Catégories
Mon Journal

Pourquoi les cas communautaires risquent de nous décimer ?

Le communiqué du ministre de la santé révélant hier qu’un des cas positifs du 21 mars a été contaminé par le 3e cas du 11 mars nous renseigne sur une donnée essentielle pour calculer la courbe dynamique du coronavirus au Sénégal.

Nous pouvons dès lors établir une formule mathématique qui nous permet de comprendre la dynamique du virus et de prévoir le nombre de personnes qui seront infectées sur une periode donnée (x).

Calculons d’abord l’INDICE de la pandémie au Sénégal en divisant le nombre de cas connus (je dis bien connu car dans ce pays on ignore trop souvent de quoi les gens meurent) par la population totale du pays estimée par la direction de la statistique à 16.209.125 en 2019;

Ensuite calculons la PREVALENCE en divisant le nombre de nouveaux cas connus par la population totale et multiplions le résultat par 100 pour le traduire en pourcentage;

soit X le temps et soit Xo le temps où s’arrête la croissance exponentielle c’est-à-dire la limite de croissance exponentielle;

soit L la valeur maximale pouvant être atteinte;

Soit K le facteur multiplicateur qui indique la pente de la courbe;

Et enfin

Soit E le nombre d’Euler ou constante de Néper (2,71828) base des logarithmes naturels;

On peut facilement calculer la dynamique du coronavirus au Sénégal en posant l’équation suivante:

F(x)= L sur 1+E puissance -K(X – Xo)

Je vous laisse poser l’équation dynamique de la pandémie au Sénégal et tracer sa courbe logistique. Le résultat que je n’ose même pas énoncer ici, donc vraisemblablement effarant, devrait vous encourager à rester chez vous et décider le Président de la République à décréter l’Etat d’Urgence.

A vos carnets.

NB: Il ne s’agit là que d’une approche mathématique parmi tant d’autres. J’en ai utilisé 3 différentes et les résultats sont sensiblement les mêmes.

PHB.

Catégories
Mon Journal

Macky SALL: Nous Sommes Têtus.

Mr le President de la République, décrétez plutôt l’état d’urgence et coordonnez les mesures avant que ce ne deviennent un pêle-mêle de decisions qui se chevauchent sans s’harmoniser…

Plus de premier ministre, alors il vous revient la charge d’aller au devant de la scène comme un vrai commandant en chef et de mener les troupes à la guerre.

Il ne s’agit pas seulement de contenir la propagation du virus, d’identifier et de soigner les personnes infectées, mais tout aussi il s’agit de se préparer à une crise alimentaire dans les trois prochaines semaines.

Les denrées de première nécessité vont se raréfier et nous assisterons à une flambée des prix sans précédent historique.

Vous le disiez si bien. Si nous n’avons pas les moyens de rapatrier 13 étudiants de wuhan, avons-nous alors les moyens d’affronter les mêmes situations qu’en Chine et en Italie?

Mettez donc le pays à l’arrêt total. Stoppez les transports publics; fermez tous les lieux publics; utilisez les moyens du commissariat à la sécurité alimentaire et anticipez la crise alimentaire par une sorte de péréquation.

Demandez à la gendarmerie et aux sapeurs pompiers de mettre en branle les stratégies de défense d’urgence pour lesquelles ils ont subi un entraînement pointu. Une partie du plan ORSEC pourrait tout aussi servir.

Réquisitionnez les productions locales de savons, gels antiseptiques et généralement tout produit détergents et distribuez les gratuitement à toute la population sénégalaise jusque dans les moindres recoins du pays.

Demandez à toute la presse de produire un bulletin d’information quotidien sur la pandemie; aux sociétés de télécommunication et aux centres d’appel, vous demanderez l’envoi quotidien de messages d’information audio à tous leurs abonnés, aux radios et chaînes de télévision vous demanderez 4 heures de temps d’antenne par jour consacrées à la pandémie, à la citoyenneté et au civisme.

Mettez donc en place une veritable stratégie de riposte et de grâce demandez à vos collaborateurs d’arrêter cette arithmétique diabolique qui se satisfait d’un décompte à la limite macabre.

La situation est complexe et en tant que professionnel des systèmes complexes, cela me parait plus utile et plus cohérent que cette sorte téléthon folklorique.

On gouverne avec des outils. Utilisez plutôt les outils et les pouvoirs qui vous sont conférés par la constitution. Il vous faut commencer à manager cette crise plutôt que de la subir. A population têtue, mesure drastique.

Soyez sans complaisance.

Bon courage.

PHB.

Catégories
Mon Journal

Femmes kamikazes de Boko Haram : signe de déclin ?

Selon un Rapport de l’United States Military Academy, publié en août 2017, étudiant tous les attentats suicides de Boko Haram d’avril 2011 à juin 2017, 53% des attaques à la bombe humaine sont perpétrées par des femmes.  D’aucuns diront que ce recours intensif aux femmes Kamikazes est le signe du déclin de Boko Haram, mais qu’un est-il réellement ?

Pourquoi Boko Haram utilise-t-il les femmes ?

Les données analysées par les chercheurs (Jason Warner et Hilary Matfess) sur la période d’avril 2011 à juin 2017, ont montré, sur l’intervalle temps étudié, que les femmes constituent 53% des kamikazes alors que 81 candidats sont clairement identifiés comme étant des enfants ou des adolescents.

D’un point de vue idéologique, la violence reste, en principe, l’apanage des hommes malgré le fait que certains membres influents du clergé musulman avancent des arguments ambivalents selon lesquels, les femmes peuvent participer sur le plan opérationnel au jihad, à certaines conditions. Ainsi, son extension à la sphère féminine marque une rupture doctrinaire fondamentale. En effet, la mobilisation de plus en plus fréquente des femmes, va à l’encontre de la doctrine selon laquelle, la femme ne se bat pas et on ne se bat pas contre une femme. Le recours à la femme est souvent perçu comme un aveu de faiblesse. Cependant, conscient du fait qu’ils sont incapables de faire face au fort déploiement des armées Camerounaises, Tchadiennes, Nigériennes et Nigérianes dans le grand Nord Cameroun et dans le bassin du Lac Tchad, les membres de Boko Haram ont décidé de changer de tactique en recourant aux attentats-suicides. Et pour ce faire, l’instrumentalisation des femmes/filles s’avère une arme redoutable pour deux raisons.

Sur le plan opérationnel, les femmes ont une facilité de dissimulation et de mouvement par rapport aux hommes. Elles présentent un avantage tactique certain, en ce sens qu’elles ont un accès facile à leurs cibles et sont en mesure de mener une attaque furtive avec un effet de surprise désarmant. Par ailleurs, les stéréotypes liés à leur perception dans la société (par exemple sexe faible, non violence) font que les forces de l’ordre hésitent à les poursuivre et baissent leur vigilance.

Sur le plan médiatique, elles représentent un puissant vecteur de propagande terroriste. L’utilisation des femmes/filles vise, d’une part, à amplifier la peur (effet psychologique), puisque le choc est démultiplié quand ce sont les femmes qui sont impliquées dans ce genre d’attentats. Et d’autre part, la présence des femmes sur un terrain normalement réservé aux hommes peut inciter de nouvelles recrues-hommes, touchés dans leur égo, à s’engager. Sans oublier que c’est un moyen efficace pour renouveler son recrutement.Enfin, étant donné que les femmes incarnent les premiers vecteurs de transmission culturelle et idéologique en tant que génitrice, plus elles sont engagées idéologiquement plus, le projet extrémiste porte ses fruits.

Pourquoi ces femmes/filles se font exploser ?

A l’observation des profils des femmes kamikazes, il en ressort qu’elles sont très jeunes, issues du milieu rural et très peu instruites. En général, ce sont les femmes, filles de combattants ou celles qui sont enlevées par le groupe. Cependant, une catégorisation en deux groupes basés sur un critère d’engagement forcé ou libre doit être opérée.

D’un côté, les femmes /filles forcées à s’engager dans les attentats sont constituées des récalcitrantes, des infidèles, des femmes qui refusent de contracter un mariage forcé, des femmes sur le point de quitter le groupe, des femmes souffrant de déficience mentale, etc. En gros, il s’agit des éléments perturbateurs nuisibles à tout développement du projet extrémiste. Toutefois, on y trouve également certaines qui sont données par leur famille, dans un contexte où toute la famille a rejoint Boko Haram : le père, la mère, etc. Les enfants sont donc, destinés à commettre des attentats. Dans ce cas, les fillettes n’ont pas conscience de ce qu’on leur demande de faire. Parmi elles, on retrouve sûrement certaines qui ont été enlevées, dont on a perdu la trace et qui ont été mariées de force à des combattants de la secte islamiste.

