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LAURENT DOIT PARTIR

Mais qu’est-ce que donc cette théorie qui préconise le partage du pouvoir en Côte d’Ivoire ? Autant alors parler de partage du territoire, de la naissance de quelque chose comme une ligne Maginot ou bien même, selon que l’on soit avec ou contre Ouattara, une ligne Siegfried, et à l’extrême, selon que l’on soit du Nord ou du Sud, la construction de quelque chose comme un Mur de Berlin ?

Houphouët ne mérite pas ça !

 

A l’évidence, une solution incapable de résoudre un problème n’en est pas une. Elle diffère le seuil critique et crée par la même un conflit latent qui finit par définitivement saper la possibilité d’une paix intérieure durable. Et ce ne sont pas les schémas à la Mbecky qui dissiperont les nuages de la guerre. La côte d’Ivoire balbutie d’interminables bulles préoccupantes et lourdes de conséquences. Il faut alors prendre la mesure de la situation et agir fermement :

 

Laurent doit partir !

 

Et nous ne connaissons que trop les multiples raisons qui justifient une telle position.

D’abord au plan économique, la Côte d’Ivoire représente 39% de la masse monétaire et contribue pour près de 40 % au PIB de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Dans l’étude sur les « Perspectives à long terme en Afrique de l’Ouest », publiée par le CSAO, trois grandes zones économiques sont identifiées comme points de référence pour les réflexions sur l’avenir de la région { l’horizon 2020. Les Pays du Golf de Guinée autour du Nigeria considérés comme le coeur de l’économie régionale. Ce groupe de pays, d’Abidjan { Yaoundé, représente plus de 80% du PIB régional. Cette bande polarise l’essentiel du marché régional, actuel et futur. La Côte d’Ivoire, avec près de 50% du PIB régional, occupe une place prépondérante dans cette sous-région du Golfe de Guinée de même que par rapport à l’Afrique de l’Ouest dans son ensemble. Pour nous autres, répartis entre les pays de la Façade Atlantique (Sénégal, Guinée Bissau et Guinée Conakry) et les Pays Enclavés (Mali, Burkina-Faso, Niger), une crise en Côte d’Ivoire anéantirait tous nos efforts de développement et d’intégration économique sous-régionale. D’autant plus qu’elle (la crise ivoirienne) démolira les axes représentatifs du commerce { l’intérieur de l’espace CEDEAO : Abidjan-Bamako, Abidjan-Ouagadougou, Abidjan-Lomé-Cotonou. Il s’ensuivra alors une redéfinition du commerce intérieur ouest africain, à partir des ports de Dakar et de Tema au Ghana, qui prendra un temps insoupçonné pour rétablir les équilibres et les flux économiques et financiers, et donc un nouveau frein au développement à accuser.

 

Un document de CAIRN assez intéressant, fruit de l’analyse combinée de trois docteurs en Économie, qui eux-mêmes se référent à d’autres recherches scientifiques relatives à la Côte d’Ivoire et à sa région, étaye le postulat du départ de Laurent Gbagbo pour laisser place au Dr. Alassane Dramane Ouattara :

 

L’Homme de la Situation !

 

« Au milieu des années 1990, et après une décennie de forte récession, la situation économique de l’Afrique sub-saharienne semblait s’améliorer. La croissance du produit par tête était redevenue positive, l’inflation était mieux maîtrisée que par le passé, les déficits des comptes publics et extérieurs étaient réduits. Ce retournement intervenait { l’issue d’un long processus de réformes : politiques de stabilisation macro-économique, privatisations, restructuration des systèmes financiers, libéralisation graduelle du commerce extérieur et de l’agriculture, amélioration partielle du cadre juridico légal. Il était également favorisé par la bonne tenue des cours des grandes matières premières exportées par le continent, et la reprise progressive de la croissance dans les pays industrialisés. Enfin, dans de nombreux cas, la démocratisation politique semblait continuer d’avancer, permettant d’espérer une meilleure adaptation des politiques menées aux exigences du moment. En particulier, la fin de l’apartheid en Afrique du Sud semblait pouvoir annoncer un nouveau départ pour le continent le plus déshérité de la planète. Au sein de la zone Franc et de l’Afrique francophone, c’est en Côte d’Ivoire que la reprise économique avait été observée le plus nettement. Ce changement était important étant donné le poids économique de ce pays dans ce groupe. L’embellie intervenait en même temps qu’une accélération des réformes. Par ailleurs, l’intégration régionale de la zone UEMOA continuait son cours : l’harmonisation des tarifs douaniers se mettait en place ainsi qu’une bourse régionale des valeurs ». Denis Cogneau et al. « Côte d’Ivoire : histoires de la crise », Afrique contemporaine 2/2003 (no 206), p. 5-12.

