabilité de sa famille. Dans cette union, cette dynamique est inversée : c’est Aissatou, grâce à son indépendance économique, qui semble assumer ce rôle. Cette inversion remet en cause les attentes genrées et fragilise encore davantage l’image d’Ousseynou en tant qu’homme dans un système où la masculinité est souvent associée à la capacité à subvenir aux besoins de son épouse et à garantir une descendance. À cet égard, une question essentielle se pose : Ousseynou a-t-il pleinement mesuré les implications de ce mariage dans une société où fonder une famille et avoir des enfants reste le Graal de la condition humaine ?

À 53 ans, Aissatou est vraisemblablement ménopausée, rendant la procréation naturelle presque impossible. Cela signifie-t-il qu’Ousseynou a consciemment renoncé à la paternité pour privilégier d’autres formes d’accomplissement personnel ? Ou bien s’agit-il d’une réalité qu’il ignore, faute d’éducation ou d’information sur les transformations biologiques liées à l’âge ? Dans une société où la ménopause est rarement évoquée et où l’accès à l’éducation reproductive reste limité, il n’est pas impossible qu’Ousseynou n’ait jamais envisagé cette dimension de son union. Cette ignorance soulève des questions sur les attentes réelles ou supposées qu’il nourrit vis-à-vis de ce mariage et sur les bases mêmes de la relation.

Le contraste entre cette union et les mariages mixtes impliquant des Sénégalais économiquement autonomes ajoute une couche supplémentaire à l’analyse. Lorsqu’un Sénégalais ou une Sénégalaise financièrement indépendant(e) choisit d’épouser un ou une partenaire blanc(he), ces unions se forment presque toujours entre individus d’âges similaires. Ce type de mariage repose généralement sur des affinités personnelles ou des aspirations partagées, loin des considérations économiques qui caractérisent les unions impliquant de grands écarts d’âge. Ces derniers cas concernent souvent des individus issus de milieux modestes, pour qui le mariage devient un moyen d’accéder à une mobilité sociale ou de sortir de la précarité. Dans ce contexte, Ousseynou, en tant que jeune homme économiquement vulnérable, se retrouve dans une situation où les dynamiques économiques et les contraintes sociales influencent lourdement ses choix.

Cependant, une asymétrie majeure apparaît lorsqu’on compare Aissatou aux femmes blanches âgées dans des unions similaires. Lorsqu’un jeune homme sénégalais épouse une femme blanche âgée, cette dernière est souvent perçue comme une bienfaitrice, une figure apportant des opportunités économiques et sociales. Dans l’imaginaire collectif, la blancheur est associée à un statut supérieur, hérité d’un passé colonial où l’Occident représentait le pouvoir et la réussite. Ces mariages, loin d’être stigmatisés, sont souvent considérés comme des "réussites", des stratégies légitimes pour accéder à une mobilité sociale. En revanche, lorsqu’une femme sénégalaise comme Aissatou épouse un jeune homme, elle est immédiatement soupçonnée de manipulation ou de domination. Cette différence de perception révèle une hiérarchie implicite où l’Occident est valorisé tandis que l’Afrique est dépréciée.

Ce double standard reflète également une internalisation des rapports de pouvoir hérités de l’histoire coloniale. La femme blanche âgée est vue comme indépendante, libre, et autonome dans ses choix, alors qu’Aissatou, malgré son indépendance économique, est dépeinte comme une figure déviante, transgressant les normes genrées qui assignent aux femmes africaines le rôle de gardiennes des valeurs communautaires. Cette asymétrie met en lumière les tensions entre le local et le global, entre les perceptions de l’Occident et celles de l’Afrique, jusque dans les relations les plus intimes.

Enfin, ce mariage met en lumière la complexité des aspirations et des motivations d’Ousseynou. Si son union avec Aissatou traduit une forme de liberté individuelle dans une société conformiste, elle soulève également la question des limites de cette autonomie, dans un contexte où les dynamiques de pouvoir, les attentes culturelles, et les pressions économiques pèsent lourdement sur les décisions personnelles.

En définitive, le mariage d’Ousseynou et Aissatou, bien qu’il semble n’être qu’un événement singulier, révèle les tensions profondes qui traversent la société sénégalaise. Entre attentes traditionnelles et aspirations modernes, entre localité et mondialisation, entre conformisme et quête de liberté, cette union devient le prisme d’une réflexion plus large sur l’amour, le mariage, et la place de l’individu dans une communauté en mutation. Peut-être est-il temps de repenser ces institutions, non pas comme des carcans figés, mais comme des espaces où les choix individuels, même transgressifs, peuvent être le reflet de transformations sociales plus vastes, ouvrant la voie à une nouvelle compréhension de l’amour et de la liberté humaine.

Pierre Hamet BA.