De l’autre, on trouve des femmes engagées volontairement qui sont constituées de veuves, orphelines, celles qui sont engagées volontairement pour la cause du djihad. Les femmes qui s’engagent volontairement peuvent le faire pour des raisons objectives ou subjectives.

Objectivement, elles contribuent par leurs actions à l’atteinte des objectifs du groupe (le djihad contre l’école occidentale, l’élite corrompu du Nigéria, la création d’une société islamiste basée sur leur interprétation du Coran, etc.) et à la réalisation du projet extrémiste. D’autres raisons objectives telles que la pauvreté et la polygamie qui conduisent à beaucoup d’enfants dont les parents ne peuvent s’occuper, facilitent le recrutement au sein du groupe. En outre, le malaise des femmes exclues, marginalisées, non- reconnues, les expose à la radicalisation. Une radicalisation qui est le résultat d’un processus psychologique (un sentiment victimaire de non-reconnaissance, voire de préjudice) et d’une logique idéologique, à fondement identitaire et communautariste.

Subjectivement, elles visent la vengeance personnelle d’un père, d’un frère, d’un mari ou d’un membre de la famille. Ces attentats sont perpétrés par les femmes qui le font par conviction de tuer les ennemis, comme le font leurs homologues masculins. Elles souhaitent aussi, par cet acte accéder au rang de martyr de la foi.

Conclusion

Contrairement aux apparences, la tendance de Boko Haram à l’utilisation des femmes comme bombe humaine s’inscrit plutôt dans une logique tactique dans une guerre de plus en plus asymétrique. Et il n’est pas le seul d’ailleurs à avoir changé de fusil d’épaule, puisque Daech a eu recours récemment à la même tactique même si c’est en rupture avec certains de leurs principes. Cela prouve une seule chose : l’idéologie islamiste extrémiste avancée comme une noble cause n’est qu’un paravent pour ces groupes qui cherchent avant tout à survire. Et pour cela tous les moyens sont bons.

Catégories
Mon Journal

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ENFREINT LA LOI

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » La Fontaine – Les animaux malades de la peste.

 

En matière électorale au Sénégal, les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Il revient pour ainsi dire à ce petit royaume de sentiments, sept personnes minutieusement choisies par les soins du Président de la République et de son affidé, la lourde charge de préserver l’Intégrité Electorale. C’est-à-dire la possibilité pour l’électeur Sénégalais de participer à des élections honnêtes. Dès le départ on sent donc qu’il y a bien quelque chose qui ne va pas. Mais avant tout, parlons précisément d’intégrité électorale.

 

INTEGRITE ELECTORALE. La notion alimente le débat scientifique dans le monde de la pensée politique. Aux Nations Unies en 2012, elle a fait l’objet d’un rapport de la Commission Mondiale sur les Elections, la Démocratie et la Sécurité. Dans ses acceptions les plus courantes, l’intégrité électorale correspond à « l’incorruptibilité ou une adhésion stricte à un code de valeurs morales » ; à « l’état de ce qui est sain, [et] qui n’a subi aucune altération » ; à « l’état de ce qui est complet, [et] qui a toutes ses parties ». Mais la définition la plus efficiente à mon sens est celle des auteurs du rapport précité selon qui l’intégrité électorale représente « toute élection reposant sur les principes démocratiques de suffrage universel et d’égalité politique tels qu’ils figurent dans les normes et accords internationaux, et menée de façon professionnelle, impartiale et transparente dans sa préparation et dans sa gestion, tout au long du cycle électoral ». On peut dès lors légitimement nous demander si le Sénégal s’achemine vers des élections intègres au sens où la rigueur et les pratiques éthiques sont appliquées tout au long du processus électoral, et pas uniquement le jour du scrutin ?

 

Que Non ! Au moins pour quatre raisons.

 

SCRUTINS IRREGULIERS. Constatons en premier lieu que d’innombrables irrégularités de nature à influer sur l’issue du vote ont entaché toutes les élections organisées par le régime en place. D’abord, peu de temps avant les élections municipales du 29 juin 2014, le régime met précipitamment en place l’acte III de la décentralisation, réorganisant ainsi les territoires de manière à en tirer un profit électorale. La Loi N° 2010-11 du 28 mai 2010 instituant la parité absolue Homme-Femme dans les instances électives et semi-électives a été mise à rude épreuve et a fini par être transgressée. A Podor, nous assistons à un feuilleton juridico-politique tant le régime en place veut passer en force pour permettre à son principal allié, le Parti Socialiste, de se défaire de la dissidence grandissante en son sein. Dans son rapport Final sur l’observation desdites élections, la RADDHO pointe des irrégularités dans 2404 bureaux de vote à travers le pays.

Ensuite à quelques encablures des élections législatives, le régime décide de changer, sans aucune nécessité apparente, les cartes d’électeur. Leur délivrance cahoteuse n’a pas encore permis à tous les inscrits sur les listes électorales d’entrer en possession de leur carte d’électeur qui fait désormais office de pièce d’identité. La presse sénégalaise a fait plusieurs fois état de lots de cartes d’électeurs ensevelis ou retrouvés dans des décharges publiques. Dans certains cas, si ce n’est une photo attribuée à une identité qui ne la correspond pas, la même identité s’est retrouvée sur plusieurs cartes d’électeurs. Et dans d’autres, des lieux de vote physiquement inexistants sont inscrits sur des cartes d’électeur. Certains électeurs ont été arbitrairement effacés du fichier électoral ; et pour d’autres, le lieu de vote a été changé sans qu’ils n’en soient auparavant informés. Quand au fichier électoral, le régime le tient en cachette ne permettant pas ainsi à une large frange de l’opposition de pouvoir l’auditer pour attester de l’authenticité et de la véracité de son contenu. A trois jours des élections législatives de 2017, le Conseil Constitutionnel s’arroge le droit de réviser le code électoral du Sénégal et décide de fait que les récépissés d’inscription sur les listes électorales pouvaient valoir de carte d’électeur, ouvrant ainsi la voie à une possibilité de fraude massive.

De tout ce qui précède, sans parler des villes visiblement acquises à l’opposition où l’on a pratiquement pas pu voter le 30 juillet 2017, et d’autres localités où le déroulement du scrutin a été on ne peut plus biscornu, nous pouvons à juste raison douter de la capacité du régime à organiser des élections intègres. Ce, d’autant plus que les irrégularités que dessus persistent toujours et aucune solution ne semble avoir été trouvée pour y remédier.

 

JUSTICE POLITIQUE ? Ensuite, de récentes affaires accréditent l’idée d’une justice au solde du pouvoir qui serait très encline à transir l’opposition. La traque des biens supposés mal acquis, présentée comme une demande sociale, a fini par faire plus de victimes que de coupables. Des vingt cinq personnalités citées par le procureur près la CREI en novembre 2012, quatre seulement ont été poursuivies. Pis, l’avocat d’un des principaux coaccusés est nommé ministre de la justice alors que l’affaire était encore en cours d’instruction. Un avocat de la défense qui devient concomitamment patron de la partie civile, le fait est inédit. Il s’en est suivi en plein procès la défénestration du procureur et la démission d’un assesseur. L’ironie atteint son comble quand, dans la nuit du 24 juin 2016, Karim Wade, condamné le 23 mars 2015, est extrait de prison et précipité hors du territoire sans aucune autre décision de justice et dans des conditions qui nous sont encore tout à fait inconnues.

La journaliste Ouleye Mané, l’activiste Guy Marius Sagna, l’artiste Ami Collé Dieng ; les membres du comité directeur du PDS : Samuel Sarr (ex), Me El hadj Amadou Sall, Toussaint Manga, Oumar Sarr, Bara Gaye, ne sont pas en reste. Ils ont tous été poursuivis soit pour des délits d’opinion, soit sur la base de l’article 80 du code pénal sénégalais, entendez offense faite aux institutions et notamment au Chef de l’Etat. A tort ou à raison, la justice Sénégalaise semble donc de plus en plus servir une cause politique, celle du Chef de l’Etat.

 

VIOLATION DU DROIT INTERNATIONAL. En troisième lieu, le Sénégal a foulé au pied toutes les conventions sous régionales et internationales qu’il a ratifiées. D’abord notre justice refuse d’appliquer les décisions rendues par la cour de justice de la CEDEAO dans les affaires Karim Wade et Khalifa Sall. Puis, elle conteste le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies dont le Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire, en la date du 20 avril 2015, déclare arbitraire la détention de Karim Wade. Comme si cela ne suffisait pas, le Sénégal va plus loin dans la violation du droit international en désavouant une nouvelle fois le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies qui, le 24 octobre 2018, annule tout bonnement l’arrêt de la CREI en intimant à nos autorités judiciaires une procédure de révision effective et substantielle de la déclaration de culpabilité de Karim Wade, conformément aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques.

