Son Excellence Monsieur Macky Sall, Président de la République du Sénégal, était fermement attendu. En effet, le pays est tenu en haleine depuis l’annonce du premier cas positif au coronavirus le 02 Mars 2020. La stratégie alors mise en place par le gouvernement pour contenir la propagation du virus a, contre toute attente, soulevé l’ire des populations. Elles se sont notamment indignées de certains comportements, isolés mais tout de même violents, des forces de l’ordre à l’encontre de citoyens qui ne s’étaient pas préparés à subitement changer radicalement de mode de vie. Tout aussi, les restrictions inhérentes à l’état d’urgence décrétée le 23 Mars dernier n’ont pas été accueillies avec joie. Le couvre-feu de 20h à 6h du matin a été amplement critiqué par des sénégalais dont la principale source de revenu provient d’activités nocturnes. L’interdiction des rassemblements ; des déplacements interurbains ; des événements heureux et malheureux tels que les baptêmes, les festivités nuptiales, les cérémonies de deuil et autres activités sociales ; la limitation du nombre de passagers dans les transports ; a été rudement mise en mal par une irresponsabilité citoyenne encore ambiante. Quid de la fermeture des lieux de culte qui a provoqué une défiance, somme toute, inacceptable au regard de l’urgence sanitaire du moment. Jamais, depuis le début de son magistère, une adresse à la nation n’a, semble-t-il, suscité autant d’intérêts que celui de ce 11 mai. Mais avec Brio, le Président de la République a réussi à désamorcer la bombe sociale.
Cependant, les nouvelles dispositions ne manquent pas d’interpeller. Elles suscitent à la fois assurance, inquiétude et peur. Car, pour nombre d’entre-nous, il nous est impossible de concevoir qu’au moment où nous atteignons le pic de contamination, Son Excellence décide d’alléger les mesures restrictives qui nous ont jusque-là été salutaires. Soit alors l’état d’urgence n’était pas justifié. Soit, et c’est le cas le plus probable, le Président de la République cède à la pression économique et sociale. Bien entendu, pour éviter la faillite générale, il faut redémarrer les activités économiques ; sauver l’année scolaire et il faut, dans la mesure du possible, recouvrer un semblant de normalité. Dans la même veine, il faut taire ces fanatiques qui voient en la fermeture des lieux de culte un acte blasphématoire. Mais on n’apprend pas à vivre avec un tel virus du jour au lendemain. De plus, notre système d’habitus social est de nature à favoriser l’évolution des cas communautaires.
Tout compte fait, à cause des errements notés ça et là dans la mise en œuvre de la force Covid-19, le Président de la République est passé de l’embarras du choix au choix de l’embarras. Même s’il se veut rassurant, le risque d’une contamination exponentielle est plus que jamais réel. Pour autant, il ne faut ni paniquer ni désespérer. Car, même s’il y a dans la stratégie de gestion de la crise beaucoup de choses à parfaire, force est de reconnaitre que la résilience dont notre pays a jusque-là fait montre n’est pas fortuite. Elle résulte des motivations gouvernementales et du professionnalisme de notre corps médical. Avec l’évolution des protocoles de traitement déjà à l’œuvre, les nouvelles mesures prises par le Chef de l’Etat pourraient n’avoir que très peu d’incidences sur le taux de létalité de la pandémie au Sénégal. Toutefois, nous invitons le chef de l’Etat à rester intransigeant dans la gestion de nos frontières. Car, même s’il a omis de l’évoquer, notre inquiétude est grande quand à la réouverture de notre espace aérien pour des vols en provenance de pays largement affectés par la pandémie et qui peinent encore à y remédier.
Il ne faudrait pas que nous enregistrions de nouveaux cas importés. Nous ne vous le pardonnerons pas, Excellence, Monsieur le Président de la République.
Pierre Hamet BA