Au cœur du Sénégal, une fissure invisible grandit, séparant chaque jour un peu plus les dirigeants de ceux qu’ils sont censés représenter. Cette fracture, bien plus profonde qu’un simple désaccord, touche l’essence même du lien qui unit un peuple à ses institutions. C’est le contrat social, ce pacte tacite qui repose sur une confiance réciproque, qui se désagrège sous le poids des promesses non tenues, des injustices accumulées, et d’une indifférence devenue insoutenable.
Le contrat social est un fil fragile, tissé de devoirs et de droits, d’espérances et de responsabilités. Pourtant, au Sénégal, ce fil semble rompu. Les dirigeants, en quête de pouvoir et d’influence, semblent avoir oublié la raison d’être de leur mandat : servir le peuple. Chaque promesse brisée, chaque scandale de corruption, chaque décision prise dans l’opacité érode un peu plus cette confiance. À mesure que les élites s’éloignent de la réalité du peuple, une colère sourde monte des rues, des champs et des foyers.
Cette colère n’est pas sans raison. Elle est nourrie par des inégalités qui se creusent, par une gouvernance qui semble sourde aux urgences du quotidien. Les citoyens regardent les institutions censées les protéger se transformer en outils de domination et de privilège. La justice, au lieu d’être un rempart contre l’arbitraire, devient une arme aux mains des puissants. Les voix qui osent dénoncer ces dérives sont réduites au silence, non par le dialogue, mais par la répression.
Face à cette fracture, le ressentiment populaire grandit. Dans les marchés, dans les bus, dans les places publiques, les conversations tournent souvent autour de cette trahison ressentie. Ce n’est plus seulement une désillusion politique, mais une crise existentielle : comment croire en un avenir meilleur lorsque ceux qui détiennent les clés du changement semblent travailler contre le peuple? Cette méfiance généralisée engendre un désintérêt pour la politique, mais aussi une montée des tensions sociales, prêtes à exploser à tout moment.
Pourtant, cette fracture n’est pas irréversible. Elle peut devenir une opportunité de reconstruction, si seulement les dirigeants acceptent de changer de cap. Restaurer la confiance ne peut se faire sans une transparence totale. Chaque décision, chaque dépense, chaque loi doit être soumise au regard du peuple. Il ne s’agit pas de simples gestes symboliques, mais d’un engagement sincère à rendre des comptes.
Il faut aussi responsabiliser les dirigeants, en renforçant les mécanismes de contrôle démocratique. Les institutions doivent être au service du peuple, non des ambitions personnelles. Les citoyens doivent retrouver leur place au centre des priorités nationales, non comme des spectateurs impuissants, mais comme des acteurs du changement.
La réconciliation entre le peuple et ses dirigeants passe par un retour aux fondamentaux : une gouvernance éthique, une justice indépendante, et une écoute réelle des besoins et des aspirations des Sénégalais. Sans cela, la fracture de confiance continuera de s’élargir, menaçant non seulement la stabilité politique, mais aussi l’avenir même du pays.
Le contrat social n’est pas un luxe. Il est le fondement de toute société. Si le Sénégal veut se relever, il doit cesser de construire des murs entre les dirigeants et les citoyens, et commencer à bâtir des ponts. Car au-delà des divisions, il y a une nation qui aspire à une chose simple mais essentielle : être entendue, respectée, et servie.
Pierre Hamet BA.