Toutefois, la forte relance de l’économie était aussi imputable non seulement à des facteurs conjoncturels : dévaluation du franc CFA, hausse des cours du café et du cacao sur les marchés mondiaux et afflux de capitaux étrangers privés et publics, mais aussi et surtout à un homme : Alassane Dramane Ouattara.

Au plan économique, entre 1983 et 1989, le cycle récurrent de la mévente des produits d’exportation ivoiriens a entraîné une crise financière sans précédent qui a livré le pays aux diktats des bailleurs de fonds avec l’apparition de multiples programmes d’ajustement structurel. La crise économique, et donc sociale a été dure en Côte d’Ivoire jusqu'{ l’orée des années 90, date { laquelle Mr Dramane Ouattara – technocrate du FMI – avait été plébiscité pour redresser l’économie Ivoirienne. Il a fait une carrière exceptionnelle de haut fonctionnaire du Fonds Monétaire International et de la BCEAO où il a gravi les échelons avant de se retrouver Gouverneur. Puis, il a été appelé par le Président Houphouët Boigny pour sauver la Côte d’Ivoire d’un désastre économique. Le Président Ouattara entreprend alors un travail de redressement dont les décisions nécessaires mais douloureuses, comme la dévaluation du Franc CFA en 1994, étaient la voie salutaire pour une relance l’économie sous-régionale.

 

Jamais la Côte d’Ivoire n’avait connu un tel activisme « réformiste » que sous Ouattara. En bonne logique, la liste impressionnante dressée, ainsi que la réussite indéniable des autorités de l’époque dans la conduite de certaines politiques (comme par exemple la maîtrise des prix malgré le choc de la dévaluation) aurait pu constituer un cas exemplaire d’ajustement structurel réussi.

En effet, en 1997, les principaux indicateurs économiques étaient les suivants :

 

  • Taux de croissance économique : +7.5 % contre -2,3% en 2000, +1,6% en 2004, +1,8% en 2005, +1,2% en 2006 et une prévision de +4,5% en 2012.

 

  • PIB: 6000 milliards de Franc CFA et Investissement en % du PIB : 15 (%)

 

  • BUDGET 1997: Budget général de fonctionnement: 1356,1 milliards FCFA

 

  • Budget spécial d’INVESTISSEMENT: 430 milliards FCFA.

 

Parallèlement, lorsqu’on observe le budget 2009 de la Côte d’Ivoire, la quantité est mise en exergue au détriment de l’utilité. Une Utilité banalisée, mal jaugée, en clair, une sorte d’injure {l’école Néo-classique (Économie) tant chère à William Stanley Jevons et Léon Walras. Pour exemple, en observant le développement du Maroc malgré la quasi-rareté en ressources naturelles à forte valeur ajoutée dont il souffre, l’Algérie riche en pétrole et pouvant se vanter de ses réserves de change ne dira pas le contraire. Idem pour Le Congo-Zaïre (Requalifiée en République Démocratique du Congo) et sa forte richesse minière mal rentabilisée au profit du peuple. Il est donc clair que le mérite d’un gouvernement se résume à l’exploitation efficiente des ressources et à leur allocation. La côte d’ivoire a en effet tiré des fruits tangibles en termes d’infrastructures, de progrès social et de niveau de vie à cette époque Houphouetienne où Ouattara était premier Ministre.

 

Toute personne objective peut, à son aise, calculer la proportion de l’investissement dans le budget ivoirien à l’époque Ouattara. Ce n’est surement pas identique à ce budget 2009 exclusivement asphyxié par la masse salariale. De plus, quand on observe le budget 2008 de Gbagbo, la masse salariale représente plus de 43% des recettes fiscales alors que les critères de convergences de l’UEMOA parlent d’un maximum de 35%. En 2008, les dépenses de santé n’étaient qu'{ 6,5% du Budget quand il s’élevait à 9% en 2007, donc un budget en hausse dont les ivoiriens ne ressentent point les effets dans leur quotidien.