Tout se passe alors comme si, du Droit et de la Justice, le Sénégal n’en a cure. Ces multiples violations du droit international mettent à nu une motivation inavouée d’écarter deux candidats qui auraient pu remporter les prochaines élections présidentielles ou tout au moins, mener à un second tour, synonyme de couperet pour le président sortant. Il devient donc ici, tout aussi fort aisé que précédemment, de constater que le processus en cours, en excluant deux représentants légitimes d’une bonne partie de l’électorat sénégalais, ne garantit pas une intégrité électorale. A coup sûr et après la disqualification de vingt candidats sur vingt sept, toutes les parties assez représentatives des aspirations du peuple sénégalais ne participeront pas aux prochaines joutes électorales de 2019, si elles venaient à se tenir. Ce n’est pas juste.

 

ET, LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL VIOLE LA LOI. En quatrième lieu, et c’est le fait le plus grave, le parrainage, érigé en condition sine-qua-non de recevabilité des candidatures aux différentes élections, est, dans son application, illégal. D’une part, la Loi qui le consacre n’a pas fait l’objet de rationalité communicationnelle au sens où l’entend Jürgen Habermas lorsqu’il concilie les approches de Condorcet (logique mécanique) et de Montesquieu (vertu politique) soutenant qu’en démocratie la légalité du droit, pour être légitime, doit faire l’objet de discussions argumentées entre citoyens qui se considèrent mutuellement responsables. Or, dans le cas du vote de ladite Loi instituant le parrainage, il s’est plutôt agit d’absolutisme puisque plusieurs leaders politiques ont été arrêtés par la police le jour même des débats et, les députés de l’opposition ont fini par quitter l’hémicycle, ne prenant pas ainsi part au vote.

D’autre part, nous avons tous été en émoi d’apprendre le 10 décembre 2018 qu’un prétendant à la magistrature suprême a été arrêté pour acte de vandalisme après avoir déchiré une liste établie au conseil constitutionnel plaçant le Président de la République en pôle position pour le dépôt des dossiers de candidature. On dirait un jeu d’enfants mais ça ne l’est point. Car la Loi N° 2018-22 du 04 Juillet 2018 portant révision du code électoral emporte avec elle une tare qui tient au concept de double emploi ou doublon. L’article L.57 du nouveau code électoral stipule en effet qu’un électeur ne peut parrainer qu’un seul candidat ou qu’une seule coalition. Et, dans le cas où le même électeur parraine plusieurs candidats ou coalition, son parrainage ne sera valide que pour la première liste contrôlée selon l’ordre de dépôt. Il ne peut donc y avoir doublon que si une première liste est prise comme référence. Or mathématiquement, le juge constitutionnel ne peut opérer en pareil cas qu’en violation flagrante d’un principe fondamental du Droit à savoir l’égalité des citoyens devant la Loi. On s’en rend bien compte. Le deuxième candidat dans l’ordre de dépôt est désavantagé par rapport au premier, le troisième par rapport aux deux premiers et ainsi de suite jusqu’au 27e, dans le cas présent, qui a été 26 fois désavantagé.

Si l’on se situe en pénologie, la question de savoir la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel punit vingt candidats en les disqualifiant pour des délits commis par des tiers se pose tout aussi avec une certaine acuité. La Loi est bien concise à ce propos. L’électeur qui parraine plusieurs candidats encourt une amende et une peine de prison. En invalidant donc toutes ces candidatures, le conseil constitutionnel, d’une certaine manière, condamne des innocents à la place de coupables qui ont effectivement enfreint la Loi et qui ne sont pour le moment ni poursuivis ni condamnés. Quand le juge constitutionnel se base pour ainsi dire sur le simple fait du hasard doublé du vice de l’agencement des candidats sur la liste de dépôt des dossiers à son greffe, il commet en soi un favoritisme, et donc une violation de l’égalité des citoyens devant la Loi. Alors qu’il n’y a en l’espèce aucun fondement légal qui permet de se baser sur une quelconque liste de parrainage, serait-ce celle du Président de la République, pour invalider d’autres candidatures. Il est à préciser ici que, quand bien même le conseil constitutionnel a fondé son action sur une Loi votée et promulguée, il ne pourrait s’en dédouaner puisque la constitution lui confère le rôle de connaitre de la constitutionnalité des lois.

La déclaration universelle des droits de l’homme qui tient en préambule dans la constitution sénégalaise n’est pas un effet de décoration. Bien au contraire, elle incarne à elle seule une Loi supranationale puisqu’énonçant des droits naturels. Et c’est précisément de mon droit naturel, que tout Citoyen peut participer à la formation des lois et juger de leur bien-fondé, que j’use ici. Il aurait été plus juste que le double emploi annule tout bonnement le parrainage pour tous les candidats concernés. Mais en ne procédant pas de la sorte, le juge constitutionnel commet une faute professionnelle lourde et donc grave, voire un déni de justice constituant à tout manquement de l’Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l’individu.

A tout point de vue, l’application de cette Loi viole donc le principe de droit le plus élémentaire et le plus fondamental inscrit à l’article 6 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen, partie intégrante de notre constitution. On peut dès lors avouer que le Conseil constitutionnel a violé la Loi dont il est censé veiller au respect et à l’application rigoureuse. A cela vient s’ajouter la délivrance de procès verbaux (PV) aux candidats alors que l’article 24 de la Loi organique N° 2016-23 du 14 juillet 2016 stipule précisément que : « le conseil constitutionnel rend, en toute matière, des décisions motivées ». La messe est dite : les PV délivrés par le conseil constitutionnel ne se fondent sur aucune base légale. Ils n’ont de ce fait aucune valeur juridique.

 

LE REGIME EST TETU. Tout ce qui précède porte à croire que ce régime nous impose un rapport de force. De fait, il a fini de perdre la confiance du peuple quand à sa capacité d’organiser des élections intègres. Or, selon Koffi Annan, lui-même s’exprimant sur l’intégrité électorale, « le succès d’une élection se mesure à l’aune de la confiance que son déroulement et son résultat inspirent à l’opinion. Lorsqu’un scrutin est régulier et transparent, qu’il est organisé dans le respect des droits fondamentaux et avec l’appui actif et impartial des institutions d’État, et que les participants (dirigeants, candidats ou électeurs) y font preuve de responsabilité, il y a de grandes chances que son issue soit pacifique et acceptée par tous ». On voit donc bien pointer ici les graves risques que court le Sénégal. Car, et nous venons de le voir, le processus électoral en cours et les agissements de ses différents responsables sont aux antipodes de cette assertion. En agissant ainsi, le régime tourne le dos à la démocratie lui préférant l’autoritarisme. Le rendez-vous auquel nous sommes conviés le 24 février prochain ne sera qu’un simulacre destiné à parer un régime absolutiste d’attributs démocratiques. Dès lors il ne nous reste qu’une issue : être ou ne pas être à la hauteur.

Afin de nous assurer que l’intégrité électorale des prochaines joutes ne souffre d’aucun doute, tout Sénégalais épris de justice, soucieux de la paix et de la stabilité de notre pays, préoccupé par le futur de nos enfants et de notre jeunesse, a le devoir historique de s’insurger jusqu’à son dernier souffle contre l’injustice dont nous faisons tous l’objet et, de réclamer la réhabilitation des droits civils et politiques de Khalifa Sall et de Karim Wade ; l’annulation du parrainage, le report des élections, la révision du processus électoral et sa charge confiée à une institution indépendante faisant l’objet du plus large consensus possible ; la participation aux prochaines élections de tout Sénégalais âgé d’au moins trente Cinq ans pouvant s’acquitter de la caution et jouissant de ses droits civils et politiques.

Ce n’est pas un appel au soulèvement, loin de moi cette idée, mais une invite à la préservation de nos acquis démocratiques, de la paix et de la stabilité de notre pays. Car, «Lorsqu’une longue suite d’abus et d’usurpations (…) marque le dessein de soumettre [les citoyens] au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future ». Si nous refusons un tel sacrifice nous risquons sous très peu de voir l’étincelle mettre le feu à la poudre. Toutefois, nous pouvons nous éviter une si grande fatalité rien qu’en utilisant à bon escient le levier de l’intégrité électorale.

