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LA LOI NE VAUT RIEN. Entretien avec Moi-même. Extrait 1.

La loi ne vaut rien. Exempte de discussions impartiales préalables au sein d’une assemblée dont les membres, représentant la société toute entière, feraient fie de leur singulière appartenance respective, qu’elle soit politique, ethnique, communautaire ou régionale ; impudemment présentée à un petit royaume d’esprits, plus simples les uns les autres ; partialement adoptée par des godillots insidieusement préposés au plébiscite de toute propension absolutiste; hardiment promulguée par un hideux malotru insolent et sournois, plus soucieux de ses intérêts propres que des affreuses conditions d’existence sociale ; la loi, de fait porteuse d’une désespérance Kierkegaardienne, n’a aucune déterminité transcendante. Elle s’exprime avec force puisque force lui reste. Elle n’a donc de réalité qu’immanente et coercitive puisqu’elle ne prospère que par la peur des populations déjà angoissées qui se consacrent à survivre dans le désarroi d’un désespoir toujours grandissant plutôt qu’à précipiter une douloureuse mort, lente mais certaine au terme des conditions exécrables d’existence : les leurs. Qu’elles désobéissent, qu’elles défient l’autorité ou qu’elles protestent en couvrant de feu les rues de la cité ne semble être que l’expression salutaire d’une thérapie de groupe, une réponse en quelque sorte encore loin de se hisser à la hauteur de l’indifférence à leur condition d’existence sociale dont fait montre le politique. On voit pointer ici, dans une certaine mesure, quelque chose comme la troisième loi de Newton selon laquelle « l’action est toujours égale à la réaction ; c’est-à-dire que les actions de deux corps l’un sur l’autre sont toujours égales et de sens contraire ». Le corps à corps actif ou passif, violent ou calme, sensible ou indolore semble pour ainsi dire inévitable. Tout au moins, le débat, primordial en démocratie si tant est qu’il est contradictoire, pourra y joindre le politique au cœur et enfin sonner le clap de ce simulacre de démocratie au sein de laquelle le citoyen est un spectateur, non un acteur, qui n’a de droit que de jeter un bulletin dans l’urne à intervalle régulier, de choisir un politique parmi tant, puis de retourner chez lui, consommer, regarder la télé et surtout ne pas déranger. Un instrument docile de consommation, passif, obéissant, ignorant et programmé, c’est à quoi le politique a réduit le citoyen. Il l’a détourné vers des buts inoffensifs, usant de la loi pour écraser ses sentiments normaux, somme toute, incompatibles avec ses desseins tyranniques. Pour le moins, les balbutiantes sautes d’humeur citoyennes se comprennent comme les fumerolles d’un magma social en perpétuelle fusion.

La loi, déficiente donc en ce qu’elle procède unilatéralement et presque exclusivement par la contrainte, est pour ainsi dire mise au défi par un corps social déjà bien éprouvé. Que ces manifestations d’humeur soient spontanées et soutenues par ceux que le politique pâture comme des bêtes n’est pas fortuite. Dans la douleur, les bêtes du politique ont appris à faire corps comme une communauté politique de la même manière que, dans son approche épistémologique de la politique et de la médecine, Averroès, reprenant à son compte les thèses dialectiques platoniciennes sur le sujet, stipule que la disposition à la communication entre les parties et le tout de la communauté politique est semblable à la disposition à la communication entre les parties du corps animal et le tout de ce corps, pour la douleur comme pour le plaisir. Ainsi tout le corps se plaint alors qu’un seul doigt souffre de quelque manière, de sorte que l’affliction est dans tout le corps, et l’on dit qu’il est malade, et la disposition est la même pour la joie et le plaisir. […] Et tel est le plus grand bien de la communauté politique, à savoir que ses parties et son tout soient semblablement affectés par la joie ou par l’adversité, comme dans la disposition des membres du corps unis avec le corps (Averroès Exp., I, xxvii, 2-4, p. 52). Se perçoit alors d’un côté, la communauté de ceux qui ressentent le mal ; et de l’autre, celle de ceux qui, sous le couvert du manteau de la loi, le leur ont affligé pour ne point le ressentir. Les médecins-politiques peuvent alors « tuer ou exiler celui-ci ou celui-là pour purger et assainir la cité, exporter des colonies comme on essaime des abeilles ». De telles choses seraient justes au nom de la loi car conformes à celle-ci. Or, parce qu’« elle ne sera jamais capable de saisir ce qu’il y a de meilleur et de plus juste pour tous, de façon à édicter les prescriptions les plus utiles, [la loi ne vaut rien] car la diversité qu’il y a entre les hommes et les actes, et le fait qu’aucune chose humaine n’est, pour ainsi dire, jamais en repos, ne laissent place, dans aucun art et dans aucune matière, à un absolu qui vaille pour tous les cas et pour tous les temps (294b).

Pierre Hamet BA.

Extrait des entretiens avec moi-même

1. De l’anthropologie de la loi.

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LA RAISON DES JALOUX

La convoitise est le propre de l’homme. La jalousie est le fait de personnes qui pensent valoir plus que nous, qui auraient aimé être à notre place sans pour autant vouloir être ce que nous sommes, qui nous sommes et sans être prêtes à vivre les expériences que nous avons vécues.

