Dans un élan d’errance collective, le Sénégal détourne son regard de ceux qui possèdent la lumière pour embrasser les ombres de l’ignorance. Ce qui se passe aujourd’hui ressemble à une danse funeste où les élites, naguère considérées comme les gardiennes du savoir et de la destinée nationale, sont conspuées, et où les ineptes, drapés d’une fausse humilité populiste, s’improvisent en guides d’un peuple désorienté. Une nation qui choisit de couronner l’ignorance au lieu de l’excellence s’engage inexorablement sur le sentier du néant. Elle devient l’architecte de sa propre ruine, une ruine qu’elle construit avec la ferveur aveugle des masses en quête d’un espoir creux.
Au Sénégal, ce n’est pas une lutte des classes comme l’Europe l’a connue au XIXe siècle. Là-bas, la classe ouvrière était une colonne vertébrale, un socle, un moteur de la richesse économique. Elle produisait, bâtissait, et portait en elle les rêves d’une élévation collective. Ici, ce sont les désœuvrés – ceux que le système a abandonnés ou qui n’ont pas trouvé leur place dans un monde en constante mutation – qui s’en prennent à ceux qui savent, ceux qui créent, ceux qui bâtissent. Ils n’attaquent pas la bourgeoisie pour redistribuer la richesse : ils attaquent la connaissance, l’ingéniosité, et l’effort, comme si leur ruine pouvait devenir une réponse à leur propre vide.
Le Sénégal d’aujourd’hui ressemble à un navire dérivant dans une mer d’illusions, guidé par des marins qui n’ont jamais appris à lire les étoiles. Les inaptes, portés par des vagues de ressentiment, brandissent des discours vides comme des étendards, et les masses, affamées de justice mais privées de discernement, les suivent. Dans cette lutte, ce n’est pas seulement l’élite économique ou intellectuelle qui est vilipendée : c’est l’idée même de la compétence, du savoir et de l’excellence qui est sacrifiée sur l’autel d’une égalité utopique, où tout ce qui brille doit être éteint pour ne pas aveugler.
Mais une nation qui se barricade dans un cocon d’inepties ne se protège pas ; elle se condamne. Le cocon devient un cercueil, et l’avenir, un champ dévasté. Car l’histoire nous enseigne que ce n’est pas l’ignorance qui construit, mais l’effort éclairé par la connaissance. Ce n’est pas la jalousie qui élève, mais le travail et la compréhension des enjeux complexes qui façonnent le monde.
Que reste-t-il alors d’un Sénégal qui choisit la médiocrité comme boussole ? Un vide béant, où les rêves de grandeur sont remplacés par les chants de la désillusion. Les enjeux géopolitiques du monde contemporain passent comme des ombres sur une nation repliée sur elle-même, incapable de dialoguer avec le reste de l’univers. Les grands débats économiques, climatiques, et technologiques ne trouvent aucun écho, car ceux qui les portent sont muselés par la peur ou exilés par le mépris.
Et pourtant, dans cet océan de désespoir, une lueur subsiste. Le Sénégal peut encore se relever, mais cela exige une révolution des esprits, une renaissance des consciences. Les masses doivent apprendre à discerner les vrais bergers des faux prophètes, à honorer la connaissance et non la clameur. Il ne s’agit pas de restaurer l’élitisme, mais de réconcilier le peuple avec ceux qui possèdent les clés du savoir, en les guidant non par la domination, mais par la coopération.
Car si le Sénégal veut retrouver son chemin, il doit apprendre à marcher à nouveau, non pas sur les traces d’un passé glorieux, mais vers un avenir où chaque main, qu’elle soit calleuse ou délicate, travaille ensemble à bâtir un pays debout. La richesse n’est pas seulement économique : elle est culturelle, intellectuelle, humaine. Et c’est là que réside le vrai combat.
Ceci n’est pas une condamnation : c’est une alerte, un cri d’espoir voilé par l’inquiétude. Que le Sénégal, dans son errance, se souvienne de ces mots : une nation qui renie son savoir se condamne à l’oubli, mais une nation qui se réconcilie avec ses élites éclairées renaît, comme un phénix, des cendres de ses erreurs.