 

Pierre Hamet BA

Catégories
Mon Journal

Grain de Sel : Pierre Hamet BA répond à Ismaïla Madior FALL

« Un homme vient de briser la Constitution, il déchire le serment qu’il avait prêté au peuple, supprime la loi, étouffe le droit, (…) trahit la République ». Victor Hugo, Proclamation à l’armée (3 décembre 1851.)

 

Professeur Ismaïla Madior Fall, votre réponse au Professeur Serigne Diop, parue dans la presse de ce Mardi 23 Février 2016, m’a interpellée à plus d’un titre. D’abord, votre réflexion semble empreinte de contradictions internes. Ensuite, vous jetez hors du débat portant sur la « réforme » de la Constitution toutes les personnes dont la formation a porté sur autre chose que le Droit constitutionnel. Et enfin, votre raisonnement tendant à exclure les citoyens du débat constitutionnel est une attitude déconsolidante qui suggère que, dans notre pays, la démocratie est un système dans lequel les citoyens sont des spectateurs et non des acteurs. Nous n’aurions donc que le droit d’aller jeter un bulletin dans l’urne, de choisir quelqu’un dans la classe des « politiciens » pour nous diriger, puis de retourner chez nous, consommer, regarder la télé mais surtout ne pas déranger : c’est la démocratie.

 

EXCLUSION. Vous n’avez estimé devoir vous adresser à l’opinion que parce qu’un spécialiste de vos grade et rang académiques, en l’occurrence le Pr. Serigne Diop, a donné un avis que vous ne partagez pas. Ce qui témoigne d’un mépris à l’égard de la population sénégalaise et vous place dans une position dogmatique puisque vous imposez vos vues au peuple sans lui reconnaitre la capacité d’appréhender celles-ci : vous semblez ainsi être le dieu de la Constitution. Mais de quel Droit et de quelle Justice tient ce discours absolutiste ?

 

DROIT DIVIN ? L’idée d’une construction juridique absolue, immuable, rigide et valable en tout temps et en toute circonstance a toutes les chances d’être un dogme. Parce qu’elle fige la Constitution en même temps qu’elle fossilise la nature humaine et suggère que l’homosenegalensis  ne peut, dans le déroulement du duo-pôle espace-temps, évoluer et transformer son environnement. Or, il est difficile de croire que le Sénégalais a un contenu statique. Si alors la Constitution doit être considérée comme une vérité immuable, alors que l’idée de ce qui est conforme à la Constitution peut changer d’âge en âge, alors il faut s’attendre à ce que, un âge ou un autre, la Constitution ait tort. Et c’est précisément ce qui se passe en ce moment : en 2001, le Sénégalais voulaient un mandat de 7 ans ; en 2012, un mandat de 5 ans. Il n’y a donc pas de raison que la Loi instituée par le peuple, ne puisse satisfaire aux exigences du peuple. Ce serait figer le peuple dans le temps. Puisqu’aucune époque passée n’a eu tout à fait l’idée de la Constitution qui prévaut aujourd’hui, il devrait s’ensuivre ou bien que nous ayons tort dans tous nos jugements, ou bien que toutes les époques passées se soient trompées. Evidemment, cette dernière hypothèse va dans le sens d’une croyance qui implique que toutes les époques passées s’efforçaient de devenir ce que nous sommes. Pourtant, il est vraiment difficile de prétendre que les gens du passé se trompaient quand ils vivaient leur vie comme nous vivons maintenant la nôtre ? Si d’un autre côté, nous admettons que la Constitution est relative et qu’elle change avec le temps, alors, nous pouvons considérer que chaque époque a raison en son temps et à sa manière.

 

LE DROIT, CE SONT AUSSI DES MOTS. Je ne suis pour ma part ni juriste, ni constitutionnaliste. Mais je sais tout de même qu’une « ordonnance » est, dans le vocabulaire courant, les prescriptions faites par un médecin. Une ordonnance juridique est un acte fait par le gouvernement ayant valeur de loi, si l’on se situe en Droit constitutionnel ; mais est également une décision prise par un juge unique en Droit privé. C’est certainement outrecuidant, me direz-vous, que de jeter mon grain de sel dans ce débat d’initiés. Mais n’est-ce pas prétentieux et paradoxal que de demander au citoyen, dont la Constitution régente l’existence, de n’avoir mot à en dire et, de vous laisser le soin de définir ce qui est bien pour lui ; tout simplement parce que le langage du Droit lui serait inaccessible ? N’est-il pas condescendant et très commode de s’embastiller de la sorte dans le langage du Droit pour museler le peuple sur une question aussi importante que la Charte Fondamentale ?

 

ETRANGE. La langue française n’a produit qu’un peu plus de dix mille mots auxquels le Droit a donné un ou plusieurs sens juridiques. Et, il y a environ 400 mots qui n’ont de sens autre que juridique (G. Cornu. 2005). Etrangement, ces mots que vous entourez d’un si grand mythe sont cependant loin de renvoyer aux notions les plus fondamentales du Droit. Certains mots ont un sens juridique mais aussi au moins un sens non juridique. Même s’il faut les distinguer selon que leur sens juridique est leur sens principal (mots-clés du Droit), ou alors leur sens secondaire (cas le plus fréquent) (G. Cornu. 2010), le vocabulaire du Droit est un vocabulaire tout à la fois technique et précis. A quoi tiennent cette technicité et ce souci de précision du langage du Droit si ce n’est de rendre appréhensible le sens juridique auquel se rapportent les phénomènes exprimés. Le Droit n’échappe donc pas à la langue qui en constitue le vecteur, d’où peut se saisir la fameuse expression « nul n’est censé ignorer la loi ».

 

INJUSTICE. La langue étant par excellence le véhicule d’un imaginaire culturel et donc d’une certaine socialité, d’un ensemble de codifications, d’us et de coutumes, on peut en conclure que l’ordre juridique, formulé par la langue, est en conséquence un ordre social et un ordre linguistique car lié aux textes juridiques de nature écrite ou orale. Certains auteurs vont même jusqu’à voir dans l’ordre juridique un ordre rationnel contenu dans l’ordre social (M. Weber, 1986). L’ordre juridique doit pour ainsi dire dépendre des justifications qui prennent ancrage dans la réalité sociale pour garantir la sécurité juridique du justiciable. On peut dès lors en déduire que l’ordre juridique reflète la norme sociale d’un point de vue synchronique ou diachronique et intègre sa rationalité (A. Aarnio 1992). L’assertion selon laquelle nul n’échappe à la connaissance de la loi emporte donc avec elle des significations additives. Elle véhicule que dans des sociétés de langue d’adoption comme la nôtre, l’idée même d’une loi impartiale est inopérante ; les citoyens n’étant pas égaux dans l’appréhension du Droit bien que censés être égaux devant la loi. Or, le Droit doit s’appliquer de la même manière à tous les citoyens. D’où l’épineuse question de savoir comment arriver, dans nos pays, à l’exercice d’un Droit qui satisferait le principe fondamental du Droit : l’équité. « Nul n’est censé ignorer la loi » Oui ! Mais cette déclaration n’a pu être produite que dans des pays où la langue officielle est la langue nationale.

 

DROIT COLONIAL. Dans des pays anciennement colonisés, il y a donc de fait une nécessité essentielle à aller au-delà des prédicats et des concepts juridiques d’usage et à saisir le fondement même d’une justice équitable contemporaine. Car, cette relation dynamique entre Droit et langue pose à nos sociétés d’innombrables problèmes. En dehors de la méconnaissance et du manque de maitrise de la langue même pour des juristes avérés, il y a une autre problématique tout à fait inhérente aux États importés (B. Badié, 1992). Les langues étrangères, quand bien même officielle ou officialisée, disséminent des axiologies juridiques modernes comme le concept de citoyenneté ou de démocratie héritées des anciennes colonies. Dès lors, le jeune citoyen, au sens des jeunes Etats africains, est confronté en général à deux cultures juridiques différentes dont l’appropriation différenciée et/ou différentielle impose deux voies linguistiques du Droit caractérisant la complication de la situation juridique actuelle dans notre pays. Le fait est d’autant plus appréhensible que les situations juridiques sont éminemment des situations sociales d’où le dialogue de sourds entre les partisans du respect de la parole donnée (valeur sociale) et ceux du respect de l’avis du conseil constitutionnel (valeur juridique).