Beaucoup d’entre-nous s’imaginent être plus valeureux parce qu’ils sont bien nés, parce qu’ils sont de connivence avec une certaine catégorie sociale qui leurs font faveur de titres, positions et privilèges. Or, soustraits de leurs titres, positions et privilèges, leurs connaissances, leurs compétences et leurs valeurs intrinsèques n’égalent pas la hauteur d’un nain. Mais parce qu’ils se considèrent au dessus de la mêlée sans pour autant se sortir du cafouillage social, ils ont des projets pour nous. Mais des projets dans lesquels nous devons jouer les seconds rôles, être à leur service ou même leur faire gagner plus de biens et de privilèges parce que pensent-ils la société verticale; quelque chose comme un axe orthonormé sur lequel nous occupons la partie inférieure à zéro.

S’il leur arrive alors de reconnaître nos compétences et nos valeurs autres que celles dont ils se prévalent, ce n’est que parce que le temps est venu pour eux de se rendre compte qu’ils ont confondu notre humilité à une faiblesse, notre silence à une ignorance et notre intégrité à un manque d’ambition. Ce sont pour ainsi dire des opportunistes qui ne reculent devant rien serait-ce leur propre bêtise. Ils sont prêts à lécher nos bottes jusqu’à ce qu’ils parviennent à nous planter un couteau dans le dos. Soit par la délation, soit par la trahison de confiance.

Ne vous prevalez donc pas de vos titres car ils ne préjugent ni de vos qualités humaines, ni de vos compétences encore moins de votre apport au terme de l’histoire. Jamais je n’ai entendu les noms de Einstein, hawkin, Sarte, Heidegger, Veil, Descartes, Hegel ou encore plus prêt de nous, les noms de Senghor et de Cheikh Anta précédé d’un titre. Leur reconnaissance provient plus de leur travaux que d’une bandoulière qui justifieraient leur qualité intellectuelle.

Débarassez-vous donc pas de vos bandoulières, positions et privilèges car ils ne traduisent pas qui vous etes, ni ce que vous êtes capables d’accomplir mais juste qu’un système vous a reconnu ou alors qu’une personne à placer en vous sa confiance pour des raisons qui lui sont propres et qui jurent le plus souvent d’avec vos compétences. De connivence et de circonstance vous êtes en poste mais ne croyez pas votre intelligence nanométrique supérieure au peuple dont la somme des intelligences réduit la vôtre à l’infinitésimale.

Arrivistes, jaloux, heineux, envieux, j’ai des défauts et des qualités comme tout être humain. Mes défauts, j’essaye de les parfaire. Mes qualités, je les sublime pour affranchir ma communauté des tares qui plombent son évolution. Je suis, comme la majeure partie du peuple, un sénégalais en détresse qui tente de rendre son environnement meilleur qu’au jour de sa naissance. Et je mourrais heureux car, en toute occasion, j’ai essayé autant que faire se peut de rendre mon prochain heureux et de l’aider à aller de l’avant.

Amitiés de circonstance, ne soyez donc pas jaloux car vous n’aimeriez pas être à ma place, vivre mon enfance, expérimenter ma jeunesse, affronter mes peurs, relever mes défis, vivre mes angoisses et ne point être capables de vous extasier. Je porte un lourd sacerdosse qui ne donne pas de satisfaction définitive, seulement des instants de bonheur de voir la dimension de l’autre s’accomplir dans la dignité humaine.

Je vous aime bien.

Pierre Hamet BA.

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L’AFFAIRE DIACK ET LE PROCÈS DE POUTINE: La Vitrine Politique des Jeux

Quand bien même le CIO s’en défend, les Jeux Olympiques ne sont pas neutres. Les olympiades de 1968 tenues à Mexico demeurent sans nul doute la meilleure illustration, pas seulement des enjeux géopolitiques et du caractère très politique des jeux olympiques mais aussi et surtout de leur influence dans les changements sociopolitiques de notre époque.

Il y eut beaucoup de première fois à Mexico 68. D’abord parce que la sprinteuse mexicaine Enriqueta Basilio devient la première femme à allumer la vasque olympique, signe de l’aube d’une évolution de la condition de la femme dans le monde. Ensuite parce qu’allaient y participer l’Allemagne de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est qui repart avec 25 médailles et termine cinquième, trois rangs devant sa grande rivale de l’ouest. Mais aussi c’est la première fois que tous les finalistes du 100m sont des Noirs. Et, contre toute attente, il y eut cette finale du 200m du 16 octobre alors que les JO de Mexico, diffusés en direct à la télévision et pour la première fois en couleurs, prennent une dimension mondiale en reflétant les agitations et les transformations de l’époque. Ce qui s’y produisit ce jour là est considéré comme l’une des manifestations politiques les plus importantes de l’histoire des Jeux olympiques modernes.

