Nous avons tôt fait fait d’enterrer les problématiques marxistes alors qu’elles n’ont jamais été aussi vraies et aussi intrigantes. Même si la lutte des classes ne se présente plus en termes de confrontations physiques entre individus de classes sociales différentes, comme à l’époque des grandes révolutions du 18e siècle, elle n’a pas pour autant cessé d’exister. Elle est plutôt le vers que la rose porte en elle. Même si alors la notion de bourgeoisie devient de plus en plus impropre, force est de constater que le système de stratification social n’a point évolué dans le temps. L’historiographie impose donc à l’histoire autrefois enchantée par la beauté de la rose de maintenant s’intéresser au vers.
Nous le savons bien, le but ultime de toute classe sociale est d’accéder au rang supérieur. Les classes n’ont donc pas de contenus statiques. Bien au contraire, elles sont dynamiques. Une classe superieure qui sert de référence est obligée de se réinventer pour ne pas perdre sa place de modèle et se voir ansi reléguée à une classe inférieure à la sienne qui, pour le moment, domine. Il en est de même pour les classes moyennes et ouvrières. Ainsi on voit bien qu’une lutte intrinsèque s’accapare des classes sociales dès leur apparition.
On peut ainsi voir les pays sous-développés comme la classe inférieure, les pays en voie de développement comme la classe moyenne et les pays développés comme le modèle de tête qui sert de référence. Par contre, là où, au sein de ce même modèle, les classes se sont âprement dessinées dans une historicité truffée de luttes féroces, parfois même sanglantes, entre forces sociales qui ont fini par se neutraliser dans le temps pour donner naissance à trois strates sociales qui se chevauchent sans s’harmoniser, dans les pays anciennement colonisés, la stratification sociale a été une fabrication chronosophique du colon.
De la sorte, pour éviter aux indigènes, classe inferieure par excellence, parce que colonisés, d’aspirer à la place de modèle, les colons ont fabriqué une classe moyenne dont l’apparence chromatique lui est sembable, mais capable de vivre dans les comptoirs les plus reculés, de s’accommoder aux modes de vie indigènes, de commercer voire de s’accoupler avec.
C’est ainsi que les syro-libanais (libanais dans le langage courant), bien que sujets français à ces époques là, ont été installés dans nos pays pour servir l’expansion coloniale, nous tenir distant de la classe supérieure et taire ainsi toute velléité indigène de prétention à la bourgoisie…
Pierre Hamet BA