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LE SENEGAL FACE AU CORONAVIRUS (Première partie)

Partisans, opposants, amis et ennemis se sont tour à tour exprimés sur l’adresse du Chef de l’Etat à la Nation à l’occasion de laquelle il a décrété l’état d’urgence. D’aucuns en ont été excités et s’en sont félicités, d’autres l’ont dénigré avec jouissance et les fanatics s’en sont délectés jusqu’à l’orgasme. Mais le jour d’après, les leadeurs de toutes ces opinions ont défilé au palais de la République. Biensûr, il ne faut pas faire mauvaise figure quand le pays est en émois. Mais le plus étonnant est de voir ceux qui ont boudé le dialogue national afficher le sourire jusqu’aux oreilles à leur rencontre avec son instigateur, l’antisystème si virulant s’accorder au système comme si de rien n’était, chacun voulant s’attirer l’attention et la sympathie de la population. Or et à mon sens, il n’y a dans cette situation aucun gain politique à en tirer. Au mieux, l’on risque d’associer son image à une calamité si l’on n’est pas capable de formuler et de proposer des mesures concrètes.

Qui a entendu un seul de ces leaders énoncer ne serait-ce qu’une bribe de réponse aux multiples questions que se posent en ce moment les populations? S’auraient-ils d’ailleurs le faire? Visiblement, leur avis ne compte pas sinon comment expliquer qu’ils ne soient publiquement ni consultés ni reçus auparavant? Cest une mascarade!

Prétextant délibérément, et sans fondement sociologique apparent, qu’en pareille situation le peuple a besoin que ses leadeurs se joignent au cœur, ils se sont tous rangés derrière les mesures annoncées la veille, tentant ainsi de se donner une image conciliante, moralisatrice, consentante, et partisane des dispositions émises par l’adversaire dont ils rêvent, autant qu’ils sont, du fauteuil, s’ils ne le detestent.

Comme si tout était parfait dans un monde parfait, les hommes politiques ont encore, une fois de plus, occulté le vrai débat. Le pays a besoin d’actions inédites, de mesures pragmatiques, de réponses à des questions qui ne s’étaient encore jamais posées, mais pas d’effets d’annonce et d’intentions politiques inavouées. Utiliser cette situation de détresse nationale pour donner un second souffle à un dialogue qui peine à rassembler est, pour ma part, indigne de notre intelligence. De grâce, arrêtons la fable politicienne et faisons face à nos propres contradictions.

Ma participation à ce débat est depourvue de toute passion, de toute position partisane ou non partisane. Je n’ai pas la science infuse et si je m’exprime sur la situation actuelle de notre pays, c’est en ma qualité de simple sénégalais concerné par les décisions publiques et surtout par la manière dont les autorités gèrent cette crise sanitaire; il y va de ma survie et de celle de mes concitoyens.

Nous ne sommes pas dans une guerre au sens conventionnel du terme où les principales installations stratégiques de notre pays seraient en danger et devraient être défendues corps et âmes par nos forces armées. Nous ne sommes pas assiégés par l’ennemi et nous ne sommes non plus dans une situation de désordre public, de menaces de sabotage ou d’attentats qui justifierait l’usage de la violence contre les sénégalais qui, au-delà de 20h, on ne sait pour quelle raison, se sont retrouvés en dehors de chez eux, si tant est qu’ils en ont un.

Nous sommes, comme le reste du monde entier sous la menace d’un virus. Et, une administration responsable, c’est-à-dire, qui place son peuple au centre de ses préoccupations, capable de la nourrir, de la soigner, de la protéger et dans pareille situation, de ne s’occuper que de sa survie face au danger qui risque de le décimer, devrait être capable de mobiliser aisément l’adhésion massive des populations dans sa stratégie de gestion de la crise… (A suivre).

Pierre Hamet Ba.

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Le Pouvoir et ses Nouveaux Chiens de Garde

Qu’est-ce que donc le Marketing Politique ? Question soumise à notre réflexion par le directeur de publication du présent magazine. Mais saurions-nous y apporter une réponse satisfaisante en faisant fie de la scène politique qui se déroule en boucle sous nos yeux ?

 

Les Chiens aboient, la pirogue s’enlise.

 

Curieux paradoxe. Mais encore, quel curieux paradoxe que celui qui rythme notre quotidien. Jamais la vie publique de notre pays n’a autant été médiatisée que sous le régime de l’alternance. Pourtant, jamais la population n’a eu davantage l’impression d’être si peu entendue. Jamais un Président de la République n’a eu autant l’impression d’avoir beaucoup communiqué. Et pourtant, jamais un Président de la République n’a autant eu l’impression d’être incompris. Jamais la presse n’a eu autant de liberté. Et pourtant, jamais la population n’a eu autant l’impression d’être menée en bateau. Jamais la communication n’a eu autant de considération dans les institutions de notre pays. Et pourtant, jamais on n’a eu autant l’impression que les institutions se sont muselées. Jamais le paysage médiatique de notre pays n’a autant été ouvert. Et pourtant jamais le peuple n’a autant été désinformé. Visiblement, il y a donc quelque chose qui se passe.

