Au fil des vingt dernières années, le monde bipolaire de la guerre froide est peu à peu devenu un monde multipolaire, voire même, apolaire. L’émergence des pays comme la Chine, l’Inde et le Brésil remet en cause la puissance occidentale notamment celle des Etats Unis et de l’Europe. Quand bien même les Etats-Unis restent la première puissance militaire, la Chine est devenue une puissance économique. L’Europe, berceau des Lumières et de son ancienne puissance coloniale, prend de l’âge et tend à prendre sa retraite. Qui seront les nouveaux acteurs de demain ? Qui va influencer les tendances géopolitiques futures ?
La fin de l’année 2010 a été marquée par une croissance économique chinoise exponentielle. Sa monnaie, le Yuan, dont son taux est artificiellement bas, lui permet de s’enrichir avec son commerce extérieur. Ses exportations en Europe et aux Etats Unis lui offrent un pouvoir économique concurrentiel intelligemment maintenu. Dernièrement, la Chine cherche à se positionner militairement en maître face à la flotte américaine pour le contrôle des zones maritimes avoisinant son territoire. Un défi est pour ainsi dire lancé dans le rapport de force entre la Chine et les Etats Unis pour les décennies à venir. Mais la République Populaire détient la plus importante dette américaine en bon du trésor (800 milliards de dollars). Dans Le Monde Diplomatique de janvier 2011, Mme Hillary Clinton, Secrétaire d’Etat des Etats Unis, semble s’inquiéter de la dette détenue par Pékin en posant la question de savoir « Comment négocier en position de force avec son banquier ? ».
En Asie Centrale, l’Afghanistan s’insère dans une stratégie internationale où les grandes puissances y trouvent un intérêt économique et politique. L’Union Soviétique de la guerre froide convoitait les ressources minières afghanes qu’aujourd’hui la Chine s’approprie de manière légale. L’Inde y voit l’arrière-base des Pakistanais, et l’OTAN, un des nids du terrorisme. La géopolitique afghane se complexifie et rend difficile toute appréciation géostratégique des relations entre l’occident et l’Asie.
Avec le renforcement du fédéralisme de l’Union Européenne et la réintégration complète de la France au sein des instances militaires de l’OTAN, on serait tenté de dire que le mondialisme atlantiste et unipolaire s’est définitivement imposé. Or, on assiste depuis peu à une résistance croissante à ce même monde. En 2009, on a assisté au rapprochement économique de divers blocs géopolitiques assez éloignés les uns des autres : Amérique Latine, Chine et Proche/Moyen-Orient. Une voie multipolaire semble progressivement se dessiner face à l’établissement d’un Nouvel Ordre Mondial à la sauce américaine. Hugo Chavez et Hu Jintao ont renforcé la coopération bilatérale entre le Venezuela et la Chine. Au début du mois de mars 2009, au siège de la Ligue des pays arabes au Caire, à l’initiative du ministre qatari des Affaires Étrangères, l’ensemble des ministres arabes des A.E. et 12 de leurs homologues sud-américains ont évoqué le projet de la Déclaration de Doha (capitale du Qatar) dont l’adoption fut effective le 31 mars de la même année lors du deuxième Sommet des Pays Arabes et d’Amérique Latine. À l’issue de ce Sommet, Hugo Chavez a approfondi sa coopération bilatérale avec l’Iran sur 205 points (politique, économie, commerce, énergie). Puis, un sommet Afrique-Amérique Latine s’est tenu en septembre 2009 au Vénézuela. Un brusque retournement géopolitique s’est donc produit lors de la dernière décennie avec l’arrivée au pouvoir d’hommes politiques qualifiés de « populistes de gauche » (Hugo Chavez au Venezuela et Rafael Correa en Équateur) ou « d’indigéniste » (Evo Morales en Bolivie), tous favorables à l’établissement d’un monde multipolaire équilibré au sein duquel la Palestine aurait une existence viable sur les plans politique et économique. Il va s’en dire alors que nous sommes entrain d’assister à l’émergence croissante d’un monde multipolaire constitué de plusieurs blocs géopolitiques distincts au sein duquel différentes nations économiquement souveraines s’opposent à un bloc géopolitique uniforme.
