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PHILOSOPHES SÉNÉGALAIS, RÉVÉLEZ-VOUS

Les problématiques que nous pouvons soumettre à la réflexion font légion depuis que le Sénégal est entré en guerre (pour reprendre le terme du chef de l’Etat) contre le coronavirus. Il ne s’agit pas seulement de questions politiques, sociales et économiques qui sont brièvement traitées sur les plateaux de télévisions nationales et rapidement évacuées au gré des faits divers et autres scandales à connotations sexuelles. L’entreprise de pensée que nous impose cette crise est plutôt une démarche hautement philosophique qui pose à nouveau, avec une certaine acuité, des questions qui ont, de part en part, traversé toute l’histoire de la philosophie. Qui sommes-nous ? Que voulons-nous ? Où allons-nous ?

Nous ne pouvons trouver de réponses cohérentes et satisfaisantes à ce triptyque ontologique que sous le prisme d’une pensée locale et historicisée plutôt que globale et universelle voire, universalisante. Car, le rêve de l’universalité notamment en ce qui concerne la nature humaine, les droits et les catégories de pensée est entrain de s’effondrer comme un château de cartes. Les hommes naissent libres et égaux mais, à la seconde qui suit, ils ne le sont plus. Suffisant pour battre en brèche toute la réflexion qui a porté sur l’universalité du genre humain. En ne posant que la question qu’est-ce que l’homme, la dite réflexion a manqué d’objet réel puisque se ghettoïsant dans la théorie pure. Il ne saurait donc y avoir de dénominateur commun quand à la réponse à cette question. Et, sans dénominateur commun comment oser penser l’universalité de l’homme. Sauf à prendre donc ses désirs pour la réalité, la question devrait plutôt se poser en ces termes : qu’est-ce qui fait que l’homme est homme?

Du cogito cartésien à la perception heideggérienne, de l’existentialisme sartrien à l’hétérotopie foucaldienne, l’homme ne peut se percevoir qu’en tant qu’expérience. C’est un étant comme le dit si bien Patočka. C’est l’expérience que nous sommes qui se voile en ne se jouant qu’au présent qui est la temporalité propre à son mouvement. La crise sanitaire actuelle est donc une occasion inédite pour questionner notre mouvement dans le temps présent. Les philosophes et autres penseurs sénégalais doivent donc se joindre à la bataille en tentant de comprendre et d’expliquer pourquoi par exemple les décisions prises pour le bien-être de la population semble plus l’irriter plutôt qu’elle ne la rassure. Les protestations qui ont cours depuis hier, sont-elles le fruit d’un mécontentement passager ou plus profondément est-ce l’expression dune césure entre gouvernants et gouvernés, ces derniers ne se sentant plus représenter par les premiers cités.

Philosophes du Sénégal, venez donc jouer votre rôle qui est la pointe extrême de toute lutte extrinsèque qui nous offre l’occasion de saisir ce qu’est la lutte au sens le plus profond: c’est-à-dire l’exposition à un péril absolu où tout est menacé et est rendu à sa problématicité originaire. Dans la lutte, le sol se dérobe sous nos pieds et l’abîme croît, le tout de l’étant devenant une question, toujours suspendue et toujours à reprendre. Le penseur et l’acteur se rejoignent ainsi dans un sacrifice de soi qui n’attend rien en retour, si ce n’est la possible ouverture à un « plus haut ».

Pierre Hamet BA.

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