Il y a bien évidemment quelque chose qui se passe. Tout dépend de ce que nous entendons par Démocratie. Au Sénégal, Il y a une théorie qui paraît quasi officielle selon laquelle la démocratie est un système dans lequel les gens sont des spectateurs, et non des acteurs. A intervalles réguliers, nous avons le droit de mettre un bulletin dans l’urne, de choisir quelqu’un dans la classe des chefs pour nous diriger. Puis nous sommes censés rentrer chez nous, et vaquer à nos affaires. Consommer, regarder la télévision, faire la cuisine, mais surtout ne pas déranger : c’est la démocratie.
Du maîtrisard boulanger au maîtrisard chômeur, de l’image de l’agent garant de la sécurité nationale à celle du policier traqueur social, du dirigeant honnête au chef corrompu, de l’enseignant amoureux de son métier aux vacataires chasseurs de primes, et des charlatans, sous le couvert du manteau de la religion, entrent dans la danse.
Les laissés pour compte se sont maintenant retrouvés au sommet de l’Etat; l’incompétence prime désormais sur la compétence; la médiocrité a pris le dessus sur l’excellence; plutôt que de rester l’extincteur, le religieux est devenu une étincelle; les pompiers sont devenus des pyromanes et les pyromanes, des gardes forestiers ; Et on laisse les charlatans et leurs esclaves de talibés s’emparer des leviers de commande de l’Etat. On donne à une bande d’ignares et d’incultes le pouvoir d’influencer le choix des citoyens.
Pas l’ombre d’un doute, il s’agit bien du Sénégal d’aujourd’hui. Depuis peu et cependant longtemps, nous vivons dans une société où seul le résultat compte. L’on nous juge en fonction de notre appartenance politique, de l’avoir, jamais en fonction de nos compétences. Peu importe que nous ayons vendu notre âme, retourné notre veste, trafiqué la vie de nos frères et de nos enfants, souiller notre corps, trahi des proches pour l’intérêt personnel, nagé dans l’hypocrisie, déformer la vérité, abuser du pouvoir, vivre à la sueur du front des autres, fouler du pied la justice. Tout ce qui importe c’est de s’inscrire comme un mouton dans le courant du parti berger.
L’idéal a déserté le Sénégal, les idéologies se sont exilées et l’incapacité à soutenir un débat contradictoire dans un discours cohérent et satisfaisant est inquiétant. Toute voix qui s’élève, fusse-t-elle objective, est politiquement appréhendée et s’en trouve ainsi réduite à une triviale réaction épidermique.
Le pouvoir nous a converti en consommateurs atomisés, isolés les uns des autres. Il fait en sorte que nous soyons passifs, obéissants, ignorants et programmés. Il s’évertue à nous éduquer de manière à qu’on ne le tienne pas à la gorge. Nous voilà détournés vers des buts inoffensifs. Et, quand nous avons assez de chance pour trouver du travail, nous devenons un instrument docile de production. Nos sentiments humains normaux ont été écrasés. La démocratie telle que les politiciens l’entendent est devenue très claire : le pays doit être dirigé par des citoyens responsables, les autres n’ont qu’à se tenir tranquilles. Pour cela, tout ce que nous pensons doit être contrôlé, et nous devenons ainsi enrégimentés comme des soldats.
Que les rangs se massifient alors ! La propagande a pris place. Dieu est mort, l’homme est vivant. On ne se préoccupe plus de l’au-delà, seulement d’ici bas. On déifie des hommes, on leurs voue un culte, on les vénère. En contre partie de cette bassesse, ils nous garantissent le bonheur ici bas et un certain paradis à l’au-delà. « Suivez Dieu si vous voulez, mais ne croyez point en lui, croyez plutôt aux jouissances de ce bas monde ». Voilà qui constitue la quintessence même de leur discours. De même, c’est ce que les partis politiques de notre pays véhiculent : une sorte de religion dans laquelle le leader est hissé au rang de divinité à laquelle il faut vouer un culte. Qu’on s’en morde les doigts, qu’on meurt de faim ou qu’on descende dans la rue. Ça leur est égal.
Tant de faits qui expriment l’inappétence, la souffrance et le désespoir que Moi, le Sénégalais couve au plus profond de mon être. Centaines d’événements sont passés sous nos yeux en spectacle. Centaines de griefs au cœur sans que nous n’en soyons totalement et définitivement guéris. De la foi au fanatisme, des ajustements structurels à la dévaluation du franc CFA, de la stabilité scolaire aux multiples grèves des enseignants, des étudiants bons espoirs de l’avenir aux vermines du futur, de la bonne éducation à la délinquance, des visas inaccessibles aux boat-peoples, de Senghor à Diouf, de Wade à….? ; le fait est constant : les partis politiques et les regroupements charlatanesques sont des forces de division et d’exclusion.
Le temps est pour ainsi dire arrivé de balayer ce conglomérat de charlatans, cette racaille de politiciens constipés et leurs effroyables pacotilles d’intellectuels pour que vive la Nation Sénégalaise.
Pierre Hamet BA