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MENTIR N’EST PAS BANAL

Le malaise profond provoqué par les discours de certains acteurs politiques et de leurs partisans s’intensifie face à la banalisation du mensonge comme outil de domination. Ce malaise ne naît pas simplement de maladresses verbales, mais plutôt de stratagèmes conscients visant à détourner la vérité au profit d’intérêts particuliers. Ce qui se joue ici dépasse la simple erreur; il s’agit d’une manipulation délibérée, d’une déconstruction méthodique du réel pour construire un récit fallacieux, destiné à maintenir l’adhésion des masses.

Le mensonge, dans ce contexte, devient un outil d’autorité, un moyen de modeler les perceptions et de museler toute forme de contestation. La parole politique se fait alors performative : elle impose un ordre, énonce une réalité alternative et exige la soumission à cette fiction. Ceux qui maîtrisent cet art de la falsification ne cherchent pas à convaincre par la force des arguments, mais à contraindre par la répétition des artifices, transformant l’espace public en un théâtre d’ombres où la vérité est reléguée à l’arrière-plan.

Le manque de scrupules intellectuels des protagonistes d’un tel discours reflète une forme perverse de pouvoir autocratique. Ce pouvoir ne s’exerce pas uniquement par la répression physique, mais par la domination symbolique, par l’imposition d’un récit unique qui exclut toute altérité. Ceux qui s’aventurent à contester cette narrative se retrouvent marginalisés, diabolisés, victimes d’un système qui érige le mensonge en norme et la vérité en hérésie.

Dans ce jeu de manipulations, les masses deviennent à la fois instruments et victimes. Elles sont façonnées, non pour s’élever, mais pour renforcer les ambitions des leaders qui prétendent les défendre. Ces leaders se présentent comme les porteurs d’un idéal supérieur, mais leur engagement est dénué de toute sincérité. Leurs discours, souvent enveloppés d’un vernis populiste, visent à conquérir l’adhésion non par la profondeur des idées, mais par la flatterie des instincts les plus primaires.

La presse, qui devrait jouer le rôle de gardienne de la vérité, se trouve souvent complice de ces dérives. Son silence, voire sa complaisance, alimente un cercle vicieux où les mensonges deviennent des vérités acceptées. Cette abdication de sa mission critique renforce le pouvoir des manipulateurs, qui trouvent dans les médias un écho complaisant à leurs mensonges. Le professionnalisme journalistique s’efface alors devant les intérêts partisans, transformant les tribunes médiatiques en instruments de propagande.

Dans cet univers où l’honnêteté intellectuelle est sacrifiée sur l’autel de l’opportunisme, la pensée critique est reléguée à une marginalité honteuse. Ceux qui osent encore défendre la rigueur intellectuelle et le respect des faits sont perçus comme des anachronismes, des figures isolées dans un paysage dominé par la superficialité et la duplicité. Pourtant, c’est précisément cette honnêteté, cette exigence de vérité, qui constitue le fondement d’une démocratie véritable. Le refus du mensonge, non comme une vertu naïve, mais comme une posture éthique, est la condition nécessaire pour réhabiliter un espace public authentique.

Ce qui se joue dans ce détournement systématique de la vérité n’est pas seulement une crise de l’information, mais une crise de civilisation. Le mensonge, lorsqu’il devient structurel, transforme les relations humaines, détruit la confiance et déforme irrémédiablement le tissu social. Il ne s’agit pas simplement de dénoncer ceux qui en font usage, mais de comprendre les mécanismes par lesquels il se reproduit et se perpétue. Ce n’est qu’en posant cette exigence de lucidité et de responsabilité que l’on pourra espérer restaurer une éthique de la parole et du débat dans une société en proie à une crise profonde de ses valeurs fondamentales.

Pierre Hamet BA.

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