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DIEU EST NECESSAIRE

Et, l’homme créa dieu. Il en fit une construction imaginaire méta humaine, quelque chose comme un être total infaillible, régent des âmes, invisible mais omniprésent, omnipotent mais insaisissable, omniscient car créateur résolu de l’homme et du multivers dans lequel il se meut. La volonté divine est pour ainsi dire le commencement et la fin de toute chose. Rien ne lui préexiste. Rien ne lui échappe. Tout ce qui est, est donné. Tout ce qui advient est nécessaire et inévitable au terme de l’histoire. Le monde est pour ainsi dire sous le joug divin et tout ce qui s’y passe n’est autre que la finalité de la volonté divine. L’irresponsabilité humaine puise donc sa source originelle en cette croyance en une force ou en un esprit, c’est selon, qui déroulerait un programme préétabli, imperfectible et irréversible dans le déroulement du duopole espace-temps. Ainsi partant, toutes les actions humaines, croit-on sans trop y croire, portent la marque de la volonté divine. Dans cet ordre d’idée, dieu est responsable de tout, même de nos propres actions. Peu importe qu’elles soient critiquables par une morale, la notion elle-même étant sujet à polémique, l’homme a trouvé une échappatoire. Il se débarrasse ainsi de l’embarras de la culpabilité pour trouver en la notion de volonté divine et dans le concept de destin, la justification de ses plus surannés actes inscrits dans l’histoire. Ainsi en a-t-il été des croisades, des grandes invasions, de la croyance en une race arienne supérieure qui conduisit à l’holocauste. C’est aussi la justification première de l’esclavage, de l’impérialisme européen, du racisme et maintenant du terrorisme. Dieu est nécessaire.

Chaque fois que l’homme a eu la prétention de le représenter sur terre, il a pris les armes. S’en suit une idée dite juste dont la conséquence est la destruction de l’homme par l’homme. Qu’à cela ne tienne, Dieu décide des pensées de tout homme, des conditions d’existence de chacun. Il a une vue imprenable sur tout, un projet pour tous et une destinée pour tout un chacun. Dieu à bon dos. Les textes liturgiques ont ceci en commun qu’ils ont fait de lui un étant. « Dieu créa l’homme à son image ». Il en résulte que l’homme porte en lui une part de divinité. Selon la plus large acception de cette assertion, tous les hommes sont les membres d’une seule et même famille car descendant d’Adam et d’Eve. Les hommes sont donc tous égaux. Mais cette égalité n’est pas factuelle. Elle est plutôt une sorte de construction humaine en vertu de laquelle la religion se désintéresse de l’ici-bas pour se hisser dans un au-delà confortable où elle ne peut être reprochable. On fait donc du salut des âmes, un contrat divin, le seul engagement de la divinité. Alors, quand bien même Dieu préside à l’univers et aux destinées respectives des hommes, la religion prend bien soin de lui garder ses distances quant à l’égalité des hommes sur terre. C’est le libre arbitre, notion qui va définitivement sceller le sort humain dans un petit royaume subjectif appelé choix qui, en dernier ressort, sera la justification à priori de toutes les inégalités. Sinon comment comprendre la domination de l’homme par l’homme consacrée par la religion qui, elle-même, considère sa création à l’image de dieu ?

« C’est la théologie elle-même qui se charge de nous fournir une partie de la réponse : le salut des âmes étant le seul souci de la religion chrétienne, la dévolution des pouvoirs ici-bas ne l’intéresse pas. Parce qu’il considère uniquement l’égalité devant Dieu, le christianisme s’accommode fort bien des inégalités terrestres : « Rendez à César ce qui est à César », car mon royaume n’est pas de ce monde ». La seule affaire qui ait de l’importance, c’est celle du salut éternel des âmes, et les contingences de la vie qui se déroule ici-bas n’en ont aucune[1] ». On voit ici pointer la notion de différences de nature entre les hommes qui sera chevillée comme principe irréductible pour justifier le droit qu’ont certains hommes sur d’autres. L’égalité des hommes qu’on croit universelle n’a donc de ce sens que métaphysique. Nous ne sommes égaux que devant dieu. En ce sens, les atrocités dont l’homme reste l’objet ne peuvent être dédouanées sous le prisme de la théologie. Mais parce que la position religieuse est ambivalente, l’homme, irresponsable au sens que dessus, se dédouane en se réfugiant derrière une divinité dont il peine encore à prouver l’existence. Ni les théologiens, ni les philosophes, ni les scientifiques n’ont pu circonscrire les origines divines des inégalités terrestres. Bien sûr, la théologie s’exempte de la tâche…

PIERRE HAMET BA
Extrait III des Entretiens avec moi-même.
II. DE L’ANTHROPOLOGIE DU SALUT

2 réponses sur « DIEU EST NECESSAIRE »

Salut PHD,
tu nous a gratifié d’un très beau texte qui mérite d’être publié dans toute la presse nationale et internationale. Ains, ceux qui croyaient croire, vont croire, une fois pour toute, que la maitrise des écrits religieux que nos soit-disants exégétes foulent au pied, passe d’abord par l’entretien avec soi-même.
Moi personnellement, je commence à voir ce que « moi-même » je n’ai jamais vu grâce à cette réflexion de haute facture.

Chapeau ! Chapeau ! Chapeau PHD.

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