 

Au Sénégal nous sommes restés sur des considérations qui sont celles du temps des indépendances. Quarante huit années après les indépendances, nos institutions ont peu ou prou évolué dans leur forme d’organisation. Le poste de conseiller en communication n’est pas encore prévu dans l’organigramme de nos institutions gouvernementales. Ce n’est pas rien et cela se comprend. Car à l’époque des indépendances notre pays ne disposait que d’une radio : celle de l’Etat. D’une télé : celle de l’Etat. Et d’une presse écrite : celle de l’Etat. Les médiums de communication étaient donc maîtrisés. Pas lieu alors de s’attacher les services de conseillers en communication. Ç’aurait même été superflu, d’autant qu’il n’y avait vraiment pas de quoi s’en faire. Trois millions d’habitants, une poignée d’intellectuels. Une petite louche d’instruits. Une cuillérée d’élites. Donc une opinion peu instruite et presque inconsciente des enjeux du pouvoir politique.

 

Les institutions gouvernementales contemporaines restées sur ce schéma ne sont donc plus en phase avec les enjeux du nouvel ordre sociopolitique de notre pays. Au mieux ce sont des cellules de communication qui sont créées avec à leur sein des journalistes, c’est-à-dire des professionnels du traitement de l’information. Pas de la communication. Donc le travail qui est excellemment accompli au sein de ces cellules est celui des Attachés de Presse ou des Chargés des Relations Publiques.

 

Rédiger des communiqués, convoquer des journalistes, faire du lobbying de presse, réaliser des dossiers de presse (press-book), réaliser des supports de communication et écrire des revues de presse, voilà en quoi consiste leur travail. Un ensemble d’outils qui ont pour but tout ensemble d’informer. Or, l’information n’est fort malheureusement pas de la communication. La communication nécessite d’établir un courant, une relation et de créer un échange. En ce sens, l’émetteur comme le récepteur doivent être actifs. L’information consiste à mettre au courant. Elle fonctionne à sens unique. Le récepteur est donc passif. On instaure la communication. On diffuse l’information. On comprend dès lors pourquoi le Président de la République n’a de cesse de se plaindre de sa communication. C’est qu’en réalité il n’en a pas.

 

Le gouvernement n’a pas de problèmes de communication. Le gouvernement n’a jamais communiqué.

 

Toute la cohorte de conseillers en communication de la Présidence de la République et du gouvernement tout entier ne sera certainement pas d’accord. Mais qu’on prenne soin d’étayer nos propos.

 

Ce que j’entends par là, ce en quoi consiste vraiment mon propos, c’est qu’un gouvernement est un ensemble d’institutions mises en place pour apporter des réponses cohérentes et satisfaisantes aux besoins et aspirations des populations. Quoi de plus normal alors que ces institutions communiquent avec le peuple ? Arriver par là même à créer une sorte de consentement mutuel sur la gestion de la chose publique, donnerait au peuple le sentiment d’être au centre des préoccupations de nos gouvernants. Mais si aucune communication n’est instaurée, si le gouvernement ne fait que livrer des informations sans se soucier de la réception que nous pouvons en avoir, si les « conseillers en communication » ne font qu’informer, alors on drape d’un voile opaque les institutions. Ce faisant, le peuple pensera tout naturellement qu’aucune disposition n’est prise pour mener à bien son devenir. Le sentiment d’exclusion et de non appartenance à la chose publique s’installe vite au fond même de son âme. Les populations ont l’impression de ne pas être considérées, d’être snobées par les gens du pouvoir en place, d’être laissées en rade. Elles ont le sentiment que les gouvernants ne sont là que pour eux-mêmes, qu’ils ne se soucient que de leur propre plan de carrière, qu’ils s’enrichissent des deniers publics au détriment de l’intérêt commun de la Nation. De telles appréhensions, inavouées mais vécues et cristallisées quelque part dans le tréfonds de nos êtres, ont constitué une bonne part des causes endogènes des conflits en Afrique. D’où l’importance de la communication au sein d’un Etat.