En définitive, le mérite de M. Ouattara se résume, au moins, à la manière dont ont été allouées les ressources de la rente agricole à la construction de la Côte d’Ivoire économique et sociale. Car il ne suffit pas d’engranger des rentes agricoles et pétrolières pour les faire paraitre dans un budget mal agencé tel que Gbagbo le fait depuis 2000.

 

Enfin au plan Politique, cette situation « d’Un Pays, Deux Présidents » ne peut prospérer indéfiniment. Cela pose avec une certaine acuité la question du fondement même de l’Etat Ivoirien.

Il y a dans la relation de pouvoir quelque chose qui n’est pas seulement de l’ordre de la violence. Ce serait trop facile, parce que ça résoudrait le problème tout de suite! En fait, la question de l’origine de cette relation de pouvoir entre l’Etat et les Ivoiriens se dédouble au sens où il y a une question du haut et une question du bas:

 

 la question du haut, c’est : qu’est-ce qui fait que, Gbagbo dise « c’est moi le chef et vous allez m’obéir »? C’est la question du sommet de la pyramide.

 

 la question du bas, de la base de la pyramide, c’est : pourquoi les ivoiriens accepteront-ils d’obéir, alors que ce n’est pas Gbagbo qui détient une force, une capacité de violence suffisante pour faire régner la terreur sur tout le monde. Donc cette acceptation de l’obéissance renvoie à autre chose.

 

C’est déjà là les deux questions que posait Rousseau au début du Contrat Social en soutenant que jamais un homme ne sera suffisamment fort pour être toujours le plus fort. Le discours de Gbagbo est simple : « Nous avons le pouvoir et vous allez obéir ». Mais là, deux choses peuvent se passer: ou bien ceux qui entendent ce discours disent « oui c’est vrai, vous avez le pouvoir et on va obéir ou bien « non, non, vous n’avez pas le pouvoir et la preuve, c’est qu’on ne va pas vous obéir ».

La côte d’Ivoire est en proie à une crise profonde qui découle donc de la problématique du légal et du légitime, fondement même de l’Etat. Les partisans de Gbagbo disent : « Nous avons le pouvoir et vous allez obéir » ; et les partisans de Ouattara rétorquent : « non, non, vous n’avez pas le pouvoir et nous n’allons pas vous obéir ». Ou bien alors Gbagbo les traitera d’insoumis et de fou ; ou alors et c’est la thèse la plus probable, il décidera de les tuer, le discours évoluant ainsi : ou bien on obéit, ou bien on n’obéit pas.

De ce point de vue là et reprenant les thèses de Pierre Clastres dans « La Société Contre l’Etat », on pourrait opposer terme à terme les sociétés sans Etat et les sociétés à Etat: les sociétés sans Etat sont du côté du petit, du limité, du réduit, de la scission permanente, du côté du multiple, tandis que les sociétés à Etat sont exactement du côté du contraire; elles sont du côté de la croissance, du côté de l’intégration, du côté de l’unification, du côté de l’un. Les sociétés primitives, ce sont des sociétés du multiple; les sociétés non-primitives, à Etat, ce sont des sociétés de l’un :

L’Etat, c’est le triomphe de l’un !

Comment alors oser penser le partage du pouvoir en Côte d’Ivoire ? Car à partir de la division politique, s’engendre, d’ailleurs très facilement, la division économique, c’est-à dire ceux qui obéissent deviennent en même temps les pauvres et les exploités, ceux qui commandent, les riches et les exploiteurs. Ce n’est pas rien, parce que détenir le pouvoir c’est pour l’exercer :

Un pouvoir qui ne s’exerce pas, ce n’est pas un pouvoir !

Et, puisque l’exercice du pouvoir passe par l’obligation qu’on fait aux autres d’obéir, comment pensez-vous que Gbagbo exercera cette obligation, si ce n’est qu’au travers de la violence ?

Pour les jeunes démocraties de notre continent, il est crucial que le coup de force institutionnel de Gbagbo ne passe pas. Il doit être refusé, condamné et combattu par tous les fils de l’Afrique. Nous devons nous investir pour que le Président Ouattara ait le pouvoir. Les discours de reconnaissance de sa victoire et les félicitations ne suffisent pas car, et nous venons de le dire :

Un pouvoir qui ne s’exerce pas n’est pas un pouvoir, Ouattara a besoin de plus :

Laurent doit Partir !

PIERRE HAMET BA

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