 

INCOHERENCES. Avis ou décision ? Lié ou pas ? Tel est donc le débat qui est posé et auquel vous avez voulu apporter une réponse, ayant vous-même défendu, par le passé, une position différente que celle que vous soutenez aujourd’hui sur la deuxième question que dessus. Mais ce sujet est soumis à notre réflexion, uniquement, parce que le Chef de l’Etat, dont vous êtes le conseiller, a pris pour argument, en la matière, ne pas pouvoir outrepasser l’avis du conseil constitutionnel. Or, il semble, à mon sens et pour une bonne part de la population, que, présenté ainsi, il revient sur une promesse ferme, faite et réitérée plusieurs fois au peuple. Il ne s’agit pas d’un débat doctrinal encore moins d’une querelle d’écoles. C’est d’une question éthique, morale, culturelle, sociale et plus profondément ontologique, dont il est question. D’où le caractère périlleux de l’entreprise constitutionnelle.

 

SOCIETE CONTRE ETAT (P. Clastres). On peut s’interroger sur votre prétention à constituer et à instituer un type d’Etat comme si celui-ci avait une validité donnée ou universelle. Cela implique une conception totalitaire, artificialiste de la Constitution qui n’est jamais discutée. La supposée suprématie des Constitutions au sens formel est de plus en plus remis en cause. Le Droit ne peut s’arrêter à une norme posée par la volonté humaine. Car si l’on admet que le Droit ne peut exister que s’il existe déjà du Doit, la Constitution, si tant est que son objectif est d’être positive, ne saurait avoir de valeur juridique qu’à condition d’avoir été produite en vertu d’une norme qui lui est supérieure. En l’occurrence ici, la norme sociale qui place la promesse au centre du corpus des valeurs sénégalaises. Il n’existe pas au sein de l’histoire de norme supra ou métaconstitutionnelle qui ait été posée par quelque organe compétent. Il doit donc exister une norme située au-dessus de la Constitution qui n’a pas de réalité empirique (notamment linguistique) tout en étant juridique. Hélas, vous avez tout simplement écarté ce problème. Car, comment appréhender l’idée d’une loi suprême qui s’imposerait à l’homme, supérieure à toutes les autres formes de loi sans que ce ne soit d’une divine émanation ? Il n’y a donc pas de raison qu’on puisse dégrader les valeurs sénégalaises sous prétexte que la Constitution est figée. Et c’est sans doute pourquoi votre raisonnement, tendant à faire la différence entre avis et décision, est on ne peut plus laborieux.

 

GRAMMAIRE « Le conseil constitutionnel du Sénégal ne rend pas d’avis mais des décisions » dites-vous. Une question simple me vient alors à l’esprit. Pourquoi le constituant n’a pas pris soin de faire la différence entre avis et décision ? N’est-ce pas la raison pour laquelle vous vous perdez en essayant de présumer l’esprit du constituant en même temps que vous soutenez qu’il n’est explicitement écrit nulle part qu’il s’agit d’un avis consultatif ? Vous conviendrez donc avec moi qu’avoir un bon niveau de langue pour choisir minutieusement les mots, et surtout les mots justes, est d’une importance capitale pour une Constitution. Sans parler de vos différentes positions ayant évoluées dans le temps, sans parler de Droit et sans tout aussi entrer dans la polémique avis ou décision, avis décisionnel ou avis consultatif, faisons une simple analyse grammaticale de l’article 51 que vous citez textuellement : « Le Président peut, après avoir recueilli l’avis du président de l’assemblé nationale et du conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnelle au peuple ».

 

APPOSITION. D’abord, cet article comporte une mise en apposition détachée. On appelle apposition un segment placé le plus souvent après un syntagme (le support) et qui apporte une précision sur son référent. Ce segment constitue une prédication supplémentaire, seconde, par rapport à la proposition dans laquelle elle figure. L’apposition est détachée à l’écrit par des virgules. Le segment apposé est supprimable sans que soit altérée la grammaticalité de la phrase. Ainsi donc le segment « après avoir recueilli l’avis du président de l’assemblé nationale et du conseil constitutionnel » est mis en apposition. Ce qui veut dire que nous pouvons la supprimer de la proposition sans altérer le sens de l’article 51. Ce qui donne : « Le Président peut soumettre tout projet de loi constitutionnelle au peuple ». Sans parler de Droit, ni d’avis, encore moins de décision, sachant de ce qui précède que le Droit n’échappe pas à la langue, nous voyons donc ici que dans l’esprit du constituant tel qu’il a rédigé cet article, il n’y a rien qui peut empêcher le Président de la République du Sénégal de soumettre un projet de loi constitutionnel, fusse-t-il la réduction de son mandat en cours, au peuple. A l’évidence donc et si on s’en réfère à votre réflexion, cet article bat en brèche tout votre raisonnement. Conclusion : le constituant n’a pas lié le Président de la République à la décision du conseil constitutionnel.

 

SYNTAXE. Ensuite, rédigé ainsi cet article véhicule une fausse idée selon laquelle le président de l’assemblée nationale est tout aussi le président du conseil constitutionnel. Pour marquer une différence nette entre les deux institutions et leur président respectif, il aurait plutôt fallu écrire « après avoir recueilli l’avis des présidents de l’assemblé nationale et du conseil constitutionnel » ou alors « après avoir recueilli les avis du président de l’assemblé nationale et du président du conseil constitutionnel ».

 

JUSTICE. Parce que le juste est précisément l’apanage du Droit, son expression ne doit donc souffrir d’aucune ambigüité. Le discours du Droit pour qu’il puisse s’appliquer convenablement doit utiliser un langage accessible. Le vrai sens du discours du Droit doit être saisi et compris par tous, d’où la nécessité, pour chaque situation exprimée, de trouver dans le vocabulaire de la langue, les mots capables de l’exprimer sans nuance et sans aucune possibilité de confusion pour satisfaire à l’exigence du juste. Cette exigence du Droit est aussi la source de l’existence, au sein de la langue, de termes qui n’ont de sens qu’exprimer dans le Droit. Ces termes ont ceci de particulier qu’ils ne contiennent pas seulement un sens juridique. Ils comportent également une valeur. C’est le couple Sens-valeur qui constitue la charge juridique des termes du Droit. La valeur en tant que tel est donc une potentialité lexicale qui évoque le paysage lexical dans lequel le terme considéré peut être employé sans aucune ambigüité. S’il existe alors un langage du Droit qui semble inaccessible, aussi technique que complexe qu’il puisse être, il est tout de même partie intégrante de la langue. La complexité du langage du Droit n’a pas fonction de rendre inaccessible le Droit, bien au contraire, elle participe de sa précision. Ce qui parait alors représenter un obstacle fort repoussant, participe ainsi de la simplicité du langage pour que le citoyen arrive légitimement, en tant que sujet du Droit, à comprendre le Droit.

 

INSUFFISANT. Nous ne pouvons en définitive que souligner le niveau de langue du constituant qui laisse à désirer. La Constitution du Sénégal est parsemée de mauvaises expressions, de fautes de grammaire et de syntaxe qui nous ont déjà valu les polémiques sur la candidature du Président Abdoulaye Wade en 2012. Puisque selon vous, ce qui n’est écrit nulle part ne résiste pas à l’analyse juridique, les mots ont donc leur importance. Alors, merci de vous attacher les services d’un professionnel de la langue afin de vous assurer que l’esprit du constituant est fidèlement et parfaitement traduit en lettres. La Constitution est une affaire trop sérieuse pour n’être que l’apanage des constitutionnalistes.

Pierre Hamet BA

Catégories
Mon Journal

Ces idées reçues qui coulent l’Afrique

Murray Rothbard, économiste et philosophe politique, a écrit dans un essai qu’il n’y avait rien de mal à ne pas comprendre l’économie, compte tenu de la nature spécialisée et souvent complexe de cette science. Cependant, il souligne que « Il est totalement irresponsable d’avoir une opinion tranchée et honnête sur les sujets économiques tout en restant dans cet état d’ignorance ».

Dans un pays confronté à des perspectives économiques extrêmes comme l’Afrique du Sud, il est toujours important de revenir aux principes de base. Les explications les plus simples sont les plus vraisemblables. Pourtant, de nos jours, il semble qu’il n’y ait qu’une seule théorie «économique» acceptée: l’intervention gouvernementale comme solution à tout les problèmes.

Les travailleurs seraient exploités

Cette conception s’est imposée à l’échelle nationale après des années de diffusion d’idées reçues. Par exemple, l’idée selon laquelle les travailleurs seraient «exploités» par les employeurs. Ceci est accepté comme un truisme sans aucune autre réflexion. Les marxistes croient en leurs théories de la « valeur-travail » et de la « plus-value ». Selon eux, la valeur travail n’est pas récompensée à sa juste hauteur. Le « méchant patron » capitaliste ne paierait au travailleur qu’un salaire de subsistance. La différence entre la valeur «réelle» du produit et le salaire que le travailleur gagne est une « plus-value » que le capitaliste conserve pour lui-même. En d’autres termes, les travailleurs ne reçoivent pas une part équitable, et leurs patrons capitalistes gourmands gardent la majeure partie du butin, d’où l’exploitation.

