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Afrique : les nouvelles technologies au service des droits de propriété

Au Ghana, une entreprise à but lucratif, appelée LandMapp, est en train de «libérer la valeur des terres» en aidant à sécuriser les droits fonciers informels des agriculteurs. Ces derniers peuvent détenir des droits coutumiers ou traditionnels sur leurs terres, mais dans de nombreux cas, ces droits ne sont pas officiellement reconnus par l’Etat.

L’entreprise utilise des smartphones compatibles GPS pour cartographier les contours des parcelles des agriculteurs. Elle vérifie les délimitations obtenues avec les agriculteurs et leurs voisins, puis ils fournissent aux agriculteurs des documents attestant de leurs propriétés foncières, à un coût relativement faible.

Grâce à cette information précise  et vérifiée, les agriculteurs peuvent accéder plus facilement au crédit ou conclure des contrats pour approvisionner en produits de base les entreprises (cacao, noix de karité). LandMapp s’efforce de faire ce que les gouvernements africains ont eu de la difficulté à faire: fournir des services de cartographie et d’arpentage fiables et des preuves pour faire valoir des droits fonciers légitimes à un coût raisonnable au profit des familles et des communautés.

Droits de propriété en Afrique

Dans un précédent article, j’avais parlé de la façon dont, en donnant le droit de gérer et d’exploiter la faune sauvage à des communautés, le gouvernement de la Namibie a contribué à accroître cette faune tout en favorisant le développement économique et les nouvelles possibilités d’emploi pour les personnes vivant dans les zones rurales. En fournissant aux populations locales des droits de propriété sécurisés sur la faune, le gouvernement a créé des incitations positives pour protéger et conserver les animaux. Il a également créé des incitations pour les populations locales à penser de manière entrepreneuriale quant à la meilleure façon de bénéficier de la présence de ces animaux. Certaines communautés participent à des joint-ventures avec des entreprises de tourisme pour construire des loges qui procurent des revenus ; d’autres peuvent organiser des « chasses au trophée » limités. L’approche de la Namibie en matière de gestion de faune a rapporté des gains environnementaux et économiques importants.

Imaginez donc comment ce type d’approche pourrait aider à améliorer les conditions économiques des Africains. Et si les populations locales disposaient de droits de propriété sécurisés pour gérer et profiter des forêts, des pâturages ou des terres agricoles? Quel genre d’activités entrepreneuriales verrions-nous?

Malheureusement pour les Africains, ces types d’expériences sont limités. Selon certaines estimations, près de 98% des forêts africaines appartiennent à l’État. Bien que les communautés locales puissent avoir des droits informels sur les forêts et les produits forestiers, ces droits faibles et inapplicables signifient que les forêts deviennent de facto des ressources « à accès libre». Elles sont gratuites et disponibles aussi bien pour les bons que les mauvais usages parce que les gouvernements ont une capacité limitée à surveiller ceux qui peuvent entrer et exploiter du bois, des plantes, de la viande de brousse, du miel et d’autres ressources forestières.

Actuellement, les populations locales ont moins d’incitations à conserver et à protéger les forêts qu’elles ne le seraient, en tant qu’individus ou en tant que communautés, si elles étaient légalement habilitées à gérer et à bénéficier de l’utilisation de ces forêts. Certains pays ont adopté des pratiques communautaires de gestion forestière et, selon des arrangements institutionnels spécifiques, cette approche a contribué à réduire les taux de déforestation et à générer des revenus. Mais à ce jour, peu de pays africains ont délivré des droits sécurisés aux populations locales pour gérer les forêts ; les stratégies de gestion « top down » restent l’approche privilégiée.

Les droits coutumiers

Le problème ne se limite pas aux forêts. En Afrique, la majorité des gouvernements possèdent légalement les autres terres. Mais, bien que les gouvernements possèdent légalement les terres (et l’eau, les forêts et toutes les richesses souterraines), de nombreux paysans possèdent des droits traditionnels et coutumiers sur ces terres. Dans la pratique, cela signifie que de nombreuses communautés ont des chefs ou d’autres leaders traditionnels qui sont responsables de l’attribution des droits d’exploitation des terres au sein des villages, ainsi qu’aux nouveaux arrivants (migrants) ou aux groupes qui utilisent la terre de manière saisonnière (les éleveurs).

Ces systèmes coutumiers ou communaux de propriété foncière ont évolué au fil du temps et sont assez flexibles, souvent en s’adaptant à la pression démographique croissante ou à la découverte de ressources précieuses. Il n’est pas surprenant qu’ils diffèrent d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre (et même d’un village à l’autre). Leur problème, c’est qu’ils existent à la marge et sont souvent en concurrence avec le système gouvernemental formel de propriété foncière. Concrètement, 60% des terres en Afrique subsaharienne sont régulées selon ces droits coutumiers. Les terres coutumières ne sont généralement pas cartographiées avec précision et les droits sur ces terres ne sont généralement pas formellement immatriculés, bien que de nombreux pays africains disposent de lois qui permettent de le faire (beaucoup de personnes ayant des droits coutumiers choisissent de ne pas enregistrer leurs terres parce que la procédure est trop chère et compliquée). En conséquence, beaucoup de personnes vivant dans les zones rurales ont des droits de propriété insécurisés sur leurs terres. Cette insécurité signifie qu’elles sont moins susceptibles d’investir dans l’amélioration de la productivité agricole, elles peuvent être expulsées de la terre par des plus puissants, et ils sont souvent en conflit avec d’autres – et parfois ce conflit est violent.

Ainsi, il est encourageant de voir comment des solutions émanant du secteur privé, y compris la technologie, peuvent aider à résoudre certains de ces problèmes. Il n’est pas encore clair dans quelle mesure LandMapp est une solution évolutive ou quelle est l’application de cette approche dans un environnement où les agriculteurs cultivent du maïs (une culture de subsistance) plutôt que du cacao (une culture de rente). Mais il est certainement prometteur de savoir que les entrepreneurs essaient de résoudre ce problème omniprésent et faire profiter de millions de paysans africains, dont les droits fonciers demeurent non enregistrés et exposés au risque, des avantages des droits de propriété sécurisés.

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