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LE SOUCI DE SOI: l’obsession du trou

III. LA CHAMBRE NOIRE. C’est dans cet espace clos, à l’abri de toute lumière, où seul un tout petit trou s’ouvre au monde extérieur, que l’image éclairée de ce qui se passe au dehors vient se peindre sur la paroi intérieure. Cette approche métaphorique portant sur l’appareil photo permet de mieux rendre compte de la conception de l’opinion. Puisque, dans notre rapport au saint nous opérons une projection, nous manquons inéluctablement de vision holistique à l’image du photographe qui ne pointe son regard que sur son objectif. Voilà comment l’opinion s’assoit sur ceci, et sur ceci seulement pour en faire la vérité. Alors qu’en fait, en elle-même, cette opinion est une censure parce que le regard posé sur le sujet est, en quelque sorte, aveugle car ne voyant que ce qui, au fond, lui correspond, tout en manquant de porter attention au sujet en lui-même. On peut ainsi articuler métaphoriquement la pensée qui nait d’une telle projection comme faisant tache dans le discours logique. Peut-on d’ailleurs parler de discours logique quand ledit discours est fondé sur l’imaginaire d’une certaine configuration affective dont on devine le sujet ?

« Il n’y a que vous qui sachiez si vous êtes lâche, cruel ou dévotieux. Les autres ne vous voient point, ils vous devinent par conjecture incertaine » (Montaigne). Du Politique, n’est dès lors vrai que la fabrication de notre esprit. Cette image de saint devenue publique n’est en définitive qu’une représentation, une manifestation de la façon dont nous le devinons sans toutefois être au-dedans. Or, le dedans, à l’origine de la définition du Moi freudien, est capital pour éviter la confusion entre ce que nous pensons être et ce qui est. D’ailleurs Freud lui-même articule le dedans comme l’autre pendant du dehors. Quelque chose est alors soustraite de l’image qui se donne du politique. Et, il ne peut s’agir de rien d’autre si ce n’est cette tache qui, en dehors de toute sainteté, fait du politique un humain.

La tache ici, c’est ce qui se manifeste comme un trou. C’est-à-dire, une absence mais aussi en tant que le trou est par excellence la manifestation suprême de la vie. C’est une chose certaine, tout commence par un trou. Le considérer alors comme un élément essentiel et structurant dans l’appréhension de l’être du politique, de la même manière que le trou de la chambre noire permet de capturer une image, est fondamental. L’on ne peut nier qu’à plusieurs égards, l’image de saint dans notre société a beaucoup à avoir avec le rapport entretenu avec ce tout petit trou sans lequel rien n’est. Suivant l’attitude qu’on adopte à l’égard du trou, on produira toujours dans la chambre noire une image à l’opposé du trou si tant est qu’on est sous les feux de la rampe. Il semble alors que dans notre rapport au saint on n’appréhende le monde que du côté où est tourné le trou, ce qui est au-dehors se traduisant que comme image au-dedans. Ce qui implique que, devant l’infinité de l’univers des possibles, tout ce qui est au dehors puisse en principe prendre place à l’intérieur de la chambre. Il est pourtant manifeste que, si les petits trous se multipliaient, il n’y aurait plus nulle part aucune image.

Voilà comment le champ de la vision s’insère dans le désir et se manifeste non plus comme un prisme mais comme un manque plus radical, plus essentiel dans notre opinion du politique en tant qu’être sexué. Ce truchement par le champ de la vision, est le principe même de la tache car tout désir naît d’une contemplation qui, elle-même, a pour objet le trou grâce auquel le politique définit son appartenance sexuelle.

Quoiqu’on puisse alors dire de la sainteté du politique, il est tout simplement à retenir qu’un tel discours ne peut avoir aucune valeur tangible. Il est seulement regrettable et tout à fait ahurissant en définitive que l’image éclairée du dehors, par ce tout petit trou de la chambre noire de notre conscience, vienne à être le soubassement, à ce moment précis notre histoire contemporaine, d’un discours jouissant d’une telle prévalence au sein de l’opinion. En ne se prononçant pas sur cette histoire par peur d’invectives, nous ne pourrons donc réfuter cette projection faite pour soutenir cette idée de la représentation. Or, c’est bien de cette projection par le petit trou qui donne un tel avantage à la représentation que consiste, en fin de compte, le nœud secret de toute cette histoire.

Pierre Hamet BA, Le Souci de Soi, In Pensées inachevées. Ed. Premier, 2022.

Une réponse sur « LE SOUCI DE SOI: l’obsession du trou »

Ne cherche pas la clé de la porte; elle est pourtant ouverte.
La fable de la Fontaine: Le loup et l’agneau…la raison du plus « fort » est toujours la meilleure…
Cette fable n’est plus d’actualité.
Pour cette personne dont tu veux taire le nom, les médecins spécialistes du domaine ont tranché.
Tu peux toujours continuer à « faire voyager ton imagination ».
Mais…

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