En effet, le noir américain Tommie Smith venait de battre le record du monde en 19,83 pour devancer l’Australien Peter Norman et son compatriote tout aussi noir, John Carlos. "Sur le podium, les deux Noirs américains ont déposé leurs chaussures à leur côté, en signe de pauvreté. Chaussettes noires aux pieds, ils baissent la tête et lèvent un poing ganté de noir quand retentit leur hymne national et que la bannière étoilée monte aux mâts, alors que Norman, en signe de solidarité, porte lui aussi le badge «Olympic Project for Human Rights» («Projet olympique pour les droits de l’homme»). Sifflés et hués par une partie du stade, ils deviendront des parias.

L’atmosphère est d’ailleurs chargée d’électricité lorsque Smith et Carlos se présentent dans une salle où sont entassés près de 400 journalistes. "Nous sommes noirs et nous sommes fiers d’être noirs. l’Amérique blanche ne nous reconnaît qu’en tant que champions olympiques, mais l’Amérique noire a compris pourquoi mon poing ganté de noir était levé vers le ciel. L’Amérique noire toute entière était derrière nous. Ils ont dit qu’un Américain avait gagné la course. Si j’avais fait quelque chose de mal, ils auraient dit qu’un nègre avait couru.", affirme Smith. «Le poing fermé symbolisait l’unité du peuple noir», détaille ensuite Carlos, avant de faire une déclaration «à la presse du monde entier» : «Quand nous sommes montés sur le podium, on nous a applaudis comme si nous étions des animaux ou des chevaux de course qui avaient bien fait leur travail. Mais nous ne sommes pas des animaux qui ne savent pas réfléchir après une course. Nous voulions vous prouver que nous n’étions pas des animaux noirs. Quand nous avons levé le poing, nous avons entendu des tas de Blancs nous huer. Ils nous traitaient jusqu’à présent de “braves garçons”. Mais nous ne sommes pas de braves garçons ou de braves animaux que l’on récompense par des cacahuètes. S’ils ne s’occupent pas de ce que les Noirs pensent en temps normal, qu’ils ne viennent pas voir les Noirs courir en public.»

Plus tard dans la soirée, les responsables de l’équipe américaine s’emportent et leur réplique à l’attitude des athlètes, qui seront exclus à vie des Jeux, est glaciale. «Il faut simplement passer la main, oublier», assure Carl Roby, président du Comité olympique américain. «Ils se sont conduits en gamins et se sont plus ridiculisés eux-mêmes qu’ils ne nous ont ridiculisés. Ils veulent lever le poing, qu’ils le lèvent donc. Ils veulent se déchausser, qu’ils marchent pieds nus. Ces agissements enfantins ne nous touchent en aucun cas. […] Nous n’en discuterons même pas lors de notre prochaine réunion. Nous ne nous en souvenons déjà plus.» L’histoire, elle, s’en souviendra. «Il se passait tant de choses dans le monde qu’on devait tous y porter attention», se rappelle la sprinteuse américaine Wyomia Tyus, médaillée d’or sur 100 mètres et 4 X 100 m, qui dédiera cette dernière victoire à Smith et Carlos".

Apres cet événement hautement politique de Mexico 1968 qui reflétait les bouleversements sociaux qu’experimentait déjà le monde (mai 68), il y eut lors des jeux de 1972, la tuerie de Munich qui révèlait l’engrenage du conflit israélo-palestinien. Un commando de l’organisation terroriste palestinienne « Septembre noir » s’introduit dans le village olympique avant de prendre en otage des membres de la délégation israélienne. Cette prise d’otage, suivie en direct à la TV, a conduit à la mort de 17 personnes.

A Montréal en 1976, les cinq médailles dont trois d’or et le score parfait (10) de Nadia Comaneci, gymnaste roumaine, contribuent fortement à dédiaboliser le régime communiste roumain. Le journaliste Jean-Jacques Bozonnet déclare ainsi : « De Mussolini à Ceausescu en passant par tous les pays du bloc soviétique, tous les dirigeants ont cherché à jouer sur la fibre nationale sportive.». (A Suivre…)

Pierre Hamet BA.

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L’AFFAIRE DIACK ET LE PROCÈS DE POUTINE: Au delà des Jeux Olympiques.

Voilà maintenant cinq longues années que j’étudie avec un intérêt tout particulier le procès intenté principalement contre Lamine et Pape Massata Diack. Présentée au monde comme une sordide affaire de corruption, il me semble, au terme du procès puisqu’aucun élément à charge vraisemblablement indiscutable n’a été apporté par l’accusation pour étayer sa thèse de manière irréfutable, que Lamine Diack, noir africain de son état, est victime de son aura, de son audace, de sa réussite qui ne souffre d’aucun doute d’être parvenu à démocratiser les jeux olympiques en les affranchissant du joug occidental; mais aussi et surtout, le digne fils d’une Afrique toujours considérée comme la partie inferieure de l’humanité paye au prix fort, le cran qu’il a eu d’organiser et de réussir avec brio une des plus belles manifestations olympiques internationales au pays de Vladimir Poutine, sacralisant ainsi, 25 ans seulement après la chute du mur de Berlin, le retour de la toute puissante nouvelle Russie au premier rang mondial.

Bien que Pierre de Coubertin, pour donner un caractère neutre aux jeux olympiques qu’il a remis au goût du jour en 1894, s’est fortement appuyé sur le fait que, dans les cités grecques, la trêve militaire était de rigueur le temps des jeux, on parlait alors de Trêve olympique ou Ekecheira, force est de reconnaitre que l’histoire contemporaine des jeux olympiques est empreinte d’enjeux politiques, géopolitiques et geostrategiques.

