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LE COMPLEXE DU PETIT BLANC

Perché comme un accent inutile sur la tête d’un mot sans verbe, le voilà qui trône. Minuscule point d’interrogation sur une République exsangue, il observe ses petits tirailleurs de la parole, eux qui hier criaient haro sur le colon et promettaient l’insoumission, l’autodétermination, la reconquête du sol et du sous-sol. Les voilà aujourd’hui prosternés sous l’ombre maigre d’un petit blanc, fiévreux d’ego et en mal de reconnaissance.

Ils avaient promis l’abrogation des traités iniques, la reprise des ressources arrachées, la souveraineté sans concession. Ils parlaient de pétrole, de gaz, de nationalisation, la bouche pleine de sel et de feu. Aujourd’hui, ils murmurent, la langue bridée par des promesses de tribune, l’âme suspendue aux hochements de tête d’un étranger qui rêve d’entrer dans l’Histoire par effraction… comme on pousse un roi noir dans une cellule pour orner son CV de conquérant judiciaire.

Mais ce roi noir, c’est notre peuple. Ce peuple qu’ils prétendaient défendre. Ce peuple qu’ils ont trahi à l’aube, entre deux tweets, dans le silence coupable d’une loi interprétative votée à la hâte, sous l’œil vigilant du petit blanc – ou devrais-je dire, du petit nègre européen. Car le drame n’est pas qu’il parle, non. Le drame, c’est qu’il soit écouté.

Ah ! Le nègre aime plaire. Il aime faire plaisir à son maître, même s’il est un nourrisson en géopolitique, un novice en droit, une coquille vide en matière de stratégie. Il aime s’incliner. Il aime que l’on le guide, surtout si la main qui le mène est blanche, même maladroite. Il aime qu’on lui dise quoi faire, surtout quand cela rime avec “international”, “tribunal”, “démocratie” — des mots-pièges qu’on lui lance comme on jette des cacahuètes à un singe savant.

Et pendant ce temps, le pays s’effondre. Littéralement. Il n’a même pas déplacé un tas de sable de l’océan à la route la plus proche. Pas une pierre n’a été posée. Mais on a voté. Ah, ça oui, on a voté. Des lois sans lendemain, des rêves sans budget, des slogans qui n’alimentent que les réseaux. L’économie, elle, recule à pas de géant. Quarante ans en arrière, et même le FMI s’inquiète — c’est dire à quel point on s’est plantés. Le tissu économique est un chiffon, et la souveraineté un mot qui ne rime plus à rien.

Et pendant qu’ils parlent d’avenir en tweetant leur impuissance, pendant qu’ils invoquent la jeunesse tout en sacrifiant son présent, le peuple, lui, mange la poussière. Pas celle des chantiers en construction, non — celle des illusions brisées.

Le complexe du petit blanc n’est pas une maladie de peau. C’est un cancer de l’âme. Il fait croire que l’émancipation passe par une validation extérieure, que la grandeur se mesure au regard d’un autre, que la vérité doit venir d’ailleurs. Mais l’histoire se souviendra. Elle écrira, à l’encre de notre colère, que ce n’est pas toujours l’ennemi qui trahit, mais bien parfois celui qui, à genoux, tend la main à l’oppresseur pour mieux s’élever.

Mais il tombera. Le complexe, pas l’homme. Car les hommes passent. Et les peuples qui souffrent, eux, se lèvent.

PIERRE HAMET BA

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