Ces théories marxistes sont – objectivement – fausses et aucun économiste sincère et sérieux ne dira le contraire. La valeur ne dépend pas seulement de  la quantité de travail incorporée dans un produit. Un individu peut passer un mois à assembler une chaise, mais c’est la demande sur le marché qui déterminera au final si le prix est plus ou moins élevé sur le marché. Les consommateurs paient d’abord pour la satisfaction (utilité) que leur procure le produit, quel que soit l’effort de travail déployé dans la production. En outre, le travail joue souvent un rôle secondaire dans la détermination du prix d’un bien ou d’un service comparé au coût des machines, des frais généraux et de gestion qui jouent un rôle décisif.

Ceci est basé sur le principe de la subjectivité de la valeur, qui est bien illustré par l’histoire de «l’eau dans le désert». Si quelqu’un qui a été bloqué dans le désert pendant des jours se retrouve devant deux grands conteneurs, l’un contenant de l’eau et l’autre des blocs d’or, lequel sera le plus précieux aux yeux de cette personne? D’évidence il choisira l’eau car l’or n’est pas objectivement plus précieux que l’eau à ce moment. La valeur dépend du besoin d’un consommateur. Ainsi les théories de la «valeur-travail» et de la «plus-value» nagent dans un océan d’erreurs.

Les travaux publics créeraient de l’emploi

Une autre erreur est l’idée selon laquelle les programmes de travaux publics créeraient de l’emploi. C’est une idée coriace depuis le temps de l’apartheid. Pourtant, objectivement il s’agit ici de payer des gens avec leur propre impôt. Ce qui se passe en réalité c’est que des entrepreneurs compétitifs du secteur privé sont écartés de ces opportunités de travail au détriment d’un secteur public qui octroie les marchés dans la plus grande opacité. La corruption et le copinage font exploser le coût de ces projets qui finalement pèsent bien lourdement sur le contribuable sans offrir plus d’emplois que si le secteur privé avait obtenu le marché en toute transparence.

La nationalisation serait salvatrice

Encore aujourd’hui, la nationalisation est présentée comme une solution noble aux problèmes économiques. Pourtant, depuis les chemins de fer du XIXe siècle, la nationalisation a toujours apporté de mauvais résultats. Au mieux, une fois qu’une entreprise ou une industrie est nationalisée, elle est marquée par l’inefficacité et un manque de respect pour les consommateurs (pensez aux files d’attente au bureau de poste d’Afrique du Sud). Au pire, le secteur s’effondre complètement avec comme corollaire la destruction de l’économie (pensez aux mines du Zimbabwe et à l’agriculture soviétique). La privatisation, en revanche, a produit des résultats plus positifs, bien que variables selon la façon dont elle a été mis en œuvre.

En effet, lorsque une privatisation se fait en toute transparence, de manière non corrompue, et hors copinage, l’efficacité est au rendez-vous. Par contre, si la privatisation se réduit à un simple transfert de propriété de l’Etat vers des amis de l’Etat – avec une protection monopolistique – l’inefficacité est inévitable et pourtant on utilise aussi dans ce cas le terme « privatisation ». Soulignons quand même qu’une mauvaise privatisation est encore préférable à une nationalisation, car ces entreprises privatisées subissent inexorablement la sanction du marché et sont vouées à la faillite rapidement si elles n’améliorent pas leurs performances.

Le capital serait entre les mains des blancs

Enfin, les Sud-Africains ont fini par comprendre que le «monopole des blancs sur le capital» est une menace illusoire instrumentalisée par une classe politique défaillante qui cherche des excuses pour masquer un bilan catastrophique. Pourquoi continuer à écouter ces discours mensongés polluant les analyses ? Il faut définitivement rompre avec ces idées reçues populistes qui figent la croissance économique et aggravent la misère. C’est le point de départ du chemin vers la prospérité en Afrique du Sud, comme dans le reste du continent d’ailleurs.

Catégories
Mon Journal

La biométrie en Afrique : une panacée pour la transparence électorale ?

Gemalto, Morpho, Zete, Genky, Biolink, Electoral Service International, telle est la liste non exhaustive des entreprises étrangères auxquelles les pays africains font appel pour la « biométrisation » de leurs processus électoraux. Objectif ?  Echapper aux fraudes électorales massives, catalyseurs de crises et conflits politiques. En effet, presque partout aujourd’hui sur le continent, gouvernants, opposants et société civile ne tarissent pas d’éloges sur l’arrivée de cette technologie qui, à leurs yeux, est la « recette miracle » des élections libres, fiables et transparentes. Face à un tel emballement, une question s’impose : la biométrie est-elle la panacée de la transparence électorale ?

La biométrie est une avancée incontestable

L’Afrique est en passe de devenir le précurseur mondial en matière d’élections biométriques. En effet, si plus de la moitié des pays du monde ont recours à la reconnaissance biométrique dans leurs processus électoraux, plus de la moitié de ceux-ci sont situés en Afrique. Effet de mode ou pas, un tel fait peut s’expliquer aisément. Du fait de l’absence ou d’une mauvaise tenue du registre d’état civil, la plupart des pays africains éprouve de sérieuses difficultés dans l’élaboration de listes électorales reflétant l’ensemble de la population en âge de voter. Pour relever ce défi, ces derniers n’ont d’autre choix que d’emprunter le chemin de la biométrie.

La biométrie est une technique visant à identifier une personne à partir de ses caractéristiques biologiques, qui sont infalsifiables et uniques pour lui. Dans son principe, le système biométrique est une avancée réelle. Son utilisation pourrait en effet révolutionner bien des choses. Permettant de lutter contre les inscriptions multiples et les électeurs fictifs. La biométrie est incontestablement un outil concourant directement à la fiabilité du fichier électoral. Techniquement, il ne serait plus aussi facile de tricher. Le principe « une personne, un vote », une des pierres angulaires des élections démocratiques longtemps mis à mal, retrouve ainsi sa vitalité.

On peut alors, en toute légitimité, penser que la biométrie, en assurant l’égalité des votes, participe à l’enracinement de la démocratie dans nos Etats. Cependant, comme pour toutes les technologies, les limites de la biométrie doivent être prises en compte.

La biométrie est une condition nécessaire mais insuffisante

Les enseignements tirés des expériences des différents pays africains tendent à montrer que certes, la biométrie a des vertus qu’on ne pourrait nier, mais son introduction dans le processus électoral ne suffit pas à garantir la tenue de scrutins crédibles et transparents. En témoignent les nombreuses contestations post-électorales que nous observons ici et là, et dont l’usage du système biométrique n’a pu faire l’économie. Il faut  alors prendre conscience des limites de cette technique qui n’est pas aussi infaillible ou invincible qu’on ne le pense.

D’une part, la biométrie ne prend pas en compte tout le processus électoral. Ne visant que la fiabilisation des listes électorales et la sécurisation des votes, elle laisse des brèches qui peuvent être exploitées par certains politiques refusant à tout prix le jeu de la transparence. Bourrages d’urnes, inversion des résultats, pression sur les électeurs, voilà des pratiques qui subsistent malgré l’avènement de l’outil biométrique et qui tendent à annihiler ses précieux apports.

D’autre part, il ne faut pas occulter les nombreux problèmes d’ordre techniques qui surviennent lors des consultations électorales. Trop souvent en effet, les élections biométriques ont été bafouées par la mauvaise qualité de la saisie des données lors de l’inscription des électeurs ou par des failles dans les processus de déduplication des listes électorales et de vérification de l’identité des électeurs. De tels dysfonctionnements révèlent les difficultés  d’appropriation de cette technique par les pays, compte tenu de leurs faibles moyens financiers et du manque d’expertise appropriée en la matière. Qui plus est, même mise en œuvre correctement, cette technologie admet des marges d’erreurs.

Le constat est donc clair : la biométrie, quoique de nature à faire un saut qualitatif aux processus électoraux, ne saurait être seule la clé de la transparence électorale. Il faut certainement plus pour réhabiliter la confiance des citoyens dans les institutions politiques.

Les autres ingrédients pour réhabiliter la confiance des citoyens dans les institutions politiques

Le but ultime d’une élection est l’acceptation des résultats par tous. Chose extrêmement difficile lorsque le lien de confiance entre les citoyens et les institutions politiques est rompu. Et la biométrie à elle seule ne peut rien pour réconcilier les citoyens avec les institutions.  En réalité, le contexte dans lequel le système biométrique est appliqué joue un rôle prépondérant dans son succès ou son échec. L’option d’une élection transparente réelle ne saurait se départir de cette confiance institutionnelle, lubrifiant essentiel au fonctionnement de tout système politique.

