Parmi les mots devenus rituels dans la grammaire du pouvoir sénégalais, le terme dialogue figure en tête. Il revient, à intervalles réguliers, comme une promesse de paix, une incantation de réconciliation nationale, un baume censé panser toutes les fractures d’une nation. Mais au fond, que reste-t-il de tous ces dialogues tenus depuis deux décennies ? Quelles avancées concrètes, quelles ruptures courageuses, quels changements structurants en ont émergé ? Rien, ou si peu.
Le Sénégal n’a pas besoin d’un autre dialogue politique. Il a besoin d’autre chose : de vérité, de volonté, de courage et de justice.
Car soyons clairs : ce dialogue n’est pas une innovation. Il est devenu une mécanique bien rodée du pouvoir pour gagner du temps, calmer les tensions de surface, et désamorcer la colère populaire. Ce dialogue est souvent convoqué non quand le pays est prêt à écouter, mais quand le pouvoir sent sa légitimité s’effriter. Il ne naît pas d’un souci démocratique, mais d’un calcul tactique.
Pendant ce temps, le peuple attend. Il attend du travail, des soins, une école digne, une justice équitable, une presse libre, une économie souveraine. Il n’attend pas qu’on réunisse les mêmes visages usés autour d’une même table pour discuter d’un même ordre du jour répété, vidé de toute sincérité.
Le dernier scrutin présidentiel a été sans appel. Le peuple sénégalais a tranché. Il a demandé une rupture profonde. Il a réclamé un État qui écoute, qui réforme, qui agit. Revenir aujourd’hui à un dialogue politique, c’est diluer ce mandat populaire dans un consensus artificiel, c’est trahir, en creux, le sens de cette alternance historique.
Et puis, n’y a-t-il pas déjà des institutions pour dialoguer ? Le Parlement, la presse, la société civile, les syndicats, les mairies : autant d’espaces où la parole peut circuler, se confronter, produire de la décision. Mais non. On préfère contourner, créer des cénacles fermés, où l’on discute entre initiés, loin du peuple, loin des urgences.
Ce que le Sénégal exige, ce n’est pas une table ronde, mais une mise à plat des pratiques, une refonte des institutions, une reddition des comptes. Ce que les jeunes attendent, ce ne sont pas des promesses emballées dans un communiqué final, mais des actes concrets, visibles, mesurables. Ce que l’histoire appelle, ce n’est pas un faux dialogue de réconciliation, mais un vrai moment de refondation.
Le Sénégal n’a pas besoin de dialogue politique. Il a besoin de décisions. Il a besoin de justice. Il a besoin de courage.
PHB