En effet, l’organisation des olympiades revêt une opportunité unique pour le pays hôte d’affirmer sa place dans le concert des nations du monde. C’est donc avant tout, un investissement politique, un projet gouvernementale plutôt que sportif. L’image du sport est pour ainsi dire utilisée pour démontrer le rayonnement et la compétitivité d’un pays face à ses pairs. Mais aussi pour énoncer le désaccord d’un pays sur la politique étrangère d’un autre ou sur ses agissements politiques internes: c’est l’histoire des boycotts des olympiades, apparus pour la première fois lors des jeux de Melbourne en 1956. L’Egypte, le Liban et l’Irak refusent d’y participer en réponse à l’intervention franco-britannique sur le canal de Suez. Les jeux de Moscou en 1980 sont tout aussi largement boycottés car l’URSS venait d’envahir l’Afghanistan.

Les boycotts sont donc la justification première des tensions géopolitiques qui accompagnent l’attribution et l’organisation des olympiades. Mais pas seulement. Il y a aussi les enjeux du rayonnement international. Les jeux sont donc considérés comme une démonstration de puissance qui témoigne du bouleversement de l’ordre mondial. De la domination de l’occident au gigantisme des Jeux de Pékin en 2008, puis à l’attribution au Brésil en 2016, comme reconnaissance d’un monde multipolaire, les jeux olympiques restent l’une des plus grandes opportunités géopolitiques contemporaine, si ce n’est la plus grande.

C’est la principale raison pour laquelle les attributions et les participations revêtent une signification politique internationale. Les dynamiques géopolitiques s’y observent. "L’attribution des jeux de 1960 à Rome puis de 1964 à Tokyo apparaissent comme le signe hautement politique d’un pardon accordé aux vaincus de la Seconde guerre mondiale. L’autorisation de participer est elle aussi politiquement significative. L’Allemagne et le Japon n’en ont pas le droit après la Seconde guerre mondiale. L’Afrique du Sud est interdite dans les années 60 par rapport à l’Apartheid, puis l’Afghanistan en 1999 car les Talibans interdisent toute pratique sportive aux femmes" (C. Beguin, 2017).

On ne peut donc nier qu’il ne sagit plus de simples Jeux Olympiques où les athlètes couronnés de gloire revenaient chez eux comme des dieux. Bien au contraire, à la vue des faits historiques qui temoignent des enjeux politiques concomitants aux olympiades, on peut affirmer qu’il s’agit de jeux géopolitiques. Et, il y a plusieurs arguments en faveur de cette thèse. (A Suivre…)

Pierre Hamet BA.

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L’AFFAIRE DIACK ET LE PROCÈS DE POUTINE

Jamais, avec légèreté, je ne me prononce sur un sujet. Après avoir dépouillé, étudié, analysé et exploité les minutes du procès, les documents d’enquêtes et après avoir exploré plusieurs autres aspects de cette affaire jusque-là pas du tout évoqués par l’une ou l’autre des parties, j’entreprends, à travers une série d’articles, de démontrer que l’affaire Lamine et Pape Massata Diack est une cabale géopolitique dont la seule finalité est de punir les Diack d’avoir permis à la Russie de réaffirmer son leadership mondial, entérinant ainsi une grandeur plus splendide que celle de l’exe URSS; et, de soustraire à cette dernière son mérite ainsi que les auréoles de son sacre olympique.

Les Diacks se sont retrouvés au milieu dune nouvelle guerre froide dont ils leur seraient très difficile d’en sortir indemnes tant les pays de l’ouest nourrissent encore une haine inexpliquée à l’égard de la Russie sans laquelle ils ne seraient jamais sortis de la domination hitlérienne. La vérité est là. La Russie a gagné la seconde guerre mondiale mais l’histoire ne nous parle que du grand débarquement des alliés comme si celui-ci avait sonné la fin de la guerre. A travers ce procès qui s’inscrit donc dans une certaine continuité historique, ce ne sont pas les Diack que l’on juge mais plutôt Vladimir Poutine et la toute nouvelle puissante Russie.

Pierre Hamet BA.

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LA POSITION LIBANAISE: L’IMPÉRIALISME DES FAITS

Dans les trois articles que j’ai consacrés à la position libanaise au Sénégal, j’ai expliqué comment et pourquoi la communauté libanaise s’est installée au Sénégal et la manière dont l’administration coloniale s’est servie des libanais comme bouclier social et intermédiaire négociant. A cela est venu s’ajouter la nécessité de sécuriser la production de l’arachide qui entrait désormais dans les habitudes de consommation en métropole (huiles, margarine, fromages, tourteaux pour les animaux) mais aussi, dans la production industrielle (huile de graissage, fabrication de glycérine et d’explosifs). Pour cause, les français allaient se heurter à un adversaire de taille dans notre pays.

