Va chercher des amis dont l’estime funeste honore
l’adultère, applaudit à l’inceste» RAC. Phèd. IV, 2
Du moment du choix, la présidentielle est devenue le temps de la chasse. Travaillistes essoufflés, communistes en détresse, socialistes aux abois, politiciens de circonstance, activistes malséants, intellectuels de pacotille, starlettes en mal de popularité, avocats en obsolescence, artistes incultes, hommes de culture constipés du cerveau ; tous, des ennemis jurés aux adversaires à couteaux tirés, ont sacrifié à la battue quinquennale. Et, de cette alliance incestueuse est née Benno Bokk Yakaar. Hypocrisie, je proclame ; et comédie, devraient attester tous ceux qui se rendent compte aujourd’hui que les gouvernants s’occupent moins des attentes du peuple que de maintenir l’ordre de l’inceste. Passée la période de la chasse, cette sorte d’assentiment fortuit qui, temporairement, passait sous silence les ambitions des uns et des autres le temps d’un tir groupé, ne pouvait que laisser place aux péchés capitaux.
Orgueil, avarice, envie, colère, luxure, paresse et gourmandise mais aussi amateurisme, despotisme et népotisme infectent désormais l’intouchable. Quand bien même nous n’en voudrions certes pas, d’avoir confondu choix et chasse, il est tout de même là. Son discours est vide ; ses entreprises, indigentes ; et sa vision, brouillée. Au gré des contingences, il concocte une sorte de mélasse aux allures de plans sur la comète qu’il décline sous la forme d’un programme de gouvernance. Ingénieur mais pas du tout ingénieux, sa recherche de l’originalité l’égare dans de multiples atermoiements, s’il ne s’en trouve pas ridicule. Pour accoutrer le vide de l’inceste, il fait appel à de biens vagues notions. Conseil des ministres décentralisé par-ci ; restauration des valeurs de la République par là ; levée des couleurs désormais imposée ; traque des biens, dit-on, mal acquis ; transparence ; bonne gouvernance et que sais-je encore… Tout ensemble qui n’a nuls autres impacts que de nous soûler de galimatias pour dissimuler, sous un monceau de mensonges, l’inceste qui putréfie la République.
N’ayant pas encore satisfait à une seule des exigences sociales concrètes qui l’ont confortées au pouvoir, il s’attèle désormais à une mission civilisatrice comme si nous n’étions qu’une triviale population qu’il convient d’enseigner les bons usages de la République. Ce dont nous parlons ici, c’est de cette prétention à décréter la décadence des valeurs de la République au tréfonds de notre être et de prétendre vouloir y apporter un simulacre de réparation. Mais pour être efficace plutôt que populiste, une telle entreprise devrait commencer par une politique d’accès et de maintien à l’école pour tous ; le retour dans le programme d’enseignement de l’instruction civique et de l’éducation morale et sanitaire avec un fort coefficient au primaire, au collège et pourquoi pas au lycée. De la sorte, l’on insufflerait d’une part, l’avènement d’une nouvelle conscience civique, morale et sanitaire chez nos jeunes gens ; et d’autres parts, l’on résorberait une partie du chômage des enseignants en en reconvertissant certains dans l’instruction de ladite matière. Ce n’est pas en observant la levée des couleurs une fois par mois, ni en poursuivant bruyamment des dignitaires de l’ancien régime, encore moins en baladant le gouvernement de région en région qu’on arrivera à renforcer l’esprit citoyen et la moralité de nos populations.
CONSPIRATION. Tout cela n’est donc que vacarme pour peu et relève plutôt d’un obscurantisme avéré. Les actions actuellement entreprises ; que ce soit ladite « traque des biens mal acquis », ou « la restauration des valeurs de la République » etc. manquent de contenus apparents en ce sens qu’elles n’ont aucun fondement scientifique ou juridique établi. Elles partent d’un supposé sentiment national injustifié, alimenté par une certaine propagande, qui a fini de convaincre nombre d’entre nous que le Sénégalais manque de civisme, d’esprit citoyen ; que le Sénégal a régressé ; et que Wade a fout. le b..del. Or, il n’en est rien. De tels arguments ne sont destinés qu’à engendrer la peur dans les populations afin de les paralyser et permettre ainsi aux mouvements subversifs de s’emparer des leviers de commande de l’Etat. Les propagandistes ont ainsi attaqué les personnalités et responsables politiques. Ils les ont discrédités soit à l’aide d’affaires montées, soit encore en révélant des malversations et comportements « scandaleux ». Lorsque la chasse aux sorcières a alors commencé, se mobiliser pour défendre la justice dont a droit tout citoyen a revêtu le sens de prendre des risques, de faire des efforts pour des gens qui n’en valent pas la peine. Ce mutisme populaire et cette paralysie nationale engendrés par cette dite propagande expliquent à plus d’un titre les caprices fantaisistes de l’Etat.
Parce qu’on ne dit pour le moment rien, les propagandistes d’hier, les mêmes à présent au cœur du pouvoir, nous pensent naturellement acquis à cette démarche obsolète qui se complait dans des discours correctionnels dépourvus de sens civique et moral ainsi que de contenus techniques et scientifiques. En devenant donc au bout de ce petit matin de mars cette « foule bavarde et muette » (Césaire), nous acceptâmes la conspiration incestueuse qui entretient le despotisme et le népotisme au sommet de l’Etat. Le moment est donc venu d’agir. Le statu quo, dans sa forme incestueuse, est arrivé à expiration. La nature reprend ses droits. Et, l’on voit pointer les dissensions qui annihilent l’inceste :
La convoitise est le propre de l’homme politique.
Pierre Hamet BA
08 Février 2013