« Il n’y a que vous qui sachiez si vous êtes lâche et cruel,
ou loyal et plein de dévotion : les autres ne vous voient
pas, ils vous devinent, (…) car ils voient moins votre
vraie nature que ce que vous en montrez. » Montaigne : Les Essais – III
Traduction en français moderne,
Volume 3
Depuis le 25 mars, il n’a de cesse de chercher le prétexte de s’opposer au courant de l’Etat-Bateau. Il est un persona dans la société du spectacle. Brillant, il impressionne par le luxe de l’érudition mais propose des théories souriantes. Ses projets et sa vision du monde sont autrement plus complexes. Il se veut méthodique, rigoureux, prospectif, soucieux de la moralité et du respect de ses engagements. Il serait, pour ainsi dire, marqué par le goût de la logique. Il donne l’impression d’aimer les règles, la symétrie, les démonstrations. Parfois superstitieux, il attache à des éléments accessoires une importance particulière d’où le tour souvent compliqué et paradoxal de ses entreprises. Jadis pressé, impatient, en retard, il a passé son temps à faire des plans. Conforté par une certaine morale et un prétendu souci de perfection, il se considère comme sérieux, responsable, consciencieux. Il dit aimer ce qui est droit et pur et prétend être en accord avec les lois. Sans se considérer comme supérieur, il s’affirme comme un champion de la normalité. A l’inverse, il considère les autres comme irresponsables, insouciants, légers. Ayant crainte que les tâches commandées ne soient pas bien exécutées, il surveille constamment ses proches et ses subordonnés. Ce regard de contremaître est aussi un regard curieux. Il veut être parfait dans tous les domaines : dans l’ordre matériel et professionnel où tout doit être rangé et achevé ; dans l’ordre moral où il faut suivre les préceptes ; dans l’ordre social où il faut respecter les convenances.
HISTRION. Il parle sans cesse de lui mais perd son identité. L’expression de ses affects est bruyante, labile, superficielle, mobile, abondante et confuse, fort dépendante des circonstances et des rencontres. Pleurs, rires, colères, embrassades, malédictions et réconciliations se succèdent avec rapidité dans ses relations. Souvent sympathique, parfois déroutant, volontiers égoïste, son style cognitif répond à l’urgence de la séduction. Il n’a guère le temps de penser, de réfléchir, d’aligner les arguments. Sa séduction plus ou moins efficace l’en dispense : en quelques phrases, sourires et formules coraniques, il a déjà convaincu ses interlocuteurs. Il use d’impressions subjectives, rapides, intuitives, ne signifie jamais le détail et ses projets demeurent dans des globalités entièrement floues.
NARCISSIQUE. Sa vision de lui-même est ambivalente. Il n’a de cesse de vanter ses mérites. Il ne se juge pas beau, mais il se trouve irrésistible, séducteur. Cette auto-hagiographie ambulante et ce rideau de croyances vantardes décèlent toutefois un doute douloureux et profond quant à de telles affirmations. La vision des autres est complémentaire pour lui. Cela induit des préoccupations du genre « sont-ils là pour m’admirer tels des amateurs d’art un soir de vernissage ? ».
Ande Pathio Rewmi. Né pour être président selon sa propre conviction, sa participation à Benno Bokk yakaar ne pouvait donc qu’être éphémère. Il n’a soutenu la coalition anti Wade que parce qu’il ne voulait pas se mettre à dos l’opinion. Il ne se représente l’intouchable que comme un usurpateur ayant au passage profané sa fameuse trilogie 4-4-44. Ses agissements au sein de la coalition présidentielle répondent donc à une urgence. A défaut d’être le 4e président, il croit fermement devoir en être le 5e. Ceux qui s’en émeuvent font semblant d’ignorer qu’il n’a jamais caché son ambition de gouverner le Sénégal ; Ou alors, ont été dupes de penser qu’il aurait mis fin à ses ambitions présidentielles. En prenant donc le contre-courant des yakaaristes, il sonne la fin de l’hypocrisie au cœur de l’Etat-Bateau et installe le pays dans ce qu’elle connait le mieux : une politique lancinante, sans fin, qui place la population à la périphérie des objectifs pour ne satisfaire que de villes monomanies subjectives. Et c’est bien en cela, fort malheureusement, qu’excelle le buddha de Thiès.
Pierre Hamet BA
22 Février 2013