En effet, Ahmad b. Muhammad b. Habib Allah connu sous le nom d’Ahmadou Bamba ou encore Serigne Touba, fondateur de la confrérie mouride, jouissait d’une grande importance économique. Ses adeptes s’adonnaient à la culture de l’arachide qui, depuis le 15e siècle dans le royaume du Cayor, si on en croit les écrits de Cada Mosto, était transformé en huile "couleur safran, odeur de violette et saveur d’olive" pour assaisonner les viandes. Cette longue tradition agricole amènera le Sénégal à produire et à exporter un peu plus de 2 500 tonnes d’arachides en 1885; plus de 140 000 tonnes en 1900; et, en 1930, plus de 508 000 tonnes (Pierre Deloncle, 1934). Dès lors les colons français allaient s’opposer à Ahmadou Bamba pour assurer leur main mise sur la production arrachidière et sécuriser ainsi les circuits d’approvisionnement. L’administration coloniale va donc fortement investir les libanais dans le commerce de l’arachide (Boutros Labaki, 1993) pour ainsi jouer un rôle central, contrôlé par le gouvernement français, dans le changement des structures économiques de production locale. (Souha Taraf, 1994).

Ainsi de plus en plus de libanais allaient s’installer au Sénégal pour y devenir les hobereaux de l’administration coloniale. C’est ahurissant de s’en rendre compte, mais le fait mérite attention. Pendant la colonisation il y avait en AOF plus de libanais que de colons francais. De 15% en 1908, ils sont passés à 87% de la population étrangère vivant en AOF. En 1936 ils sont 71% de la population totale des étrangers, soit 5 792 Libanais sur une population totale de 7 650 étrangers (Alhadji Bouba Nouhou, 2012). En ce qui concerne le Sénégal, le recensement de 1936 fait état de 3 410 français et 2 560 Libanais (Jean-Gabriel Desbordes, 1938). Mais les libanais allaient vite dépasser la population de colons établis au Sénégal. Ainsi en 1951 et 1952 on comptait respectivement 5 821 et 7454 libanais sur le territoire sénégalais contre 3351 français (Asmar, 1984).

Du point de vue économique, les libanais contrôlaient entièrement le commerce au Sénégal. En effet, en 1938, ils possédaient 75% des établissements commerciaux de Dakar, 55% de ceux de l’intérieur, le tiers des bâtiments de Dakar et 50% des bâtiments des localités de l’intérieur du Sénégal. Bien que peu nombreux dans l’agriculture, ils exploitaient tout de même des plantations d’agrumes : 2 à pout; 4 à SébiKotane et 3 à Saint-Louis. Un libanais s’était engagé dans la floriculture dans la banlieue de Dakar. Dans l’industrie, les libanais tenaient à Dakar trois confiseries-pâtisseries, une imprimerie, une fabrique de sacs; et une tannerie à Kaolack. Dans les services, on comptait plusieurs restaurants et hôtels exploités par des Libanais à Dakar. Et, dans les professions libérales, on comptait quatre librairies appartenant à des libanais, deux médecins et deux dentistes libanais. Ils avaient tout aussi plusieurs associations: 2 à Dakar, 2 à Kaolack, une à Saint-Louis et 2 à Thiès; et une revue hebdomadaire en langue arabe entre 1930 et 1935. (Mroueh, 1939).

On voit donc bien ici qu’il n’y avait de place pour les indigènes que dans des secteurs peu porteurs de richesses et d’avenir. Tout était fait pour que les sénégalais ne puissent pas un jour accéder à la classe moyenne, synonyme de pouvoir économique qui remettrait inévitablement en cause le pouvoir politique du colon. A titre de comparaison, ce n’est pas un miracle si les pays anglophones s’en sont mieux sortis que les pays francophones après les indépendances. Car, là où la politique coloniale anglaise dite "indirect rule" permettait aux autochtones de s’insérer dans la gestion politique et économique de leur pays, les français quand à eux ont totalement exclu les autochtones des affaires et leurs ont substitués un peuple étranger peu regardant et très peu scrupuleux quand au commerce des biens indigènes.

De tout ce qui précède, il ne serait pas faux d’indiquer que les français ont colonisé le Sénégal, mais que les libanais étaient l’instrument de cette colonisation. Ce ne sont donc pas les formes administratives coloniales, policières et quelque fois même sanguinaires dont on a trop souvent tendance à parler qui sont les plus abjectes. Mais quand on disserte sur la colonisation et sur ses effets on ne peut plus néfastes, on omet assez souvent d’évoquer la signification sociale additive qu’elle comporte. Or, c’en sont les dérivés et les subsistances, résistant au silence de la longue durée, qui justifient, à notre époque, la situation de la communauté libanaise au Sénégal. En effet, partout où le colon s’est installée, les structures sociales préexistantes ont été détruites et parmi ses ruines, a pris naissance non pas une nouvelle société mais une nouvelle stratification sociale, une sorte de nouvel ordre social sous-jacent au sein de laquelle les libanais allaient bénéficier du soutien administratif, logistique et financier du colon et entrer ainsi en jouissance des privilèges de la classe moyenne des sociétés colonisées.

Pierre Hamet BA.