 

La communication politique, quand elle est bien gérée, constitue un moyen d’équilibre des forces et disparités sociopolitiques. Elle constitue même une soupape de sécurité. Cependant, l’absence de communication politique accentue de manière considérable les frustrations des populations. Elle donne une mauvaise impression des dirigeants et rend flou l’horizon d’un lendemain meilleur. La réaction qui s’ensuit du côté des populations est celle du silence. Le terme wolof qui rend plus compte de ce silence est « beurgueul ». Dans une telle situation, les gouvernants sont souvent tentés de penser qu’il s’agit là d’une démission, d’une indifférence totale à la chose politique, ce qui, d’une certaine manière, les arrange. Car ce « désintérêt » ou silence populaire ouvre grandement les boulevards de la dérive. Puisque le peuple est tellement dégoûté qu’il se garde même de pester, il devient aisé de gouverner. Cependant cette indifférence qui leur semble si évidente est loin d’être une sorte de résignation. Bien au contraire, elle peut facilement déboucher sur une révolte populaire. En atteste la révolte des marchands ambulants à laquelle nous avons récemment assisté. Ce silence est donc une forme de communication. Il véhicule l’inappétence des populations et tire la sonnette d’alarme. Quand un peuple arrive au stade du « silence communicant » c’est que la communication politique, si bien entendu elle existe, a tout simplement échoué.

 

Même s’il est donc vrai que le Président de la République accorde beaucoup d’importance à la communication, force est de reconnaître que la véritable communication politique n’a pas encore pris place sous son magistère. Dès lors il convient de se rendre compte qu’au lieu d’être des acteurs de la vie publique, nous en sommes les intrus spectateurs tenus loin derrière les barrières. D’où les multiples frustrations qui se manifestent par ci et par là. Le Président de la République doit donc bien se rendre compte que tous ses gouvernements confondus n’ont jamais communiqué. Or, sans une réelle communication gouvernementale, ce sera bientôt la débandade. C’est d’un phénomène préoccupant qu’il s’agit et qui, jour après jour, creuse le fossé qui sépare les gouvernants des gouvernés tout en attisant les braises qui commencent à prendre feu dans nos cœurs.

 

Bien des gens penseront cependant, que le gouvernement a toujours communiqué et de fort belle manière. Mais voyons la manière dont s’organise la communication au sein même du gouvernement.

 

La Psychose du Pouvoir

 

Il y a quelque chose d’autre qui se passe. Quelque chose comme une sorte de peur bleue d’une certaine presse assoiffée de scandales et très encline à chercher la petite bête. Devenue une psychose au sein du pouvoir, la presse exerce ainsi une véritable influence sur le comportement des gouvernants. A telle enseigne que le ministre qui vient d’être nommé, au lieu de se soucier de l’institution placée sous sa responsabilité, s’attachera, d’abord et avant tout, les services d’un journaliste. Ce dernier, par l’esprit de camaraderie et de corporation avec ses confrères aura pour mission d’éviter au nouveau venu une mauvaise presse. « Le conseiller en communication » s’évertuera ainsi à étouffer dans l’œuf, en usant de la complicité de ses confrères, toute affaire qui pourrait nuire à l’avenir politique de son patron. Il est le chien de garde. Sa place se trouve en dehors des cercles de décision. Dans la cour avant de l’institution. Il n’entre donc en jeu que lorsque son maître se sent menacé. Cela explique les multiples notes discordantes que nous servent les membres du gouvernement chaque fois qu’ils doivent s’exprimer sur une actualité nationale. C’est que « leurs conseillers en communication » n’en sont souvent pas. Car comment peut-on communiquer et bien communiquer pour une institution, quand on n’est pas associé au processus de décisions desquelles nous devons assurer une bonne communication ? « Les conseillers en communication » ne servent dès lors à rien d’autre si ce n’est aboyer quand on s’approche du maître et mordre quand le maître est attaqué.

 

Il faut donc bien se rendre compte que « les conseillers en communication » ne communiquent pas du tout pour les institutions. Comme tout chien de garde, ils protègent naturellement leurs maîtres. Et puisque leurs maîtres sont des personnalités politiques, avec des plans de carrières et des intérêts politiques différents, les stratégies utilisées ne prendront pas en charge la visibilité de l’institution mise en place pour la population. Nous assistons ainsi à un pêle-mêle de stratégies de communications qui se chevauchent sans s’harmoniser. Seuls les ministres restent visibles. Ce faisant, non seulement le ministre donne une mauvaise impression par son omniprésence dans les médias,  mais l’institution meurt sous le poids du silence qui l’ensevelit. De la sorte et grâce au matraquage médiatique, on en arrive à un désordre sans précédent. En lieu et place d’une véritable communication politique, l’on nous offre le spectacle si désolant de ministres qui se mènent la guéguerre dans leur propre camp. Alors qu’ils devraient plutôt s’unir et harmoniser leur communication pour la bonne visibilité des actions entreprises par le gouvernement tout entier. L’affaire Awa Ndiaye – Aminata Lô en constitue un exemple.

