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L’HOMME NE SE LAISSE PAS FAIRE.

(Suite de l’article : Résistance ? Mais qu’est-ce donc ? https://pierrehametba.com/resistance-mais-quest-ce-donc/).

Qu’est-ce qui fonde le droit du droit de résistance à l’oppression ? Ainsi posée, l’interrogation soulève une problématique juridique fondamentale, mais tout aussi philosophique, tant dans son historicité que dans son appréhension.

Si nous considérons qu’une chose n’existe que par notre capacité à la comparer à ce qu’elle n’est pas, alors il ne peut y avoir de définition sans le dehors même de celle-ci. En ce sens, l’on ne peut appréhender la résistance que sous son dehors, c’est-à-dire, ce qui en conditionne l’existence. Il nous faut donc nous saisir de l’oppression comme condition sine qua non de la résistance. Ainsi partant, nous pouvons dire sans risque de nous tromper que l’oppression suppose nécessairement un joug matériel ou moral en tant qu’il en est le préalable. Mais alors, au nom de quel principe une telle contrainte existerait-elle ? Serait-elle donnée, c’est-à-dire immanente à l’existence ou en serait-elle plutôt une conséquence terrifiante ?

Darwin, dans sa Théorie de l’évolution, considère que pour survivre, parce que les ressources sont limitées, l’homme doit se battre au moins de deux façons : soit par la compétition ; soit, par la solidarité et la coopération. L’on peut en conclure alors que la contrainte est ici inhérente à l’existence. Ce qui, par ailleurs, justifie la nécessité pour l’homme de lutter pour la sauvegarde de son intégrité propre et partant, pour la survie de son espèce. C’est ce que Darwin appelle la sélection naturelle qui ne laisse exister que les plus forts et les plus aptes, au détriment des plus faibles.

En nous basant donc sur l’évolutionnisme de Darwin, nous pouvons ainsi affirmer que : vivre c’est lutter. Ce qui place la lutte au centre de l’existence humaine, à la fois comme immanence et comme conséquence. En d’autres termes : on vit pour lutter ; on vit parce qu’on lutte. Dès lors, l’on peut ici appréhender l’existence humaine à la fois sous le prisme de la métaphysique humienne, du substantialisme cartésien et sous l’angle du dispositionnalisme. Mais il faut toutefois préciser que des critiques politiques, sociales, philosophiques et religieuses ont été apportées à l’évolutionnisme de Darwin.

Sur le plan politique, social et philosophique, Karl Marx et Friedrich Engels notent l’analogie entre le principe de la sélection naturelle et le fonctionnement du marché capitaliste. Marx cite l’Origine des Espèces dans Le Capital et y note l’analogie et la distinction entre « l’histoire de la technologie naturelle » et « l’histoire de la formation des organes productifs de l’homme social ».

Du point de vue scientifique, Le néo-lamarckien Étienne Rabaud critique de manière assez radicale la notion d’adaptation, en montrant que la sélection naturelle ne retient pas le plus apte, mais élimine seulement les organismes dont l’équilibre des échanges est déficitaire. Pour Rémy Chauvin dans « Le Darwinisme ou la fin d’un mythe. L’esprit et la matière », le darwinisme s’apparente à une secte prônant un athéisme obtus aux postulats scientifiques contestables.

C’est d’ailleurs la critique que vont apporter les religieux à l’évolutionnisme par fidélité aux textes sacrés auxquels ils croient à savoir : la Torah, la Bible et le Coran. C’est ce qu’il est convenu d’appeler Créationnisme, une doctrine qui prône l’idée d’un Dieu créateur de l’univers et de tout ce qui s’y trouve. Et, par conséquent, tout ce qui s’y passe. Est-ce alors à dire que les rapports de force relèveraient d’une loi divine supérieure à toutes les autres formes de loi, quelque chose comme un dessein, en ce sens que les uns auraient naturellement le droit d’opprimer les autres qui, à leur tour, auraient tout aussi naturellement le droit d’y résister ? Ceci n’est pas sans rappeler Thomas D’Aquin qui appelle de tous ses vœux l’existence d’une source universelle de justice, immanente et transcendante. Mais au nom de quelle nature, de quel principe, de quel Dieu, de quel destin ? N’est-ce d’ailleurs pas là précisément que la question de savoir si l’oppression est une donne prend tout son sens ?

Car, si effectivement l’oppression est une donne de l’existence dont la résistance est une conséquence directe, cela ne reviendrait-il pas à dire que l’évolutionnisme et le créationnisme tout en se contredisant, auraient tout de même ceci en commun qu’il partagerait une même constante, c’est-à-dire l’idée fondamentale d’une lutte, au sens d’un rapport de force, qui serait immanente à l’existence ? Ainsi partant, nous pouvons envisager le rapport de force comme élément incontournable dans toute appréhension ontologique. N’est-ce pas alors le lieu de rappeler Machiavel qui considérait dans Le prince que les rapports de force sont inéluctables ?

Il n’est donc pas du tout surprenant que l’histoire humaine, du moins, depuis la domination de l’homme par son prochain, soit parsemée d’excès que l’on a pu considérer comme des formes d’oppression sociale et donc, politique, économique, religieuse, voire même militaire : c’est la raison du plus fort. Tout autant, les multiples résistances à ces sortes d’abus participent tout aussi de l’historicité humaine en ce sens qu’elles constituent pour ainsi dire le versant de l’histoire : C’est, entre autres, la raison morale. Articulé autrement, c’est dire que l’homme ne se laisse pas faire. Est-ce alors à supposer que l’histoire humaine est, en tant que tel, le récit d’un rapport de force perpétuel entre la raison du plus fort et la raison morale ? (À suivre)…

Pierre Hamet BA.

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