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LA POSITION LIBANAISE: LES PRIVILÉGIÉS DE L’ADMINISTRATION COLONIALE

Le but de mon propos n’est pas de soulever l’ire des sénégalais contre les libanais ni d’inciter à la haine raciale, mais de nous donner un aperçu sur le rôle et le statut des libanais depuis leur installation au Sénégal et, de nous permettre ainsi de comprendre pourquoi, du point de vue socio-économique, ils réussissent en affaires mieux que les sénégalais et constituent encore aujourd’hui une classe moyenne peu nombreuse mais fort influente, riche, considérable et très considérée.

J’ai précédemment expliqué comment les colons, dans le cadre de la mise en valeur des territoires de l’AOF, ont permis aux libanais d’investir les niches socio-économiques d’intermédiaires entre paysans sénégalais, forcés de se spécialiser dans la culture de l’arachide et, les maisons européennes qui font le commerce de ces productions. Les libanais vont ainsi accompagner la consolidation du pouvoir impérial français et de la société coloniale qui se définit exclusivement en des termes racialisés (Stoler, 2002). Mais, à mesure qu’augmentent les flux d’entrée de migrants libanais en A.O.F et qu’évoluent les mentalités coloniales, la gestion de la présence des libanais, bénéficiant de statuts administratifs spéciaux du fait de l’engagement diplomatique de la France au Liban, se montre de plus en plus complexe. En effet, à un premier temps où leur présence est vue sous un regard positif, les Libanais participant de la prospérité globale de la colonie, succède à partir des années 1920 une période où les velléités de contrôle de l’administration coloniale se précisent.

Cependant, même poussée par la mobilisation de groupes sociaux métropolitains dénonçant la concurrence des libanais et par le repli protectionniste de la politique coloniale française au début des années 1930, l’administration coloniale ne pouvait qu’agir dans le cadre contraint des engagements diplomatiques de la France vis-à-vis des ressortissants libanais, désormais sujets des mandats qu’elle exerce depuis 1920. Mais aussi les conditions d’engagement des jeunes metropolitains dans les colonies étaient si contraigenantes (célibat forcé, aucune interaction avec les noirs, climat hostile etc) que seuls les libanais pouvaient constituer une barrière viable entre colons et colonisés. Les communautés libanaises allaient donc durablement s’établir dans l’ordre impérial français en A.O.F entre les années 1880, temps des pionniers, et 1939 où l’embrasement de la Seconde Guerre mondiale interrompt, une nouvelle fois après 1914, les circulations internationales. La présence libanaise dans les colonies etaient pour ainsi dire nécessaire à l’expansion coloniale. Elle lui permettait notamment de completer une stratification sociale au sein de laquelle l’indigène ne pouvait tout au plus qu’aspirer à l’assimilation pour espérer s’affranchir un tout petit peu de sa condition inférieure pour ne devenir qu’un vil commis de l’administration coloniale.

Il faut ici comprendre que, dans le cadre d’une politique de séparation totale entre blancs et noirs dans les colonies, le pouvoir central à user des libanais mais aussi, dans une certaine mesure, des capverdiens à partir des années 1930, pour maintenir les indigènes dans une classe inférieure sans aucune possibilité d’évolution dans l’ordre sociale coloniale préétabli. Ainsi partant, après les libanais qui occupent les commerces, les capverdiens seront utilisés pour les activités tertiaires et indépendantes comme la peinture en bâtiment, la coiffure et l’élevage de cochons. Les capverdiennes, quand elles, seront les couturières ou les femmes de ménage des colons.

Si donc, jusqu’à un passé récent les peintres en bâtiment, les éleveurs de cochons et les coiffeurs à Dakar étaient pratiquement tous capverdiens, et les libanais presque tous des commerçants, ce n’est pas parce qu’ils portent ces métiers dans leurs gènes, c’est tout simplement une subsistance de la catégorisation sociale coloniale, la même qui a fait des libanais les riches commerçants qui devait reprendre les rênes de l’essentiel de l’économie sénégalaise au lendemain des indépendances.

Pierre Hamet BA.

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LA POSITION LIBANAISE: DES SÉNÉGALAIS ENTIÈREMENT À PART

Bien que les monographies ne soient pas précises sur leur date d’entrée sur le territoire de l’AOF, nous pouvons situer les premières arrivées en 1839, période qui coincide avec l’ouverture de la Tanzimat dont l’une des manifestations les plus concrètes est la migration des libanais à l’image des peuples de l’empire ottoman dans leur ensemble. Même si alors, traitant de la position libanaise au Sénégal, j’ai précédemment soutenu que les libanais avaient été utilisés pour servir, d’une part, l’expansion coloniale; et dautres parts, de garde-Fou entre la classe superieure du colon et celle inferieure des autochtones, il est important, afin d’éviter un faux procès à nos compatriotes d’origine libanaise, de souligner que leur arrivée dans notre pays ne fut pas manifestement et délibérément orchestrée par le colon.