Le Général De Gaule n’avait-il donc pas raison d’annoncer, le 21 août 1958 à Brazzaville, que « dans le monde tel qu’il va, il est nécessaire que s’établissent de grands ensembles économiques, politiques, culturels et, au besoin, de grands ensembles de défense » ? Qu’en est-il alors de l’Afrique à l’heure où l’Europe a presque fini d’adopter une monnaie commune, où la France promeut l’union pour la Méditerranée, où les pays ayant en commun la langue arabe se sont ligués, où les Etats-unis veulent partager une zone monétaire avec l’Amérique latine et le Canada, où la Chine, le Vénézuela, le Brésil, développe des grands rassemblements trans-géographiques avec des pays culturellement différents mais économiquement stratégiques comme la Libye, l’Egypte, la Syrie, le Liban et même l’Iran ?
Les membres de la première conférence des Etats indépendants d’Afrique noire, tenue au Liberia quelques mois après l’indépendance de la Guinée, se préoccupèrent de dégager les règles d’une morale internationale susceptible de permettre l’organisation de leurs rapports sur la base de la souveraineté et du respect de chacun. Il a été décidé que chaque État maintienne son identité nationale et sa structure constitutionnelle et s’interdit d’intervenir dans les affaires des autres. Les principes posés (respect de la souveraineté des États, non-ingérence dans leurs affaires intérieures) répondaient à des préoccupations nouvelles. Il fallait éviter les revendications territoriales de l’un ou de l’autre et consolider les frontières acquises. Aujourd’hui encore, les Etats Africains sont pour ainsi dire très soucieux de sauvegarder leur indépendance et d’affirmer leur souveraineté propre. Mais n’est-ce pas l’impossibilité pratique de procéder à une révision territoriale après les indépendances qui les a poussés à se prononcer pour l’adoption de ce principe ?
L’ex-Zaïre, l’un des plus grands pays d’Afrique, par sa population et ses richesses naturelles est devenu, par la faute de sa classe politique, un objet de l’histoire et de discussion entre chancelleries et états majors militaires. Quant au Rwanda, pour les acteurs de la violence d’origine hutue, la solution politique passe par la démocratisation du pays, garante d’une légitimité fondée sur le principe majoritaire. Mais pour les acteurs tutsis, la démocratisation serait une menace mortelle et inacceptable car la survie de leur ethnie est liée à la conservation du pouvoir politique et militaire. Par ailleurs, le conflit angolais est le prolongement de la guerre qui enflamme désormais toute l’Afrique Centrale. Celle-ci oppose maintenant deux coalitions (Soudan, Tchad Zimbabwe et Angola contre Ouganda, Rwanda et Burundi) qui rassemblent une douzaine de pays, et constitue la première grande guerre interafricaine. Son enjeu est la remise en question des frontières. La première coalition est partisante du statu quo et des découpages frontaliers issus de la colonisation alors que la deuxième (« bloc tutsi ») est favorable à une vision d’un nouvel ordre politique Africain répudiant les héritages coloniaux et notamment les frontières tracées par les européens.
Il y donc pour ainsi dire une forte tendance qui suggère que la carte de l’Afrique soit redessinée. Récemment, le référendum proposé au Sud Soudan pour la scission du pays milite en faveur de ce postulat. Et voilà qu’en France on parle de partition de la Côte d’Ivoire. Mais, même s’il semble judicieux de se demander s’il faut redessiner la carte de l’Afrique en créant des pays ethniquement homogènes comme le prônent de nombreux géostratéges, force est de reconnaître que les conflits ethniques étatiques internes et externes sont tellement diversifiés et complexes qu’ils ne plaident pas en faveur de la création de pays ethniquement homogènes.
En Afrique centrale par exemple, les conflits sont dus à la conception du pouvoir politique par des minorités « extrémistes » qui sont toujours contre un partage de souveraineté et un retraçage de la carte de la région. Ainsi, la dichotomie du dominant et du dominé, du vainqueur et du vaincu, du seigneur né pour commander et du serviteur pliant l’échine pour obéir exclut toute idée de partenariat dans une société où les citoyens sont libres et égaux en dignité et en droits. De même, ces conflits internes se sont reproduits dans les pays voisins qui accusent des structures étatiques fragiles et instables. Les frontières qui englobent de part et d’autre des populations de même ethnie constituent un amas de forces endogènes qui se dissipent et se neutralisent mutuellement, ce qui constitue un obstacle majeur pour redessiner la carte de l’Afrique centrale selon les tendances ethniques. La reconquête du Rwanda par les Tutsis a permis d’établir une rébellion qui a renversé le président Mobutu au ZAIRE, puis de se retourner contre Laurent Désiré Kabila qu’ils avaient porté au pouvoir. Mais cette fois, l’objectif n’est plus la conquête de Kinshasa, mais l’établissement d’un « tutsi land » et la remise en question des frontières coloniales.