 

A tous points de vue donc, il convient de se rendre à l’évidence que la communication dans l’espace politique n’est pas la communication politique. Encore qu’il y a vraiment à se demander si la communication existe véritablement dans l’espace politique de notre pays.

 

Quoi qu’il en soit, nous pouvons quand même constater la querelle et la forte confusion de genre qui a fini de mettre le désordre dans l’espace politique. L’information n’est pas la communication. Le marketing n’est pas la communication politique. Et la communication politique n’est pas le marketing politique.

 

Mais là aussi, qu’on prenne bien soin d’étayer nos propos.

 

Parlant de moi et de mon rôle au sein d’une institution, un employé de l’administration a une fois soutenu qu’il ne pouvait pas gérer deux patrons en même temps. Cet agent pensait ainsi jeter le discrédit sur mon client. L’administrateur habitué à travailler avec des journalistes qui étaient tenus hors des cercles de décisions institutionnelles perdait donc ses moyens en face de nouvelles approches, de nouvelles techniques, de nouveaux outils. C’est dire combien l’agent de l’administration se trompait sur mon rôle en me prenant pour un second patron. C’est qu’à la différence d’un attaché de presse, d’un journaliste, d’un expert en communication ou d’un professionnel du marketing, un marketiste politique n’a pas de patron. Il a un client. Et comme un avocat, il mène la plaidoirie, il est consulté par le client mais ne consulte pas le client.

 

A l’opposé donc des « conseillers en communication » de notre pays et de leurs traditionnelles missions décrites plus haut, le marketiste politique est au début et à la fin de l’institution que gère son client. Il a une fonction transversale. Il doit non seulement être capable de mettre en place des stratégies de communication, mais il doit tout aussi avoir assez de bagage pour être à même de concevoir des programmes parallèles et intégrés aux objectifs de la lettre de mission d’un dirigeant. Il doit être en mesure de porter les idées de son client, de les traduire en discours politiques et de les transmettre à la cible dans un langage claire et accessible. S’il arrive que son client n’ait pas d’idées, il doit être en mesure de lui en trouver, de lui construire un discours, une image, un style. Un marketiste politique, spin-doctor ou éminence grise, doit maîtriser les sciences politiques et toutes les sciences du langage et de la communication. Surtout dans cette contemporanéité où la communication est la lumière de la même manière que le XVIIIe siècle fut par excellence celui des lumières.

 

Le XXIe siècle est pour ainsi dire le siècle de la communication par excellence. Par tous les moyens donc, il faut communiquer. Et même quelquefois, communiquer à outrance. Le monde est devenu un champ de canaux ouverts. Il faut donc trouver le bon fuseau pour se frayer sa voie. La rude concurrence, saine ou déloyale, que se livrent les entreprises et les grandes multinationales, passe désormais par la communication. Même la guerre ne se gagne plus sur les champs de bataille. Dans une large mesure la communication est devenue une arme très redoutable. Elle transforme l’opinion contemporaine en une sorte d’arbitre. Gagner une guerre sur le champ de bataille perd ainsi toute sa valeur quand l’opinion n’est pas acquise par la communication qui enveloppe et justifie le fait même d’entrer en guerre. Si cette communication peine, vous pourrez massacrer tout un pays, occuper le territoire ennemi, démettre le Président d’une République et le pendre, mais vous aurez perdu votre guerre. La véritable guerre reste aujourd’hui celle qui consiste à convaincre l’opinion. Car il lui revient désormais le droit de cautionner ou de sanctionner les actions entreprises par les Etats. C’est la démocratie.

 

Et c’est d’autant plus vrai que nos médias se proclament contre-pouvoir. La presse écrite et audiovisuelle est dominée par des groupes industriels et financiers, par des hommes politiques, par une pensée de marché, par des réseaux de connivence. Un petit groupe de journalistes omniprésents impose au jour le jour sa définition de l’information-marchandise. Ils servent les intérêts des nouveaux maîtres, ils sont les nouveaux chiens de garde.

Mais tout compte fait qu’est ce que donc le Marketing Politique ?

 

De tout ce qui précède, nous pouvons attester que le Marketing Politique n’existe pas au Sénégal. Et à ceux qui prétendent en faire, ou prétendrait que le gouvernement communique, nous rétorquerons gracieusement que :

 

Vendre un discours politique ou gagner une campagne électorale ne se mesure pas à la capacité d’être leader sur un marché de services et de produits agroalimentaires. Il faut éviter de prendre le marketing politique pour de la simple communication ou tout simplement pour un tout petit royaume de sentiments au sein de l’empire Marketing.

 

J’aime autant vous dire que ce qui vend un bonbon ne vend pas un homme politique.

 

Pierre Hamet BA