Bien au contraire, la migration libanaise pendant la colonisation posa, à ses débuts, une question coloniale épineuse au point que l’administration coloniale intima à ses services de renseignements de mener une série d’enquêtes sur la question (centre des archives diplomatiques de Nantes [CADN], Beyrouth consulat, série A, Affaires consulaire). En effet, les compagnies bordelaises et marseillaises se plaignirent de l’arrivée de plus en plus massives de libanais sur le territoire de l’empire. Mais les plaintes portaient moins sur l’émigration clandestine que sur la concurrence que les libanais leur opposaient (Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Marseille, 4M2152 : «Affaire Sursock (1891) » et « Affaire Loufti (1893-1897) »). On voit donc bien ici que la présence des commerçants libanais au Sénégal inquiète l’administration coloniale au point que Jean Paillard, idéologue maurrassien intéressé aux questions coloniales, se demande si on allait laisser le troisième port français (Dakar) aux mains des libanais (ANOM, 1AFFPOL1432 : PAILLARD Jean, « Laissera-t-on le troisième port français, Dakar, aux mains des etrangers?»).

Toutefois, une des enquêtes des services de renseignement de l’empire colonial francais sur les réseaux clandestins de migration des libanais et, notamment sur l’opportunité de placement de jeunes Français dans le commerce colonial (ANOM, 1AFFPOL1432: Lettre de l’Union coloniale au ministre des Colonies du 21 octobre 1935), va donner à l’administration coloniale une idée claire de ce qu’il fallait faire des libanais établis au Sénégal. Vue que l’Afrique subsaharienne ne représentait pas une région propice à l’installation des colons, les décideurs de la Troisième République, ne souhaitant pas que le prix à payer soit trop élevé même s’ils accordent une importance à l’accroissement du prestige français permis par la conquête coloniale, la présence libanaise va se révéler opportune pour permettre l’exploitation des ressources des terroirs ouest-africains.

En 1913, l’Empire colonial captait environ 7% des dépenses de l’État et seulement 9% des investissements français (Coquery-Vidrovitch, Goerg, 1992 : 153) et les trois-quarts de ces sommes concernaient alors l’unique colonie de peuplement qu’est l’Algérie. Ainsi, alors que l’administration et le pouvoir coloniaux français se consolident dans le sens de la centralisation, avec la création de la Fédération de l’A.O.F sous l’égide d’un gouvernement général sis à Dakar et dépendant du ministère des Colonies, le pouvoir colonial va donc assigner aux libanais un statut fluctuant en fonction des impératifs de sa gestion de l’Empire et de ses populations ainsi que de leur degré d’adhésion à l’ordre impérial. Les libanais vont ainsi bénéficier de représentations positives auprès des décideurs coloniaux qui leur reconnaissent un rôle primordial dans «la mise en valeur» de la colonie.

Définie par les deux premiers gouverneurs-généraux civils de la colonie, Ernest Roume (1902-1908) et William Ponty (1908-1914), cette politique va permettre, en élevant les conditions de vie de la population libanaise et à travers des investissements massifs dans les infrastructures de transport, sanitaires et d’éducation, de rendre l’A.O.F prospère et de renforcer le pouvoir français dans la région (Conklin, 1997 :16). L’activité commerçante des libanais se voit donc attribuer le mérite de participer à cette amélioration des revenus et des niveaux de vie des paysans africains et à « la mission civilisatrice » française en Afrique tout en mainetant les indigènes à bonne distance des colons.

C’est ainsi que les libanais vont investir les petites villes desservies par les lignes de chemin de fer inaugurées dans les années 1910, comme Diourbel, Rufisque, Thiès et Kaoloack. Leur capacité de pénétration des marchés autochtones est renforcée par un effort d’acculturation auprès des populations locales comme l’illustrent l’apprentissage des langues wolof ou sérère ou des pratiques de concubinage avec des femmes africaines qui tranchent d’avec l’entre-soi des colons d’origine métropolitaine.

Ainsi, dans le cadre d’un ordre colonial fondamentalement basé sur une stricte séparation des corps et des modes de vie et sur l’imperméabilité des contacts entre Blancs et Noirs (Stoler, 2002:19-39), les libanais acquièrent une place d’intermédiaires commerciaux, sociaux et raciaux entre Français et Africains et deviennent ainsi la classe moyenne de nos sociétés.

Au moment où des libanais sont cités dans une très grosse affaire impliquant pêle-mêle fuite et blanchiment de capitaux, financement de terrorisme et corruption, il est important de s’intéresser aux pertes, aux dérivés et aux subsistances du système qui a fait de leur communauté la classe moyenne par extraordinaire de notre société, conférant aux libanais un statut de citoyen sénégalais à part mais pas à part entière.

Pierre Hamet BA.

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LA POSITION LIBANAISE: LES ORIGINES

Nous avons tôt fait fait d’enterrer les problématiques marxistes alors qu’elles n’ont jamais été aussi vraies et aussi intrigantes. Même si la lutte des classes ne se présente plus en termes de confrontations physiques entre individus de classes sociales différentes, comme à l’époque des grandes révolutions du 18e siècle, elle n’a pas pour autant cessé d’exister. Elle est plutôt le vers que la rose porte en elle. Même si alors la notion de bourgeoisie devient de plus en plus impropre, force est de constater que le système de stratification social n’a point évolué dans le temps. L’historiographie impose donc à l’histoire autrefois enchantée par la beauté de la rose de maintenant s’intéresser au vers.