Pour être digne de confiance, les institutions politiques doivent donc faire en sorte que les gouvernements respectent la volonté des populations et gouvernent par consentement et non par coercition. A cet égard, le processus électoral doit être inclusif. Il s’agit non seulement de rechercher le consensus dans l’établissement de la liste électorale afin que celle-ci ne fasse pas l’objet de contestations, mais aussi de choisir un processus de collecte et de comptabilisation des résultats transparent. Plus généralement, s’appuyant sur la bonne gouvernance, les institutions politiques africaines doivent améliorer leur qualité en renonçant à la corruption et en respectant scrupuleusement les règles établies ; la transparence étant une exigence du jeu démocratique. Eu égard à ses nombreux avantages, il est temps que la biométrie soit aussi une aubaine pour l’Afrique et non juste, pour les entreprises étrangères, du pain béni

Catégories
Mon Journal

TIC et développement de l’informel en Afrique

Le développement est présenté comme étant un monopole de la sphère-Nord. En conséquence, si le Sud, en particulier l’Afrique voulait en profiter, il faudrait qu’elle y soit d’abord invitée. Cette approche a donné lieu à un certain état d’esprit chez les experts, cartels et monopoles internationaux, favorisant les récits apocalyptiques au sujet de l’Afrique. La bonne nouvelle vient de la numérisation ; ce processus de déplacement du monde physique dans le cyberespace, perturbe ces anciennes notions et permet aux acteurs du monde entier de s’engager de manière proactive dans les marchés déjà établis. Le Kenya est un tel pays en Afrique qui a su bien mobiliser la numérisation pour stimuler son économie.

Le Kenya et, par extension, les pays d’Afrique subsaharienne se développent sur une large base d’activités économiques informelles et une mince couche du secteur formel. Le secteur informel du Kenya est vaste et dynamique et représente 95% des entreprises opérant dans le pays. Le pays bénéficie d’environ 7,4 millions de micro, petites et moyennes entreprises, avec seulement 20% (1,56 million) autorisées à opérer officiellement. La vaste base informelle offre seulement des possibilités au développement du sous-emploi et de l’affaiblissement de la productivité car elle contribue à moins de 25% du produit intérieur brut du pays. Les plateformes de numérisation offertes par Internet et par les téléphones portables ont toutefois débloqué le potentiel du secteur informel qui, autrement, serait resté invisible et non bancable. Ce secteur bénéficie désormais de plateformes mobiles comme le M-PESA utilisé par 31 millions de Kenyans (58% de la population adulte du Kenya) grâce à ses 144 000 agents répartis dans tout le pays. On estime que 25% des flux de PIB du Kenya passe via les plateformes d’argent mobiles numériques.

Les plateformes de numériques ont permis au gouvernement du Kenya d’élargir sa mobilisation des ressources intérieures par l’intermédiaire de l’I-Tax gérée par Kenya Revenue Authority. Le Trésor public du Kenya a levé 5 millions de USD grâce à une obligation d’infrastructure appelée M-Akiba («Akiba» est le mot équivalent en Kiswahili pour épargner) qui permet aux Kenyans ordinaires d’acheter des obligations d’État d’un montant de 30 USD. La plateforme M-Akiba a révolutionné le secteur bancaire en permettant aux citoyens ordinaires d’acheter directement des obligations d’État qui rapportent 10% d’intérêt sur les économies, rivalisant ainsi avec les systèmes bancaires traditionnels rigides. Par ailleurs, il est à noter que l’approche du gouvernement pour offrir et rendre compte de ses prestations de services aux citoyens a été également numérisée.

Grâce aux TIC, les innovateurs ont été rémunérés pour développer des applications qui répondent aux besoins de l’éducation, de la santé et de l’énergie. Il y a vingt ans, il fallait plusieurs mois pour relier les familles des zones rurales avec leurs homologues en zones urbaines. Il fallait attendre à un terminal de bus en espérant tomber sur un proche afin d’envoyer de l’argent et des messages vers les zones les plus reculées. Grâce à la numérisation, cela est maintenant traité en quelques secondes. Les blocs économiques régionaux de l’Afrique et l’ensemble du continent ont maintenant l’occasion de se connecter aux marchés pour une plus grande prospérité par les TIC.

Le monde numérique est en train de « dévorer » littéralement la réalité physique par la manipulation, la communication et le stockage de la réalité physique en chiffres ou morceaux binaires. Le monde numérique a créé une « jungle intelligente » analogue à une jungle africaine équatoriale typique avec ses menaces et ses opportunités. Il faut avoir les outils et les connaissances de sécurité pour naviguer dans une jungle pleine d’animaux sauvages désireux d’avoir un repas. Les plateformes numériques telles que les moteurs de recherche et les médias sociaux offrent des menaces et des opportunités similaires nécessitant des compétences de navigation et des outils de sécurité. La capture et le stockage des cyber-empreintes des individus révolutionnent le monde du choix individuel puisqu’il relègue quelque peu le choix aux systèmes d’intelligence artificielle.

Ainsi, les TIC ouvrent de nombreuses opportunités aux pays en développement en les intégrant au marché avec la plus grande simplicité. Grâce à elles, les forces qui maintiennent les pauvres dans une posture de domination sont rompues. Les forces telles que les croyances culturelles (en particulier celles concernant les femmes) ; l’impunité et le mauvais environnement juridique ; les régimes de droits de propriété ; la faible gouvernance ; les relations sociales et les systèmes commerciaux et financiers mondiaux favorisant les chaînes de valeur établies sont perturbés par un accès accru aux opportunités via la numérisation.

Grâce à la numérisation, les citoyens ordinaires et les pays pauvres ont l’occasion de lancer leur propre développement intrinsèque au lieu d’attendre d’être «invités» par les pays développés.

Catégories
Mon Journal

Afrique : de la consommation à la production !

Les taux de croissance économique sur le continent peuvent sembler impressionnants. Ces taux doivent cependant être relativisés car on revient de tellement de loin, le niveau de production est tellement faible, que toute augmentation est considérée comme un grand pas en avant bien qu’il s’agisse concrètement de petites avancées. De plus, le passage de l’économie de subsistance à l’économie de marché permet d’intégrer statistiquement des régions éloignées qui n’étaient pas comptabilisées dans les comptes nationaux. Bien évidemment, les statistiques devraient donc être lues avec prudence, d’autant qu’il y a peu de pays africains, excepté l’île Maurice, capables de fournir des données nationales fiables.

Notons que dans ses prévisions pour l’économie mondiale, d’avril 2017, le Fonds monétaire international (FMI) ne prévoit qu’«une reprise modeste» en Afrique subsaharienne, puisque la croissance devrait atteindre 2,6% en 2017 après 1,4% l’année dernière. La prévision de croissance pour l’Afrique du Sud, le soi-disant géant économique en Afrique, est de 0,8%, un peu mieux que les 0,3% de 2016. Sans aucun doute, elle sera révisée à la baisse suite au remaniement du Cabinet de Jacob Zuma, qui a incité l’agence de notation Standard & Poor’s à dégrader la note souveraine du pays en catégorie spéculative (de « BBB – » à « BB + »). L’incertitude politique met en danger les perspectives de croissance et les équilibres financiers du pays.

Le défi qui nous attend est de transformer ces menaces en opportunités. Pays sans conflit, Maurice a été particulièrement attractive pour les Sud-Africains riches, qui sont parmi les plus grands acheteurs étrangers de propriété. AfrAsia Bank estime que 280 millionnaires sud-africains se sont installés dans l’île depuis 2006. La création de sociétés à Maurice, considérée comme la porte d’entrée vers l’Afrique, soutient encore le marché immobilier. Bien qu’il devienne un pilier économique, le secteur de l’immobilier ne peut cependant pas être au cœur d’une petite économie insulaire en développement parce qu’il ne crée pas beaucoup de valeur ajoutée. Contrairement à l’immobilier, le commerce est plutôt un meilleur créateur de richesses qui peut générer des avantages économiques tangibles pour la population en général. Bien sûr, nous devons échanger ce que nous produisons, et le commerce international porte aussi bien sur la production des services que sur celle des biens.

