À tous ceux qui ont précipitamment crié au blasphème à la lecture de DIEU EST MORT, L’HOMME EST VIVANT (mon précédent texte), il me plait de vous indiquer que, toutes les fois où l’homme a eu la prétention de représenter Dieu et, de tenter par la même de le défendre face à des comportements, des accusations ou alors des propos tenus par des tiers à son encontre, il a causé du tort à son prochain.
Ceci en a été des croisés, et il en est de même des djihadistes des temps modernes. Or, causer du tort à son prochain, fussent-il pour Dieu lui-même, est par excellence le péché qui mérite châtiment. Alors, comment osez-vous?
Mon propos est pourtant d’une simplicité déconcertante. Chaque fois que, dans l’histoire humaine, les peuples autour de la terre se sont confrontés à des phénomènes auxquels ils n’avaient pas de réponses objectives, ils s’en sont remis à Dieu.
La notion de colère divine est née de cette incapacité à donner du sens à ce qui alors dépassait l’entendement humain.
De fait, les tremblements de terre comme celle qui décima Nicodemie le 24 août de l’an 358, les éruptions volcaniques comme celle du Huyna Putina au Pérou le 19 février de l’an 1600, les déluges suivis d’inondations et de montée du niveau des eaux qu’on retrouve dans la mythologie de pratiquement tous les peuples, ont tous fait l’objet d’interprétations métaphysiques.
Face au surgissement brutal et énigmatique de la nature, il semble que, quelles que soient les époques et les cultures, un seul recours est admis : celui du Sacré. Les paysans siciliens, en mai 1983, face à l’éruption de l’Etna, n’ont pas dérogé à la tradition et le bras de Santa Barbara a été amené devant la coulée.
On y croirait sans trop y croire qu’il existe, quels que soient les âges, une sorte de constante dans les attitudes mentales par rapport aux cataclysmes. Que les gens de l’Etna réagissent comme ceux du Huyna Putina et que le Sénégalais contemporain ne trouve d’autres explications à la pandémie actuelle si ce n’est un châtiment divin, relève de l’analogie. Et, l’intérêt d’en disserter résulte d’abord du rapport entre les faits de conjoncture et les mentalités.
Mais quelle est précisément la nature de ces péchés qui nous valent le châtiment divin?
Pour les sociétés d’époque, il s’agit plutôt de ruptures de tabous, c’est-à-dire de l’oubli des bonnes manières, des normes, celles qui sont liées aux choses sacrées, au sacer des modèles mythiques: péché du peuple, colère d’un dieu, vengeance d’un serpent, d’un oiseau, d’une baleine, ou de son ennemi, lutte entre deux dieux, lutte entre deux serpents/inceste. Ou encore, c’est la colère de la Terre, en raison de l’action d’un homme qui a blessé le casque d’une tortue, parce qu’on a blessé d’une flèche le poisson qui nageait dans l’arbre de la vie, ou parce que la lune est tombée dans la mer. La lune a également pleuré faute de pouvoir épouser le soleil ; un ours a fait de même, car il ne pouvait épouser une grenouille.
Ramenées à notre époque, ces explications peuvent nous sembler ironiques et caduques. Mais peut-on pour autant dire que les gens de toutes les époques passées avaient tort si notre attitude face au coronavirus comporte des dérivés et des subsistances de la pensée primitive.
La vérité cest que nous ne pouvons pas, au 21e siecle, avec tout l’arsenal scientifique, technique et technologique dont nous disposons et, avec la somme des connaissances accumulées au sein de l’histoire, nous permettre de ne trouver d’autres voies salutaires à notre survie qu’un refuge dans la pensée primitive, comme qui dirait un phénomène de régression.
PHB.