Nous le savons bien, le but ultime de toute classe sociale est d’accéder au rang supérieur. Les classes n’ont donc pas de contenus statiques. Bien au contraire, elles sont dynamiques. Une classe superieure qui sert de référence est obligée de se réinventer pour ne pas perdre sa place de modèle et se voir ansi reléguée à une classe inférieure à la sienne qui, pour le moment, domine. Il en est de même pour les classes moyennes et ouvrières. Ainsi on voit bien qu’une lutte intrinsèque s’accapare des classes sociales dès leur apparition.

On peut ainsi voir les pays sous-développés comme la classe inférieure, les pays en voie de développement comme la classe moyenne et les pays développés comme le modèle de tête qui sert de référence. Par contre, là où, au sein de ce même modèle, les classes se sont âprement dessinées dans une historicité truffée de luttes féroces, parfois même sanglantes, entre forces sociales qui ont fini par se neutraliser dans le temps pour donner naissance à trois strates sociales qui se chevauchent sans s’harmoniser, dans les pays anciennement colonisés, la stratification sociale a été une fabrication chronosophique du colon.

De la sorte, pour éviter aux indigènes, classe inferieure par excellence, parce que colonisés, d’aspirer à la place de modèle, les colons ont fabriqué une classe moyenne dont l’apparence chromatique lui est sembable, mais capable de vivre dans les comptoirs les plus reculés, de s’accommoder aux modes de vie indigènes, de commercer voire de s’accoupler avec.

C’est ainsi que les syro-libanais (libanais dans le langage courant), bien que sujets français à ces époques là, ont été installés dans nos pays pour servir l’expansion coloniale, nous tenir distant de la classe supérieure et taire ainsi toute velléité indigène de prétention à la bourgoisie…

Pierre Hamet BA

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ET SI GUTERRES AVAIT RAISON

Bien qu’ayant été indigné par l’assertion de Guterres selon laquelle une catastrophe sanitaire allait s’abattre sur l’Afrique occasionnant par la même des millions de morts; et bien que, dans un précédant article (Guterres, vous avez tort), je démontrais qu’une telle catacombe ne saurait arriver en Afrique, j’envisage désormais la possibilité que l’Afrique ne soit pas capable de contenir la pandémie.

Mes démonstrations précédentes, principalement basées sur une étude comparative des démographies occidentales et africaines et sur la résilience des peuples africains face aux multiples pandémies qui ont traversé son histoire, ont manqué de prendre en compte les limites politiques de l’État africain, et donc son incapacité à convaincre sa population du bien-fondé de ses décisions, à trouver des alternatives locales, d’inventer, à défaut de se réinventer, des solutions nouvelles, des approches prospectives stratégiques inédites.

Tout se passe comme si les dirigeants africains se sont contentés de copier les anciennes métropoles colonisatrices et de plaquer, avec le même agenda, leurs solutions sur une population qui n’a ni le même niveau d’éducation, toute proportion gardée, ni la même historicité, encore moins la même appréhension de la mort.

Par ailleurs, si l’on se penche de plus près sur les circonstances qui ont précipité la fin des mesures préventives et la reprise progressive, sinon totale, de pratiquement toutes les activités sociales en Afrique malgré le risque encore élevé de contamination à grande échelle, on se rend vite compte que la peur de violentes protestations, d’émeutes et peut-être même de renversement de régime s’est saisie de nos dirigeants.

Parce que la gestion des ressources naturelles en Afrique fait souvent l’objet de controverses; parce que le pouvoir politique africain manque de légitimité à cause des manipulations d’élections dont il est fréquemment accusé; parce que des hommes à des postes de responsabilités politiques et, pratiquement sortis du néant, deviennent subitement riches sans pour autant être en mesure de justifier l’origine licite de leurs biens; parce que les détournements de deniers publics et autres sacandales financiers et fonciers sont le lot de l’homme politique africain, l’Etat africain est fragile.

Il manque ainsi d’autorité sur une population qui a fini de lui retirer toute crédibilité. On en arrive à une situation où les populations vont jusqu’à douter de l’existence même d’une quelconque pandémie, pensant que l’État dont elles sont concaincues qu’il a cessé depuis belle lurette de se préoccuper de leur bien-être, abuse maintenant du seul bien précieux qui leur reste: leur liberté de mouvement, condition sine-qua-non de leur existence, si ce n’est de leur survie.

Il y a donc bien évidemment quelque chose qui se passe parallèlement à la pandémie. C’est une question à laquelle nous devons porter une réflexion attentive. Il s’agit de la problématique de la légitimité qui, elle seule, garantit la confiance qui est le préalable à tout système de gouvernance. Car, comment gouverner sans autorité et comment avoir de l’autorité sur une population convaincue de la mauvaise foi et du manque d’intérêt de ses dirigeants quant à son devenir? Telle est, il me semble, l’urgence à laquelle nous devons faire face pour nous éviter pareilles contingences en d’autres situations improbables mais possibles au terme de l’histoire.

Tout compte fait, l’État africain semble avoir abdiqué face à la pandemie, incapable d’exercer son autorité qui ne peut puiser sa source ailleurs qu’en la confiance de son peuple. Il est donc désormais envisageable que la pandémie prospère en Afrique plus qu’ailleurs à cause de l’incapacité de nos dirigeants à retrouver la confiance de leur peuple, seul gage d’une obéissance civile.

Pierre Hamet BA