Le commerce de marchandises de Maurice avec les pays africains reste perturbé dans la mesure où il est entravé par des barrières non tarifaires, des goulets d’étranglement réglementaires et des contraintes d’infrastructures physiques. L’accès au marché est même difficile pour l’Afrique du Sud, ce qui amène le président de la Chambre de commerce sud-africaine, Richard Robinson, à déclarer dans une interview au Business Magazine du 26 avril 2017 que : « Ce qui est possible pour Maurice est qu’elle se concentre sur le développement de son industrie des services, par exemple les NTIC et les secteurs de l’éducation, tout en élargissant ses services financiers aux entreprises d’Afrique du Sud ».

Pourtant, il n’y a pas de barrières tarifaires dans la Communauté de développement de l’Afrique australe et le Marché commun pour l’Afrique orientale et australe, dont Maurice est membre. L’île est également devenue membre la zone de libre échange tripartite COMESA-EAC-SADC qui comprend la Communauté de l’Afrique de l’Est. Ces trois communautés économiques régionales s’étendent de Cape Town au Caire, créant un marché intégré avec une population de 625 millions de personnes (57% de la population du continent africain) et un produit intérieur brut total de 1 200 milliards de dollars(60% du PIB africain). Les exportateurs mauriciens ne doivent pas cibler une large clientèle, mais feraient mieux de se concentrer sur le segment de la classe moyenne. Ce dernier représente, sur l’ensemble du continent africain, près de 350 millions de consommateurs.

En effet, l’Afrique devrait plus être considérée comme un marché de la consommation que de la fabrication. Les Africains achètent des produits étrangers avec l’argent qu’ils reçoivent des Asiatiques en échange de leurs terres et de leurs matières premières. Ce qui fait l’attractivité du continent, c’est la richesse des ressources naturelles, des minéraux inexploités, et des terres agricoles cultivables qui peuvent être exploitées. Sa structure de production est orientée principalement vers l’extraction de ressources et l’offre de biens et services de consommation finale. Les secteurs prospères sont ceux des produits « en amont », éloignés du consommateur (mines et agriculture), et des biens « en aval », les plus proches du consommateur (distribution et services), mais la fabrication manufacturière diversifiée fait défaut. Même en Afrique du Sud, où les contestations ouvrières perturbent les nouveaux investissements, l’industrie manufacturière diminue alors que les détaillants étrangers sont venus en masse. L’histoire de l’Afrique est une économie pré-industrialisée plus axée sur le commerce de gros et de détail grâce à un marché de masse.

Ce n’est donc pas un hasard si peu de capitaines de l’industrie mauriciens se sont aventurés à fabriquer sur le continent. Quelques exemples rares sont fournis par Alteo impliqué dans la production de sucre en Tanzanie, et par Innodis engagé dans la production de volailles au Mozambique. Pendant ce temps, les banques mauriciennes ayant une base régionale font de bonnes affaires dans le financement du commerce extérieur. Ils continueront aussi à engranger des bénéfices sur le financement de la dette.

Les économies africaines sont alimentées par des dépenses publiques et privées, financées essentiellement par des emprunts, car l’épargne est médiocre, les taux d’intérêt étant maintenus artificiellement bas par les entrées de capitaux étrangers. Les rendements obligataires ont chuté, induisant des investissements dans l’infrastructure financés par des emprunts. La faiblesse des taux d’épargne, ayant entraîné un manque d’accumulation de capital, explique pourquoi les secteurs produisant des biens d’équipement (secteurs intermédiaires) sont si peu développés. Les efforts d’épargne ont été découragés par le déficit public irresponsable du gouvernement, la planche à billets, l’affaiblissement de la monnaie, l’inflation galopante, les taux d’intérêt réels négatifs et le crédit bancaire facile.

Ainsi, une bulle de la dette est en cours de formation. Les conséquences économiques seront terribles à moins que les Africains ne réduisent drastiquement leurs dépenses de consommation et commencent à économiser. Les Mauriciens devraient faire de même et investir dans les processus de production plutôt que dans les centres commerciaux.

Catégories
Mon Journal

Aide au développement ou néocolonialisme ?

La solution à la pauvreté mondiale est plus simple que vous ne le pensez, à condition d’adopter une nouvelle stratégie philanthropique de manière à changer notre vision de nous mêmes et de ceux que nous espérons aider.

Dans le prochain rapport annuel de la Banque mondiale, à paraître en 2018, pour la première fois, l’impact des petites réformes institutionnelles (comme le renforcement des droits de propriété privée), sur le niveau de pauvreté, sera quantifié. Les résultats montrent que, pour chaque augmentation de cinq unités du score d’un pays sur l’indice « Doing Business », il s’en suit une baisse d’un pourcent du niveau de pauvreté. En d’autres termes, plus un gouvernement permet aux pauvres d’exercer leurs droits économiques, moins le niveau de pauvreté est haut dans ce pays.

Efforts honnêtes, conséquences inattendues

Ainsi, les pauvres savent mieux que nous ce qu’il faudrait faire pour sortir de la pauvreté. Alors pourquoi nous ne les laissons pas faire? D’évidence, le courant dominant de l’aide au développement perpétue un paternalisme reposant sur l’expertise technique des étrangers en ignorant totalement les choix des bénéficiaires locaux.

Prenons l’exemple des experts étrangers, représentant le Millennium Villages Project, qui ont recommandé et soutenu financièrement de nouvelles cultures et méthodes agricoles dans un village ougandais. Ça a marché, puisque les rendements des récoltes ont considérablement augmenté, mais rapidement les villageois ont fini par être malheureux, même rancuniers, car il n’y avait pas de débouchés pour écouler leurs récoltes qui ont fini par pourrir. En fait, il s’est avéré que le coût pour amener les camions au village afin de transporter la récolte supplémentaire sur le marché a dépassé sa valeur. D’évidence, si les villageois avaient été consultés lors de la réalisation du programme, ils auraient pu évaluer le risque dans le contexte.

Il existe d’innombrables histoires telles que l’aventure du village ougandais pour apprendre de ses erreurs en dépit des efforts honnêtes et des bonnes intentions. La conséquence est que le monde en développement est étouffé des conséquences de grands projets construits de toute pièce par des experts extérieurs déconnectés du milieu. Le colonialisme brutal du passé a cédé la place à l’industrie de l’aide apparemment sérieuse et généreuse.

En 2016, l’aide au développement dans le monde a atteint un nouveau sommet de 143 milliards de dollars. Ce serait une nouvelle encourageante si l’aide au développement avait permis de réaliser des changements économiques durables. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Un nombre croissant d’experts en développement économique de haut niveau, parmi eux le lauréat du prix Nobel de 2015, Angus Deaton, mettent en garde contre le modèle actuel d’aide pour atténuer la pauvreté systémique dans le monde, car il fait plus de mal que de bien et doit être abandonné.

Bien sûr, faire face aux pauvres du monde est tout aussi troublant que de constater que nos meilleurs efforts philanthropiques au cours des 60 dernières années ont peut-être empêché le succès économique parmi ceux qui en ont le plus besoin. Cela dit, nous pouvons nous réconforter maintenant en reconnaissant qu’il y a une meilleure façon de faire les choses.

Ils doivent diriger, nous devons suivre

L’année dernière, en Inde, un groupe de réflexion indépendant, appelé Centre for Civil Society (Centre pour la société civile), a plaidé et a réussi à faire pression pour abroger les exigences de capital minimum lors de la création d’entreprises, une pratique qui impose un fardeau disproportionné aux pauvres. Ce changement a augmenté le score et améliorer le classement de l’Inde dans l’indice « Doing Business » de la Banque mondiale. Concrètement, cela se traduit par l’équivalent de 321 000 personnes qui ont pu elles-mêmes sortir de la pauvreté. Ainsi, au lieu de s’évertuer à aider les pauvres, l’Inde leur a redonné de la dignité en rétablissant un droit économique. Ces personnes ayant les connaissances nécessaires pour progresser durablement ont pu profiter des opportunités qu’elles jugent pertinentes.

Les études montrent que les personnes démunies se déplacent vers des pays ayant des droits économiques garantissant la prospérité. Comme l’explique l’expert en développement de Harvard, Lant Pritchett: «Il n’y a pas de pauvres. Il y a des gens qui vivent dans des endroits pauvres ». Cela signifie que des réformes internes contextualisées sont indispensables. Le modèle de l’aide conçue à l’étranger est un échec.

Avec son budget annuel d’environ 1 million de dollars, Centre for Civil Society réalise ce que des milliards n’ont pas réussi à faire. Et il existe des organisations similaires à travers le monde qui font de même.

Pour les étrangers, la philanthropie privée à l’appui de ces organisations locales est la meilleure façon de faire une grande différence car elles permettent de restaurer les droits économiques dans le monde entier. Ils doivent diriger, nous devons suivre, si nous voulons commencer à faire du vrai développement durable.