« Pour être téméraire, il ne suffit pas d’être volontaire,
il faut encore être innocent jusqu’à l’ignorance. »
George Sand – 1853.
« Pour être téméraire, il ne suffit pas d’être volontaire,
il faut encore être innocent jusqu’à l’ignorance. » George Sand – 1853.
Ce jour-là, il était drapé d’un boubou blanc, « copati » en couronne, on aurait dit un ombrageux chef africain au sommet de sa gloire. Sa connaissance de la géopolitique africaine est, pour le moment, rudimentaire. Pris à l’hameçon français, « l’intouchable » amalgame terrorisme, islamisme, extrémisme, sécurité et droits de l’homme pour justifier l’enrôlement de notre armée au Mali. Conseillers, ministres, députés et proches collaborateurs qui auraient pu lui apporter la bonne formule se sont fourvoyés.
Mais à quoi lui servent donc les dinosaures socialistes et cette cohorte de conseillers, experts en tout, qu’on croyait disposer d’une assez bonne connaissance de la géopolitique sous-régionale ? Manifestement à pas grand-chose. Sinon comment expliquer que « l’intouchable » ait pu parler de tout sauf de l’essentiel ? La lutte contre le terrorisme qu’il croit servir en envoyant nos Diambars au Mali n’est qu’un leurre destiné à faciliter la réalisation de projets politiques de ses maîtres blancs. Son but est de légitimer le nouvel impérialisme. Que prétendaient faire les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France en bombardant l’Afghanistan et l’Irak ; la Chine en déployant des troupes au Xinjiang ; la Russie en rasant Grozny ; Israël en commettant des crimes de guerre ? Ils prétendaient tous lutter contre le terrorisme. Et nous ne connaissons que trop bien ce qu’il en a été des richesses de ces territoires envahis.
On nous tue, mais on ne nous déshonore pas. A ce titre, vous n’avez pas le droit de faire de nos Diambars des chiens de garde. Prenez donc votre courage à deux mains et rendez-vous bien compte que la guerre au Mali n’est à l’évidence qu’un prétexte pour justifier les exactions de puissances expansionnistes contre les populations Touareg qui menacent de faire sécession. Pour peu que vous fassiez tomber vos lunettes, vous verriez au loin qu’il s’agit là, d’une nouvelle tarte à la crème pour des Etats en panne économique. C’est moins le terrorisme que la haute portée géostratégique du territoire des Touaregs qui motive les colons des temps modernes. Vous le savez, ce territoire s’étendant du nord du Mali au massif de l’Aïr au Niger qu’occuperait un Etat Touareg est le lieu de projets euro-américains extrêmement stratégiques parmi lesquels l’ouverture d’une base américaine de lancement de drones pour renforcer celles qui existent déjà à Djibouti, en Ouganda et en Éthiopie aux côtés des flottes aériennes de surveillance basées en Mauritanie, au Burkina Faso et au Sud Soudan ; la réalisation du projet d’installation de panneaux solaires géants appelé DESERTEC d’un budget de 400 milliards d’euros qui doit fournir de l’électricité bon marché à l’Europe ; l’investissement par AREVA d’environ 1,5 milliards d’euros en vue de racler la deuxième plus grande mine d’uranium du monde récemment découverte à Imouraren etc.
Voilà qui met en exergue la face cachée de la guerre dans laquelle l’intouchable enrôle brutalement nos Diambars sans se soucier de l’opinion du peuple. Bien sûr le maître s’engage, les élèves lui emboîtent le pas. Mais cette guerre n’a rien d’un secours porté à la souveraineté du Mali. Elle est foncièrement motivée par un souci économique. Car, même si au Mali les Touareg revendiquent une région très pauvre et sans grande utilité économique ; au Niger par contre, se trouve au cœur de l’Aïr, à Arlit, la mine d’uranium souterraine la plus vaste du monde. 3.000 tonnes de minerai y sont produites chaque année et la capacité sera doublée en 2014. Gober alors que la France, premier exportateur d’énergie nucléaire au monde sans avoir d’uranium sur son sol, mène une croisade contre le terrorisme au Mali, relève de la pure naïveté.
Bien entendu nous sommes d’accord avec Yves Le Drian, ministre français de la Défense quand il soutient dans Libération que « la sécurité de l’Europe est en jeu au Mali […] ». Mais en vérité la sécurité européenne est en jeu, pas parce que des criminels coupent des mains et des pieds, détruisent des mausolées, fouettent des nègres qui ne sont « pas assez entrés dans l’histoire » (Sarkozy), mais parce que toute la géopolitique Sahélo-Saharienne est en reconfiguration. La France et ses chiens de garde vont alors en guerre comme si Berlin avait été un décret divin. Or, il convient de se rendre compte que le peuple Touareg, au Mali comme au Niger, repose sur le même socle culturel ; partage la même histoire, la même cosmogonie, le même imaginaire, les mêmes héros ; dispose d’une organisation politique ; parle la même langue, bref… tout ensemble caractéristique d’une Nation. Mais il ne dispose pas de sa destinée sur un territoire qu’il occupe de tout temps. C’est bien de cela qu’il s’agit : d’une question géostratégique qui pose avec une certaine acuité la problématique de l’intangibilité des frontières africaines et de la pertinence de la souveraineté que la première conférence des États indépendants d’Afrique noire s’est bornée à ériger comme principe inaliénable d’une morale internationale africaine.
Il ne suffit donc pas d’être innocent jusqu’à l’ignorance pour faire du terrorisme et de la rébellion Touareg quelque chose comme mouton et bouton ; il faut surtout être téméraire et volontariste. Envoyer nos Diambars au nom d’une « juste » guerre qui n’a de juste que les intérêts inavoués des grandes puissances économiques est indéfendable. Il vaut mieux alors se taire et continuer à faire comme si.
Pierre Hamet BA
24 Janvier 2013