En Afrique Occidentale, la République de Guinée et celle de Guinée Bissau nourrissent encore des incertitudes. Devenus ces dernières années, des plaques tournantes du trafic international de drogue, ces deux pays affichent de nouvelles ambitions mais tardent à rassurer au regard de l’avilissement de leurs institutions. Le Niger n’est pas encore sorti de la crise institutionnelle et fait désormais face au terrorisme qui s’installe progressivement à ses confins. Le Togo et le Gabon sont passés de père en fils, la Mauritanie est politiquement instable et son détachement progressif de l’espace francophone la rapproche de l’extrémisme musulman, le Nigéria fait face à une crise quelque peu armée entre musulman et Chrétien, le Mali et le Sénégal font respectivement face à la rébellion Touareg et Casamançaise, la Côte d’ivoire s’enflamme et la Gambie tend lentement vers une royauté. Tout ensemble de choses qui rend très glissante la situation géostratégique de la sous-région. Le fait mérite toutefois attention. La même question de la souveraineté, centrale dans la géopolitique africaine, refait surface en Afrique de l’Ouest bien longtemps après que Sékou Touré en eusse usé comme arme de motivation nationaliste. Cette fois cependant, c’est en côte d’ivoire qu’on en use pour justifier des comportements pour le moins légitimement et légalement injustifiables.
En cette première décennie du troisième millénaire, la Côte d’Ivoire est passée de miracle à naufrage économique. La dérive nationaliste a pris le dessus et se traduit par des discours xénophobes accusant les étrangers d’être la cause de la crise économique et politique que traverse la Côte d’Ivoire et de l’augmentation du chômage. Les observateurs internationaux du conflit en Côte d’ivoire se contentent parfois de le réduire à un affrontement religieux entre le Nord musulman et le Sud chrétien et animiste, mais la situation est beaucoup plus complexe. Il convient d’abord de se rendre compte du caractère multiculturel de la Côte d’Ivoire où se côtoient 4 grands groupes ethniques : les Akans ou Baoulés (Houphouët-Boigny) originaires du Sud-Est sont majoritaires (42% de la population); les Malinkés originaires du Nord-Est (17,5%); les Mandés ou Dioulas au Nord-Ouest (16,5) et les Bétés (L. Gbagbo) ou Krous (11%). Ensuite, le conflit qui a divisé le pays notamment le Nord contre le Sud, n’est ni une guerre de religions ni une croisade. Au début des années 2000, la Côte d’Ivoire comptait 39% de musulmans pour 30% de chrétiens et 12% d’animistes. S’il est exact que le Nord, moins peuplé, est majoritairement musulman, 77% des musulmans du pays sont installés dans le Sud. Par ailleurs, les chrétiens sont concentrés à 93% dans le Sud où les confessions sont quasiment à égalité (35% de musulmans pour 33% de chrétiens), le Sud étant beaucoup plus peuplé que le Nord (86% de la population totale du pays).
