« La véracité n’a jamais figuré au nombre des vertus
politiques, et le mensonge a toujours été considéré comme
un moyen parfaitement justifié dans les affaires politiques. » Hannah ARENDT
NOUS VIVONS MAINTENANT DANS UNE SOCIETE où il n’y a que le résultat qui compte. L’on nous juge en fonction de notre appartenance politique, de notre confrérie religieuse ou de notre avoir. Peu importe de voler, de mentir, de vendre son âme au diable, de retourner sa veste, d’hypothéquer la vie de ses enfants, de souiller son corps dans l’homosexualité et la pédophilie, de trahir ses proches pour son intérêt propre, de baigner dans l’hypocrisie, de mystifier le peuple, d’abuser du pouvoir, de fouler la justice du pied, de détourner les deniers publics, de vivre à la sueur du front des autres. Tout ce qui compte, c’est de s’inscrire comme un mouton dans le courant du parti berger.
L’important décalage entre les attentes du peuple et les possibilités actuelles du gouvernement constitue une problématique sociale sérieuse et on risque d’assister assez rapidement à des désillusions spectaculairement douloureuses. Rien n’a véritablement changé. Nous sommes passés d’un mode arrogant à un mode de consentement vicieux et trompeur. Les pratiques politiques les plus abjectes sont plus que jamais enracinées au cœur du système. Les yakaaristes se sont enveloppés dans ce qu’il y a de plus ignoble. Le mensonge demeure le lieu commun dans toutes les entreprises de gouvernance. La transhumance est la chose la plus transparente. Le gré à gré prend du service. Les magouilles s’intensifient. Le PDS se plaint et oublie majestueusement le peuple. Moustapha Niasse néglige les paysans qui, disait-il, étaient affamés. La société dite civile hiberne dans un silence coupable. Idrissa Seck s’occupe de son futur passé. Ousmane Tanor Dieng surveille ses arrières. Amath Dansokho déguste son heure de gloire. Aliou Sow virevolte. Pape Diop gigote. Abou Latif Coulibaly en a marre de y en a marre. Macky Sall maquille son frère d’or noir. Et pendant ce temps…
PENDANT CE TEMPS LE PEUPLE TRINQUE. La classe politique de notre pays n’est mue par autre chose sinon que de parvenir. L’idéal n’est pour elle qu’un leurre et l’idéologie, un faire-valoir. Le titre et l’argent, c’est tout ce qui intéresse nos hommes politiques. Les larmes de Moustapha Niasse qui a tout eu ou presque en politique, le combat de Moustapha Cissé Lô pour le poste de Président de l’assemblée Nationale, les cuisines internes du PDS qui ont causé sa perte, les violences parfois meurtrières dans les renouvellements des instances de syndicats ou de partis politiques, le spectaculaire revirement de Latif Coulibaly et les scissions au sein des mouvements citoyens sont autant d’exemples qui étayent nos propos. Au lieu de s’installer donc dans leur fauteuil pour gouverner les institutions, nos dirigeants s’asseyent sur les institutions pour surveiller leur siège.
Toute analyse, même superficielle de notre société, arriverait à une conclusion analogue. On ne parvient vraiment dans la société sénégalaise que quand on occupe, par quelque moyen que ce soit, ce que communément nous appelons « poste de responsabilité ». C’est là seulement que commence notre existence sociale. On se croit alors non seulement plus valeureux que nos compatriotes mais aussi et surtout, investi d’une puissance divine, d’une mission sacrée. On va même jusqu’à considérer que notre maman est plus probe que toutes les autres mères sénégalaises. Cette supposée réussite ne représentant en effet que la récolte des graines que notre mère aurait semées dans le jardin paternel : « Ligéyou ndèye, agnoup dom ». Ledit poste de responsabilité, au lieu donc d’être un moyen de servir le peuple, devient dans l’ordre de cette croyance, un moyen de se servir du peuple.
LA VERSION FINALE DU PROGRAME PRESIDENTIEL publiée sur makymetre.com nous interpelle à ce titre. Incohérent et irréaliste, il ne témoigne de rien si ce n’est que les yakaaristes prennent leur désir pour la réalité. Dans tous les sens du terme, le fameux yoonu yokutté tient en trois : abuser, détourner la vérité, tromper. Comment ne pas succomber à l’espoir qu’il existerait une manière rapide d’éliminer l’emprise de la pauvreté dans laquelle nous menons notre existence ? Mais le remède que prétend porter ledit espoir pourrait aggraver le mal que l’on veut combattre. En vérité il n’y a que deux types de politiciens au Sénégal : ceux qui utilisent l’argent pour avoir la masse, et ceux qui utilisent la masse pour avoir l’argent. Qui donc ose parler de rupture ?
Pierre Hamet BA
01er Février 2013