Avec le report de voix que Bédié a consenti à Alassane Dramane Ouattara au deuxième tour des récentes élections, point n’est plus question d’analyser la situation en termes de conflit religieux. Le vote massif du Nord pour Ouattara s’explique autrement. En effet, la guerre civile touche inégalement les deux moitiés du pays. Le Sud, contrôlé par les loyalistes, a réussi à garder un fonctionnement économique relativement stable, préservant à la Côte d’Ivoire sa place de premier producteur mondial de cacao, une relative stabilité des prix, ainsi que des services publics actifs. Mais le Nord, coupé de l’aide de l’État, fait face à de graves difficultés. L’économie tourne au ralenti. Les débouchés commerciaux étant au Sud, les planteurs ne peuvent pas vendre leurs marchandises et se retrouvent sans ressources. Les infrastructures sont en déliquescence, l’État ne prenant plus en charge l’Éducation Nationale, l’eau, l’électricité, les routes… Depuis le coup d’État de septembre 2002, le Nord de la Côte d’Ivoire est donc plongé dans le chaos. Fort malheureusement, ce chaos est tout aussi préjudiciable à l’économie de l’Afrique de l’Ouest. Sans parler de la dévaluation du Franc CFA qui risque d’être effective si la crise ivoirienne perdure (un an), la Côte d’Ivoire représente 39% de la masse monétaire et contribue pour près de 40 % (CSAO) au PIB de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Même si alors les spécialistes de la sous-région pensent que le Ghana et le Sénégal seront les principaux bénéficiaires de la crise ivoirienne, force est de reconnaitre que cette crise risque d’anéantir tous nos efforts de développement et d’intégration économique sous-régionale. Elle démolira les axes représentatifs du commerce à l’intérieur de l’espace CEDEAO : Abidjan-Bamako, Abidjan-Ouagadougou, Abidjan-Lomé-Cotonou. Il s’ensuivra alors une redéfinition du commerce intérieur ouest africain, à partir des ports de Dakar et de Tema au Ghana, qui prendra un temps insoupçonné pour rétablir les équilibres et les flux économiques et financiers, et donc un nouveau frein au développement à accuser.
Dans cet imbroglio, le Sénégal, en déployant de nouvelles stratégies géopolitiques, tire son épingle du jeu. Sans prétendre cependant tirer profit du malheur qui frappe la Côte d’Ivoire, la stabilité de notre pays constitue un rayonnement assez attractif pour les puissances du monde. En effet, notre pays a entrepris le développement d’une nouvelle stratégie diplomatique qui récuse l’idée de pré-carré et qui met en concurrence tout pays désireux d’entretenir des relations avec Nous. De plus en plus, l’occident et l’orient se livre à une rude concurrence politique et économique sur notre territoire. Dans la même veine, la Chine qui accroit sa présence en Afrique, s’est lancée à l’assaut de notre pays avec un nouveau style d’aide étrangère se basant sur les principes déjà énoncés lors de la conférence de Bandung, en avril 1955, et réitérés en mai 1996 lors de la tournée africaine du président Jiang Zemin. Et pourtant, nous ne sommes pas l’État africain le plus intéressant pour la République Populaire de Chine, la France, les Etats-Unis ou même les Emirats. Néanmoins, nous possédons certains atouts dans un contexte subsaharien en ébullition.
Au plan diplomatique, le Sénégal, petit pays à l’échelle mondiale, n’en est pas moins important au plan géostratégique. Notre pays a toujours fait montre d’une finesse géopolitique et géostratégique sur les grandes questions qui ont traversé de part en part l’histoire de notre continent. A la tribune des assemblées générales annuelles des Nations unies, aux sommets annuels de l’OUA, s’affrontaient les camps des révolutionnaires anti-impérialistes et des modérés considérés comme les suppôts de l’Occident capitaliste. Le conflit idéologique entre l’Est et l’Ouest faisait rage au sein de la famille africaine qui s’était divisée d’abord avant 1963, date de création de l’OUA, en deux groupes rivaux : le groupe de Casablanca et celui de Monrovia. Le Sénégal, bien qu’appartenant au camp de Monrovia, faisait entendre une petite musique, une note bien singulière qui, loin de réaliser une symphonie, évitait bien des grincements entre les durs et les modérés. Une génération d’ambassadeurs et de diplomates sénégalais s’est relayée aux Nations Unies pour faire entendre une autre voix qui faisait autorité sur bien des sujets importants : la détérioration des termes de l’échange, la lutte contre l’Apartheid, l’aide aux mouvements de libération, les droits inaliénables du peuple palestinien, la prolifération des armes nucléaires dont la commission aux Nations Unies était dirigée par l’ambassadeur Alioune Sène. En Novembre 1971, la mission des sages, dépêchée par l’OUA auprès de Golda Meir en Israël pour trouver une solution au conflit entre l’Egypte et l’Etat hébreu, était dirigée par Léopold Sédar Senghor accompagné de Gowon, Mobutu, Ahidjo. Petit pays donc, sans grandes ressources en plus, le Sénégal, dès 1960, sut faire de sa diplomatie la poule aux œufs d’or.
Abdoulaye Wade ne sera pas en reste. Dès sa prise de fonction, il mène un intense activisme diplomatique et prend toute l’ampleur du pays continent au milliard et demi d’habitants. Le Sénégal rompt ses relations diplomatiques avec Taïwan et renoue avec la Chine continentale. Que recherche la République du Sénégal dans le rétablissement des relations diplomatiques avec la Chine ?
A première vue, elle participe à la tendance générale, en Afrique, où Taiwan perd un à un ses partenaires, ouvrant son territoire à l’État en passe d’instaurer un nouvel ordre politique et, qui sait, économique mondial. Mais d’autres choix sont intervenus dans cette décision. Dakar tente également par cette occasion de réaliser un de ses objectifs majeurs : siéger au Conseil de sécurité. Le Sénégal, de par son histoire, sa stabilité politique et économique et son activisme panafricain, est l’État le mieux placé pour ravir ce siège. Le Président Abdoulaye Wade le sait et agit en conséquence. Les cinq membres permanents au Conseil de sécurité de l’ONU étant les États- unis, la France, la Russie, le Royaume-Uni et la République Populaire de Chine, le Sénégal devait obligatoirement compter avec la voix chinoise. En mai 2005, soit seulement cinq mois avant le rétablissement de nos relations diplomatiques avec la République Populaire, Cheikh Tidiane Gadio, ex ministre des Affaires étrangères annonce que « la Chine n’est pas hostile au Sénégal, soulignant subséquemment que, sur les cinq membres du Conseil de sécurité, quatre sont « très favorables » à la candidature du Sénégal à un poste de membre au Conseil de sécurité des Nations unies (APS du 2 mai 2005). Il fallait donc tout faire pour que la muraille de Chine ne soit pas un obstacle infranchissable pour nos ambitions onusiennes. Tout faire revient cependant à dire que la reconnaissance de Taiwan était un obstacle réel. Car le Sénégal n’est pas le seul État africain à vouloir briguer ce mandat. L’Afrique du Sud, le Nigéria, le Kenya, l’Égypte, l’Algérie et la Libye sont nos principaux concurrents.
Notre pays projette son avenir et réfléchit à la possibilité de commercer avec la première puissance démographique mondiale, le prochain marché intérieur mondial, la future puissance internationale et de siéger à l’ONU. L’intérêt stratégique de cette relation est donc sans équivoque. « La Chine semble très loin, mais au point de vue stratégique, elle est en fait proche de nous. Ignorer la Chine équivaut à boucher soi-même la voie du dialogue avec un pays puissant » (APS du 25 juin 2006). Les résultats ne se font d’ailleurs pas attendre. Les chantiers chers au Président poussent comme des champignons avec le concours des Chinois. Avec plus ou moins de bonheur, le Sénégal s’implique dans les interminables conflits africains, dans des palabres et des négociations qui semblent ne jamais s’achever : Madagascar, Côte d’Ivoire, Burundi, Mauritanie, Bissau, Conakry. La diplomatie sénégalaise ne semble plus connaître de limite planétaire. Le Président Wade déclare être invité à s’impliquer dans l’interminable conflit du Moyen Orient, entre Israéliens et Palestiniens, puis entre le Pakistan et l’Inde. Aux lendemains des attentats du 11 Septembre, le Sénégal réunit à Dakar un aréopage de chefs d’Etats africains pour condamner le terrorisme et apporter leur soutien à l’Amérique de Bush dont Wade est un interlocuteur privilégié. Récemment, il parvient, grâce à ses relations courageuses avec Mahmoud Ahmadinejad, à faire libérer une détenue française en Iran.
La pertinence de l’approche géopolitique sénégalaise est donc avérée. Elle s’inscrit dans une longue tradition où la recherche de nouveaux partenaires économiques et politiques sur la scène internationale est la priorité des différents gouvernements sénégalais depuis l’indépendance en 1960. L’Asie (Japon, Chine, Taiwan, Corée du Sud et Inde), l’Amérique Latine (Brésil), Moyen-Orient (Iran), Maghreb (Maroc, Algérie), Amérique du Nord (États-unis et Canada) et Océanie (Australie) sont les partenaires choisis par le Sénégal pour pallier à la prépondérance politique et économique française. Nouer concomitamment des relations avec la République Populaire de Chine, les États-unis et l’Iran est l’exemple du déploiement diplomatique sénégalais sur la scène internationale : aucune idée reçue, seule la qualité du rapport compte pour notre pays. Puisse-t-il pour ainsi dire en être de même pour la nouvelle décennie.
Pierre Hamet ba